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jouissance

Publié le 04/04/2015

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jouissance n.f. (angl. Use ou Enjoy-ment ; allem. Geniel?en; Befriedigung [List désigne le plaisir]). Différents rapports à la satisfaction qu'un sujet désirant et parlant peut attendre et éprouver de l'usage d'un objet désiré.

Que le sujet désirant parle, qu'il soit, comme le dit J. Lacan, un être qui parle, un «parlêtre «, implique que la relation à l'objet ne soit pas immédiate. Cette non-immédiateté n'est pas réductible à l'accès possible ou impossible à l'objet désiré ; et ce qui distingue la jouissance du plaisir ne se résout pas en ce que se mêlent à la satisfaction l'attente, la frustration, la perte, le deuil, la tension, la douleur donc. En effet, la psychana¬lyse freudienne et lacanienne pose l'originalité du concept de jouissance par le fait même que notre désir est constitué par notre rapport aux mots.

 

Ce terme se distingue donc de son emploi commun, qui confond la jouis-sance avec les aléas divers du plaisir. La jouissance concerne le désir, et précisé¬ment le désir inconscient; cela montre combien cette notion déborde toute considération sur les affects, émotions et sentiments, et pose la question d'une relation à l'objet qui passe par les signi¬fiants inconscients.

Ce terme, dans le champ de la psy-chanalyse, a été introduit par Lacan; ce concept continue l'élaboration freu-dienne sur la Befriedigung, mais diffère d'elle. Le terme de jouissance pourrait être éclairé par un recours à son étymo¬logie possible (le joy médiéval désigne dans les poèmes courtois la satisfaction sexuelle accomplie) et par son usage juridique (la jouissance d'un bien s'y distinguant de sa propriété).

Du point de vue de la psychanalyse, l'accent est porté sur la question com-plexe de la satisfaction et, en parti-culier, dans son lien avec la sexualité. La jouissance s'oppose alors au plaisir, qui abaisserait les tensions de l'appareil psychique au niveau le plus bas. Ce-pendant, on peut se demander si l'idée d'un plaisir pur de cette sorte convient pour parler de ce qu'éprouve le sujet humain, étant donné que son désir, ses plaisirs et déplaisirs sont pris dans le réseau de systèmes symboliques qui relèvent tous du langage et que l'idée simple de la décharge est une carica-ture dans la mesure où ce qui est réclamé radicalement pour cette satis-faction, c'est du sens.

Même la masturbation, qui pourrait être prise pour le modèle de cette jouis-sance singulière, cette jouissance de l'« idiot «, au sens de l'étymologie grecque idiôtês (« ignorant «), est prise, ne serait-ce que par le fantasme et la culpabilité, par les réseaux langagiers. Dès lors, on peut se demander si cette tension particulière indiquée par le concept de jouissance n'est pas à pen-ser autrement que par le principe le

 

plus imaginaire de la thermodyna-mique, mais par des jeux de concaténa¬tion de la chaîne signifiante où l'homme se trouve engagé du fait qu'il parle. La jouissance serait alors le seul terme adapté à cette situation et la satisfac¬tion ou l'insatisfaction ne relèveraient plus seulement d'un équilibre des éner¬gies, mais de rapports différents, à ce qui n'est plus concevable comme une tension privée, mais au champ du lan¬gage avec les lois qui le règlent : « j'ouis-sens « est un jeu de mots de Lacan qui rompt l'idée mythique d'un animal monadique jouissant tout seul sans mots, sans la dimension radicalement intersubjective du langage. Du fait qu'il parle, du fait que «l'inconscient est structuré comme un langage «, comme le démontre Lacan, la jouissance ne peut être conçue comme satisfaction d'un besoin apportée par un objet qui le comblerait. Seul le terme de jouis¬sance convient et elle est interdite, non pas au sens facile où elle serait barrée par des censeurs, elle est inter-dite, c'est-à-dire qu'elle est faite de l'étoffe même du langage où le désir trouve son impact et ses règles. Ce lieu du langage, Lacan le nomme le grand Autre; et toute la difficulté de ce terme de jouissance vient de son rapport à ce grand Autre non figurable, ce lieu de la chaîne signi¬fiante.

