La vallée de Suse

La vallée de Suse est traversée au Moyen Age par une importante voie de communication qui mène en France à travers les cols du Mont-Cenis et du Mont-Genèvre. Utilisée par les marchands, elle est aussi parcourue par les pèlerins se dirigeant vers les sanctuaires de l'Europe occidentale (Normandie, Saint-Jacques-de-Compostelle), vers l'Orient, vers Rome et les sanctuaires du Gargano dans les Pouilles. Le long de cette voie, à l'entrée de la vallée de Suse, l'abbé français Hugues de Monboissier, fonde, entre 983 et 987, une abbaye bénédictine consacrée à saint Michel. L'abbaye occupe une position stratégique, sur un éperon rocheux surplombant la vallée, à près de 1.000 mètres d'altitude.

Sa position exceptionnelle et son aspect sévère de forteresse impénétrable rendent ce monument célèbre dans toute l'Italie. Au cours des siècles suivants, il subira une série ininterrompue d'ajouts et de remaniements.

A l’origine bastion de défense et lieu de halte pour les pèlerins appartenant aux classes élevées, l'abbaye de Saint-Michel atteint l'apogée de sa splendeur aux XIe et XIIe siècles, lorsque son prestige en tant que centre spirituel et culturel se répand dans toute l'Europe, en attirant des hommes de lettres et des personnages de haut rang. Ses revenus s'accroissent continuellement à travers de nouvaux legs, et au XIIe siècle, à l'apogée de sa puissance, l'abbaye possède un riche patrimoine constitué de biens et de propriétés disséminés dans toute l'Europe. C'est à cette époque que sont entrepris des travaux d'agrandissement et de transformation des bâtiments de l'abbaye, qui se greffent sur les bâtiments primitifs remontant à 1002-1046. L'église du XIIe siècle, rythmée par des contreforts, est construite sur un soubassement très élevé, qui comprend aussi les bâtiments du couvent, dont se détachent les volumes des absides.

En 1128-30, le sculpteur Niccolò, l'une des plus importantes personnalités de la culture romane italienne, travaille à la Sacra. Niccolò est l'auteur d'une partie de la décoration du portail du Zodiaque, reconstitué à une date indéterminée au sommet de l'escalier à pente raide donnant accès à l'église. On peut, sans hésitation lui attribuer les montants décorés d'un sarment et de symboles des constellations inclus dans des volutes et des encadrements tressés, deux soubassements de colonnes sculptées et deux chapiteaux représentant l'histoire de Caïn et d'Abel, ainsi que des images de combattants. Ces décorations se caractérisent par la délicatesse du modelé et par la recherche d'effets de lumière raffinés, que l'on peut sans conteste rapporter à l'intervention de Niccolò, comme le confirme la signature laissée par le sculpteur sur l'un des montants.