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GASPARD DE LA NUIT

Publié le 17/01/2019

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GASPARD DE LA NUIT, ou Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, d'Aloysius Bertrand, recueil de poèmes en prose paru en 1842, peu après la mort du poète, et comprenant 52 pièces réparties en 6 « livres » : les 3 premiers (École flamande, le Vieux Paris, la Nuit et ses prestiges) comportent 9, 10 et 11 pièces presque toutes de 6 « strophes » ou versets ; les 3 autres (les Chroniques, Espagne et Italie, Silves), plus courts, ont une forme plus diversifiée : dialogues et phrases éparses y font éclater l'agencement strophique. Ces « livres » sont accompagnés de tout un appareil : 2 citations à la gloire de Dijon, 2 préfaces-manifestes où l'auteur place, avant Rimbaud, la poésie sous le signe de l'alchimie et de la peinture, et 2 poèmes-dédicaces à Hugo et Sainte-Beuve. Chaque pièce est éclairée d'une ou deux citations en exergue, révélatrices des curiosités et affinités du poète : Hugo, Scott, Hoffmann, mais aussi les « baroques », Rabelais. Le plus remarquable est l'intérêt pour les anonymes et toute la tradition orale, trait prérimbaldien. L'ensemble du recueil révèle un grand art de la musique et du rythme et un jeu sur la mise en page (ponctuation ; usage fréquent du tiret). C'est surtout une grande mise en scène romantique : personnages, inquiétants ou grotesques, tout droit sortis du « Moyen Age », mais aussi des légendes et de l'imagination

 

enfiévrée du poète (Ondine, Scarbo) ; ville « gothique » (le Maçon, la Tour de Nesle), paysages qui sont des « états d'âme » (l'Heure du Sabbat, Sur les rochers de Chèvremorte) ; éclairages volontiers vespéraux et nocturnes, avec une prédilection pour la lune (facétieuse à l'occasion), le feu (de la chandelle fumeuse à l'incendie) et tout ce qui flamboie. Ce n'est pas en vain que le poète invoque le patronage de peintres et graveurs : c'est un art de la couleur et du burin. L'atmosphère générale est tourmentée, mystérieuse, fantasque ; cependant, nulle confidence, nulle sentimentalité : le ton est celui de l'humour et de l'ironie, le poète se dérobe entre les lignes, dans les blancs, silences chargés de sens virtuels. À contre-courant, Bertrand ouvre ainsi la voie à bien des recherches, ce qui lui vaut un long purgatoire, en dépit des louanges de Hugo et Baudelaire : il faudra attendre Mallarmé, et surtout Ravel et Breton (« Bertrand est surréaliste dans le passé ») pour que justice lui soit rendue.

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