Mais, souvent, ce lieu est pris pour Dieu ou quelque figure réelle subjecti-vée, et l'intrication du désir et de sa satisfaction se pense alors dans un tel rapport à ce grand Autre qu'on ne peut pas penser la jouissance sans la penser comme jouissance de l'Autre : comme ce qui à la fois fait jouir l'Autre, qui prend alors consistance subjective, et ce dont je jouis.

On peut dire que le transfert, dans une cure analytique, se joue depuis ces deux limites jusqu'à ce point où cet Autre peut être pensé comme lieu et non comme sujet. Et si l'on demande au psychanalyste de nous faire accéder 

 

à un savoir sur la jouissance, la manière de concevoir cet Autre comme le lieu des signifiants, et en cela marqué d'un manque structural, permet de penser la jouissance telle que la psychanalyse la présente : non pas selon un idéal de plénitude absolue, ni selon la pente perverse qui tente de capturer la jouis¬sance imaginée d'un Autre subjectivé, mais selon une incomplétude liée au fait que le langage est une texture et non un être.

LE PRINCIPE DE PLAISIR ET PAU-DELÀ DU PRINCIPE DE PLAISIR

La question de la satisfaction ne suffit pas à poser celle de la jouissance. La philosophie antique, chez Platon et Aristote en particulier, met en lumière la variabilité de ce qui paraît agréable ou désagréable, et les liens complexes entre plaisir et douleur. Ainsi, un plaisir différé, ce qui cause une douleur, peut permettre d'accéder à un plaisir plus grand et plus durable ; la seule question est donc de savoir s'orienter vers le vrai Bien, ce qui peut être défini différem-ment selon les philosophes. C'est dire que la question de la satisfaction est au fondement de ce que nous pouvons appeler une sagesse. Mais la psychana-lyse promeut-elle une sagesse ?

Pour S. Freud, la complexité de cette question est dictée par la clinique elle-même : pourquoi, alors que, par exem-ple, il a fondé dès 1900 sa théorie de «l'interprétation des rêves« sur la satis-faction d'un désir inconscient, certains rêves, notamment dans le cas des névroses traumatiques de guerre, répètent-ils avec insistance l'événe¬ment traumatisant ? À quel principe obéit cette répétition de la douleur, alors que le principe de plaisir expli¬quait assez bien un mécanisme de décharge de tension, la satisfaction étant la cessation de cette tension dite « douloureuse «? Outre cela, comment expliquer les nombreux échecs dans les cures d'hystériques entreprises selon

 

l'idée du principe de plaisir, même s'il est repris par le principe de réalité, qui exige de différer la satisfaction?

L'important, dans le texte de Au-delà du principe de plaisir (1920), c'est qu'il commence par le « fort-da «; ces deux syllabes accompagnent le jeu d'un enfant qui fait apparaître et disparaître une bobine ; et ce jeu, qu'il invente ainsi, dans le rythme de cette opposi¬tion de phonèmes, symbolise la dispa¬rition et le retour de sa mère ; c'est le lien de l'opposition de deux syllabes du langage avec la répétition de la perte et de l'apparition de l'objet désiré, plaisir et douleur, qui peut définir la jouissance (—> fort-da). Car le langage, dans cette répétition, n'est pas intéressé comme instrument de description de la perte ou de la retrouvaille; il n'en est pas non plus le mime; mais sa texture même tisse l'étoffe de cette jouissance, dans la répétition de cette perte et de ce retour de l'objet désiré.

Ce jeu est d'une portée symbolique plus forte que ce qu'emporte l'idée de maîtriser le chagrin et l'émotion de la perte. Cependant, au lieu de diminuer la tension, il la fait resurgir sans cesse et la lie au langage, la répétition et l'oppo¬sition des phonèmes. Pour Freud, déjà, l'étoffe de la jouissance était la même que celle du langage. Ce qui fait aussi que nous ne pouvons pas hiérarchiser un moi-plaisir (allem. Lust-Ich) et un moi-réalité (allem. Real-lch): toute idée de genèse et de hiérarchisation relève d'un idéal de maîtrise qui est opposé à l'éthique de la psychanalyse dans la mesure où un tel savoir sur la jouis¬sance permettrait de jouir du symp¬tôme de l'autre et de l'utiliser.

