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forclusion

Publié le 04/04/2015

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forclusion n.f. (angl. Repudiation ou Foreclosure; allem. Verwerfung). Selon J. Lacan, «défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle, avec la structure qui la sépare de la névrose« (D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose, 1957).

Le fonctionnement du langage et les catégories topologiques du réel, du symbolique et de l'imaginaire per‑

mettent de spécifier ainsi ce défaut: le signifiant qui a été rejeté de l'ordre symbolique réapparaît dans le réel, sur le mode hallucinatoire par exemple. Les perturbations qui s'ensuivent dans les trois registres du réel, du symbo­lique et de l'imaginaire (R.S.I.) donnent aux psychoses leurs différentes confi­gurations. L'effet radical de la forclu­sion sur la structure tient non seule­ment au changement de lieu du signi­fiant, mais également au statut primordial de celui qui est exclu : le père comme symbole ou signifiant du Nom-du-Père, dont le signifié corrélatif est celui de la castration. C'est pour­quoi, dans certaines conditions, le sujet psychotique se trouve affronté à une castration non pas symbolique, mais réelle.

L'HOMME AUX LOUPS

L'hallucination du doigt coupé, rappor­tée par l'Homme aux loups dans sa psychanalyse, a permis à S. Freud de mettre en évidence un mécanisme dis­tinct et du refoulement névrotique et du désaveu pervers, la Verwerfung, qui est à la base de la psychose. Le terme freudien signifie « rejet «. Lacan a fini par le traduire par « forclusion «. Cette option ale mérite de mettre l'accent sur cette caractéristique : ce qui a été rejeté ne peut plus faire retour au lieu même d'où il a été exclu. Ce procès se dis­tingue donc du refoulement, car le refoulé fait retour dans son lieu d'ori­gine, le symbolique, où il a été admis primitivement.

La forclusion porte donc sur le signi­fiant.

Dans le texte de Freud, la Verwer-fung marque à chaque fois le rapport du sujet à la castration: «Il la rejeta et s'en tint au statu quo du commerce par l'anus. Quand je dis: il la rejeta, le sens immédiat de cette expression est qu'il n'en voulut rien savoir au sens du refoulement. Par là on ne peut dire que fut proprement porté aucun jugement

sur son existence, mais il en fut aussi bien que si elle n'avait jamais existé.«

À l'occasion de son analyse du méca­nisme de la paranoïa, dans le cas Schre-ber, Freud avait déjà été amené à préciser que l'hallucination n'était pas un mécanisme projectif: «Nous recon­naissons bien plutôt que ce qui a été aboli à l'intérieur revient de l'exté­rieur.«

L'INTERPRÉTATION DE LACAN

L'épisode hallucinatoire de l'Homme aux loups autorise plusieurs remarques. Comme ce phénomène est soustrait aux possibilités de la parole, il s'ac­compagne d'effets dont voici quelques traits majeurs repérés par Lacan : l'en­tonnoir temporel dans lequel s'enfonce le sujet, son mutisme atterré, son senti­ment d'irréalité. Le sujet se heurte au symbole retranché, qui pour autant ne rentre pas dans l'imaginaire — où sa position féminine ôte tout sens à sa mutilation hallucinatoire — mais cons­titue ce qui n'existe pas pour lui.

C'est un mode d'interférence entre le symbolique et le réel.

Lacan s'est servi de l'article de Freud sur la dénégation pour isoler le procès de la forclusion dans l'une des deux phases de la dialectique propre à la dénégation: la première, de symbolisa­tion ou Bejahung — admission qui consiste en une «introduction dans le sujet« —, n'a pas eu lieu. La seconde, «d'expulsion hors du sujet«, constitue le réel en tant qu'il subsiste hors de la symbolisation. La forclusion «est exac­tement ce qui s'oppose à la Bejahung primaire et constitue comme tel ce qui est expulsé «. D'où, dans ce même texte des Écrits, la formulation de Lacan: «Ce qui n'est pas venu au jour du symbo­lique apparaît dans le réel.«

LE RAPPORT DU SUJET AU SIGNIFIANT

Si la castration se produit dans le réel, dans quel registre se situe celui qui en

est l'agent? Alors que Freud fait état de la relation du sujet au père, Lacan, avec le cas Schreber, aborde la question du rapport du sujet au signifiant: «L'attri­bution de la procréation au père ne peut être que l'effet d'un pur signifiant, d'une reconnaissance non pas du père réel, mais de ce que la religion nous a appris à invoquer comme le nom du père. « C'est le père au titre de sa fonc­tion symbolique de castration. Autre­ment dit, dans l'ordre du langage, il instaure la limite, la coupure et du même coup la vectorisation de la chaîne ou son sens (phallique). Qu'un sujet dans des conditions électives ren­contre «un père réel«, qui «vienne à cette place où [il] n'a pu l'appeler aupa­ravant«, déclenche la psychose. Car, au lieu de trouver corrélativement l'appui du symbole, il ne rencontre à cette place que le trou ouvert dans le symbo­lique par l'effet de la forclusion. «Au point où [...] est appelé le nom du père, peut donc répondre dans l'Autre un pur et simple trou, lequel par la carence de l'effet métaphorique provoquera un trou correspondant à la place de la signification phallique.«

Dans cette conjoncture, puisque le père n'est pas un signifiant, il ne peut être qu'une figure imaginaire à laquelle le symbole carent ne peut faire limite. C'est pourquoi le rapport sans mesure du sujet avec lui se trouve situé «dans l'ordre de la puissance et non pas dans l'ordre du pacte «.

LA MARQUE DE LA FORCLUSION

La forclusion de ce signifiant primor­dial se repère à ses effets dans le dire d'un patient psychotique. Nulle part, dit Lacan, le symptôme n'est plus clai­rement articulé dans la structure elle-même. La chaîne parlée se présente sans limite et sans vectorisation. La perturbation du rapport au signifiant se manifeste dans les troubles du langage comme les néologismes, les phrases à caractère stéréotypé, l'absence de

métaphores. Les points de « capiton­nage « du discours — points d'attache fondamentaux entre le signifiant et le signifié — ayant lâché ou n'ayant jamais été établis, il s'ensuit leur déve­loppement séparé, avec la prééminence du signifiant comme tel, vidé de signifi­cation. Il se produit l'émergence de phénomènes automatiques où le lan­gage se met à parler tout seul, sur le mode hallucinatoire.

C'est donc le réel lui-même qui se met à parler.

La régression «non pas génétique, mais topique au stade du miroir«, place le sujet dans l'aliénation d'une capture imaginaire radicale, le réduisant à la position intimidée. Mais aussi, c'est bien ce registre qui offre au sujet sa béquille. Car, de l'anéantissement du signifiant, dit Lacan dans le Séminaire III, 1955-56, «les Psychoses« (1981), «il faudra qu'il porte la charge, assume la compensation, par une série d'identifi­cations purement conformistes«.

 

C'est ainsi que la forclusion décline ses effets de structure dans les trois registres, réel/imaginaire/symbolique.

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