Cependant, Freud nous pose plu-sieurs autres problèmes importants : comment concevoir, par exemple, ce qu'on appelle satisfaction hallucinatoire? Cela ne concerne pas seulement l'hal¬lucination pathologique mais cette manière fort commune de dénier, de refuser la perte de l'objet désiré ou, plus 

 

précisément, de refuser que notre rela¬tion à l'objet soit une relation d'un autre ordre que la relation à un objet consommable, c'est-à-dire sans cesse renouvelable. On peut penser au pro¬blème contemporain de la toxicoma¬nie, tel que le pose Ch. Melman, en relation avec ce que suppose l'écono¬mie de marché.

Sans même parler de substances toxiques, que dire de la manière dont le rêve suscite l'objet désiré, ou l'événe¬ment heureux ou douloureux ?

Le texte freudien de Au-delà du prin¬cipe de plaisir noue l'opposition du prin¬cipe de plaisir et de la répétition avec celle de la pulsion de vie et de la pul¬sion de mort. Notre jouissance est contradictoire, écartelée entre ce qui « satisferait « aux deux principes.

LA JOUISSANCE DÉFINIE PAR SON

RAPPORT AU SIGNIFIANT DU MANQUE

DANS L'AUTRE, S (A)

Le texte de Lacan «Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'in¬conscient freudien« (1960), publié dans les Écrits (1966), renverse la perspective habituelle où se situent souvent les rap¬ports entre le sujet et l'objet.

Lacan déplace la perspective philo-sophique qui pose pour le sujet un idéal à rejoindre, celui de la jouissance de la perfection de la totalité de l'Être. Le rapport traditionnel du sujet à la jouis¬sance est donc bouleversé : le sujet n'est ni une essence ni une substance, il est une place.

Le langage lui-même n'est pas mar¬qué par une positivité substantielle ; il est un défaut dans la pureté mutique du Non-Être. Dès le départ, la jouissance intriquée au langage est marquée par le manque et non par la plénitude de l'Être. Et ce manque n'est pas insatis¬faction, à la manière de la revendica¬tion hystérique ; il signe le fait que l'étoffe de la jouissance n'est pas autre chose que la texture du langage et que, si la jouissance fait « languir « l'Être,

 

c'est qu'elle ne lui donne pas la sub-stance attendue et qu'elle ne fait de l'Être qu'un effet de «langue «, de dit. La notion d'être est déplacée. À partir du moment où il parle, l'homme n'est plus pour Lacan ni essence ni existence, mais « parlêtre «, être qui parle. Si la jouissance était rapport ou rapport possible à l'Être, l'Autre serait consis¬tant: il serait confondu avec Dieu, et le rapport au semblable serait garanti par lui. Pour le « parlé tre «, en revanche, tout énoncé n'a d'autre garantie que son énonciation: il n'y a pas d'Autre de l'Autre. La jouissance est précisément ce qui a radicalement rapport à ce signi¬fiant du manque dans l'Autre, S(AQ.

Qu'il n'y ait pas d'Autre de l'Autre, que la fonction de l'Autre barré soit d'être le trésor des signifiants produit toutefois ce que les analystes enten¬dent dans la névrose ; à l'ignorance du lieu d'où il désire qui marque l'homme, Lacan répond en posant que l'in¬conscient est le discours de l'Autre, que le désir est le désir de l'Autre ; ce qui fait que l'homme pose à l'Autre la question «que veux-tu?« comme si l'Autre pre¬nait consistance subjective réclamant son tribut.

Or, ce tribut semble être la castra-tion. Le névrosé «se figure que l'Autre demande sa castration «, écrit Lacan, et il se dévoue pour assurer la jouissance de l'Autre auquel il veut croire, le fai¬sant « consister « ainsi en une figure de surmoi qui lui ordonnerait de jouir à le faire jouir.

Or, la théorie lacanienne, à la suite de Freud, déplace la notion de castration vers une fonction symbolique qui n'est pas celle d'un sacrifice, d'une mutila¬tion, d'une réduction à l'impuissance, comme se le figure le névrosé. Il s'agit pourtant d'un tribut à payer pour la jouissance sexuelle dans la mesure où elle est soumise aux lois de l'échange qui relèvent de systèmes symboliques qui la sortent d'un autoérotisme my¬thique. Le choix même du phallus 

 

comme symbole de la jouissance sexuelle fait entrer celle-ci dans un réseau de sens où le rapport à l'objet du désir est marqué par un manque struc¬tural, qui est le tribut à payer pour que la jouissance soit humaine, réglée par le pacte du langage.

Le fantasme, en particulier, ce scéna¬rio de la jouissance $ <> a, n'est pas seulement fantaisie imaginaire dans le rapport du désir à l'objet, il obéit à une logique qui borne l'investissement objectal pulsionnel à l'objet par ce que Lacan appellera plus tard la fonction phallique.

JOUISSANCE PHALLIQUE ET JOUISSANCE DE l'AUTRE

Dans le séminaire Encore (1972-1973), Lacan va spécifier la différence entre jouissance masculine et jouissance féminine. Cela ne se règle pas néces¬sairement sur l'anatomie : si tout «par-lêtre« a une relation au phallus et à la castration, cette relation est elle-même différente ; le tableau des formules de la sexuation propose une combinatoire ordonnée par ce que Lacan appelle la fonction phallique. (--> mathème, figure 4; d'après les formules de la sexuation du séminaire Encore.)

Le tableau cité à l'article mathème a été également commenté dans l'article sur le phallus, ce signifiant de la jouis¬sance. Le signifiant est d'ailleurs ce qui, dans ce texte, est désigné comme «cause de la jouissance« et il en est en même temps le terme. Si l'objet a est cause du désir, c'est le signifiant, lui, qui est cause de jouissance.

Alors que la jouissance était située, dans le texte des Écrits, «Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'in¬conscient freudien «, dans le rapport au signifiant de l'Autre barré S (À), dans la deuxième partie de son œuvre, c'est la jouissance féminine que Lacan met plus particulièrement en relation avec S (A() : «L'Autre n'est pas simplement ce lieu où la vérité balbutie. Il mérite de

 

représenter ce à quoi la femme a forcé-ment rapport [...]. D'être dans le rap¬port sexuel, par rapport à ce qui peut se dire de l'inconscient, radicalement l'Autre, la femme est ce qui a rapport à cet Autre« (séminaire Encore, 1972-73).

C'est en cela qu'elle n'est pas-toute dans la jouissance phallique, dans la mesure même où elle a rapport à cet Autre; ce qui ne signifie pas qu'elle en puisse dire quelque chose; tandis que son partenaire mâle ne peut l'atteindre que par ce qui met en scène, par le fantasme, le rapport du sujet à l'objet a.

Il y a donc un hiatus radical entre les sexes, et l'écart entre ce qui est inscrit à gauche comme champ fini, où l'univer-sel se situe par rapport à une exception, et ce qui est inscrit à droite comme champ infini, où le pas-tout prend un autre sens, est ce qui fait que la jouis-sance humaine, sous toutes ses formes, y compris la jouissance sublimée dans la création et la jouissance mystique, est marquée par un manque qui n'est pas pensable en termes d'insatisfaction par rapport à une « bonne « jouissance : il n'y a pas de « bonne « jouissance, car il n'y a pas de jouissance qui convien¬drait à un rapport sexuel véritable, à un rapport qui résoudrait l'hiatus entre les sexes.

«Il n'y a pas de rapport sexuel parce que la jouissance de l'Autre prise comme corps est toujours inadéquate, perverse d'un côté — en tant que l'Autre se réduit à l'objet a — et de l'autre, je dirai folle, énigmatique. N'est-ce pas de l'affrontement à cette impasse, à cette impossibilité d'où se définit un réel, qu'est mis à l'épreuve l'amour. « (ibid.)

Dans le séminaire Encore, Lacan approfondit d'une autre manière le terme de grand Autre. Il désignait le trésor des signifiants ; il désigne ici l'Autre sexe. Cela n'est pas contradic-toire dans la mesure où l'Autre sexe est, chez Lacan, ce qui peut s'inscrire à droite du tableau de la sexuation 

 

(— mathème) et qui marque un rap¬port direct à S (X), c'est-à-dire un rap¬port direct à la chaîne signifiante lorsqu'elle n'est pas marquée par la cas¬tration, dans son infinitude.

Que signifie la jouissance Autre, ou jouissance de l'Autre, dans cette nou-velle formulation de Lacan?

S'il n'y a pas de rapport sexuel ins-criptible comme tel, si on ne peut écrire entre homme et femme x R y, si donc il n'y a pas de jouissance adéquate, si la jouissance est marquée de cet écartèle-ment entre jouissance phallique du côté mâle, et jouissance de l'Autre du côté femme, quel est le statut de cette jouissance de l'Autre puisque la fonc-tion phallique est le seul opérateur par quoi nous puissions penser le rapport de la jouissance au langage ? La jouis-sance de l'Autre, de l'Autre sexe et de ce qui le symbolise, le corps de l'Autre, est-elle hors langage, hors de l'inscrip¬tion phallique qui noue la jouissance aux lois du signifiant? Lacan écrit ceci: «Je vais, un peu plus loin — la jouis¬sance phallique est l'obstacle par quoi l'homme n'arrive pas, dirai-je, à jouir du corps de la femme précisément par ce que ce dont il jouit, c'est de la jouis-sance de l'organe. C'est pourquoi le surmoi tel que je l'ai pointé tout à l'heure duJouis! est corrélat de la castra¬tion, qui est le signe dont se pare l'aveu que la jouissance de l'Autre, du corps de l'Autre, ne se promeut que de l'infi¬nitude. « (ibid.)

Et, à ce sujet, Lacan reprend le para¬doxe de Zénon, où Achille ne peut dépasser la tortue et ne peut la rejoindre que dans l'infinitude.

Comment s'articulent les deux jouissances, jouissance phallique et jouissance de l'Autre ? «La jouissance, en tant que sexuelle, est phallique« écrit Lacan, «c'est-à-dire qu'elle ne se rapporte pas à l'Autre comme tel.« La jouissance féminine, si elle a rapport à l'Autre, à S (i10, n'est pas sans rapport non plus avec la jouissance phallique.

 

C'est là le sens de la formulation selon laquelle la femme n'est pas-toute dans la jouissance phallique, que sa jouis-sance est essentiellement divisée. Il est nécessaire que, même si elle est impos-sible, même si là-dessus les femmes sont muettes, la jouissance de l'Autre soit posée, ait un sens, pour que la jouissance phallique, autour de quoi elle tourne, puisse être posée autre¬ment que selon une positivité absolue, puisse être située sur ce sans-fond de manque qui la lie au langage.

CONSÉQUENCES CLINIQUES DE IIARTICULATION DE LA JOUISSANCE PHALLIQUE ET DE LA JOUISSANCE DE

eAtrrRE

Ce rapport à une jouissance Autre que la jouissance phallique, même si seule la jouissance phallique fait limite pour le «parlêtre «, est d'une grande impor¬tance théorique et clinique. Cette jouissance énigmatique peut éclairer celle des mystiques, hommes ou fem-mes. Et cela est essentiel pour situer justement la jouissance phallique elle-même. Non comme positivité essen-tielle — cela est justement la tentative perverse —, mais comme la marque du signifiant sur une béance dont la possi-bilité d'une Autre jouissance, que Lacan continuera à nommer aussi jouissance de l'Autre, fait «ex-sister« la place centrale dans sa fonction de repère.

Peut-on essayer de dire que la toxi¬comanie tente peut-être, par un objet oral qui ne passe pas par ce que la fonction phallique pose en termes de semblant et non d'essence, de donner consistance à la jouissance de l'Autre, de combler la béance qu'elle indique dans une infinitude qui ne peut plus être bornée par la fonction phallique mais par la mort?

L'aspect de béance sera élaboré directement avec le noeud borroméen, puisque les ronds de ficelle noués à trois marquent, même dans leur mise à 

 

plat sur un dessin, la fonction primor-diale du trou dans l'articulation de ces notions. Un des derniers séminaires de Lacan, le Sinthome (1976) particulière-ment, nouera d'un quatrième noeud, celui du sinthome, les trois ronds du Réel, de l'Imaginaire et du Symbolique et, à propos de l'écriture de Joyce, posera la question du lien entre l'écri-ture et la jouissance. (— symptôme.)

La jouissance, pour la psychanalyse, est donc une notion complexe qui ne trouve sa rigueur qu'à être située dans l'intrication du langage avec le désir chez le « parlêtre «. Ce lien fonde un hiatus radical entre l'homme et la femme. Ce hiatus n'est pas réductible à quelque conflit; il est l'impossibilité même d'écrire le rapport sexuel comme tel. C'est pourquoi la jouis¬sance humaine est irréductiblement marquée par le manque et non par la plénitude sans que cela relève de la seule problématique — c'est là la sim-plification proposée par l'hystérie — de la satisfaction ou de l'insatisfaction. Du côté de la jouissance masculine, en effet, le phallus est le signifiant de ce hiatus ; du côté de la jouissance fémi-nine, il y a une division entre le repère phallique et une jouissance de l'Autre, c'est-à-dire de la chaîne signifiante dans son infinitude, qui ne peut pour-tant «ex-sister« que parce que le lan-gage et le signifiant phallique permet-tent d'en situer le sens et la visée, même si elle est impossible ; cette béance de la jouissance humaine est au noeud même de ce que Freud et Lacan situent comme refoulement originaire, au noeud de ce qu'on peut appeler sym-bolisation primordiale.

Jung (Cari Gustav). Psychiatre suisse (Kesswil, Turgovie, 1875-Küs-nacht, près de Zurich, 1961).

À l'achèvement de ses études de médecine (1900), il est l'assistant de E. Bleuler au Burghôlzli, clinique psy-chia trique de l'université de Zurich. Bleuler lui fait connaître les travaux de S. Freud, avec qui C. G. Jung établit des

 

relations étroites après leur rencontre à Vienne en 1907.11 participe au premier congrès de psychanalyse à Salzbourg (1908) et accompagne Freud dans son voyage aux États-Unis (1909). Il est le premier président de l'Association psy-chanalytique internationale, créée lors du deuxième congrès de psychanalyse à Nuremberg (1910). Jung est considéré à cette époque comme le dauphin de Freud. La publication de Métamorphoses et symboles de la libido (1912) fait appa¬raître les premières divergences avec les thèses freudiennes, concernant notamment la nature de la libido, qui devient chez Jung l'expression psychi¬que d'une «énergie vitale« et qui n'est pas uniquement d'origine sexuelle.

En 1913, la rupture avec Freud est consommée et Jung donne à sa méthode le nom de «psychologie analytique «. Au-delà de l'inconscient individuel, Jung introduit un inconscient collectif, notion qu'il approfondit dans les Types psychologiques (1920). L'inconscient col¬lectif, qui représente l'accumulation des expériences millénaires de l'huma-nité, s'exprime à travers des arché-types: thèmes privilégiés que l'on rencontre inchangés aussi bien dans les rêves que dans les mythes, contes ou cosmogonies. Parmi les archétypes, Jung accorde une importance parti-culière à l'anima (principe féminin que l'on rencontre dans tout homme), à l'animus (principe masculin que l'on rencontre dans toute femme) et à l'ombre, image onirique caractérisée par un attribut noir qui exprime l'in-conscient individuel. Le but de la théra-pie jungienne, beaucoup moins codifiée que la méthode freudienne et où le thérapeute est directif, est de per-mettre à la personne de renouer avec ses racines, d'accéder au soi, c'est-à-dire de prendre conscience des exi¬gences des archétypes, exigences révé¬lées par les rêves. Contrairement à Freud, Jung ne reconnaît pas à l'enfance un rôle déterminant dans l'éclosion des troubles psychiques de l'âge adulte, qu'il définit selon une dialectique de la 

 

personne avec le monde extérieur. La publication, en 1944, de Psychologie et alchimie marque la seconde époque de la vie de Jung, où, délaissant la clinique, il s'intéresse à l'ethnologie, à la philo¬sophie des religions et à l'alchimie. En 1958 fut fondee la Société internatio¬nale de psychologie analytique, qui regroupe les praticiens de la méthode de Jung.

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