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Le rite, compris comme un ensemble de règles établies pour la célébration d'un culte, est un phénomène universel et extrêmement présent dans les sociétés humaines.

Publié le 06/12/2013

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Le rite, compris comme un ensemble de règles établies pour la célébration d'un culte, est un phénomène universel et extrêmement présent dans les sociétés humaines. Même les plus contraignants d'entre eux semblent accomplis avec un naturel qui n'est pourtant que le résultat d'un apprentissage social constant. Cette obligation de mise en scène des temps forts du jeu social invite à penser que de nombreux événements anodins sont tout aussi ritualisés : même lorsque le code n'en est guère apparent, certaines interactions de la vie quotidienne se présentent comme des cérémonies. Le rite trace une limite entre le sacré et le profane, précisant les enchaînements d'actes (enchaînements décrits dans des recueils, ou rituels) qui sont autant de performances à accomplir pour accéder au sacré. Il s'agit d'épreuves au cours desquelles ce qu'il faut faire est connu de tous les postulants, et dont on ne peut triompher qu'en exécutant le plus rigoureusement et le plus mécaniquement possible les enchaînements prévus. En ce sens, le rite suppose que la société demande à ses membres un effort d'intériorisation et d'incorporation de règles qui doivent finir par être tenues pour évidentes. Pascal est peut-être le penseur qui a le plus radicalement défini l'efficacité symbolique de cette incorporation en soutenant que la stricte exécution du rituel pouvait produire la croyance au nom de laquelle le rite est construit : « Mettez-vous à genoux et vous croirez. » Ainsi associé à la croyance, le rite se voit distingué de la simple habitude profane. Il faut croire au rite pour espérer en tirer bénéfice. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats masque - Introduction Pascal Blaise Rites d'élévation et rites d'inversion Les rites opèrent une transformation sur les individus et les groupes ; mais, au-delà de cette structure formelle qui les rapproche, ils présentent une très grande diversité. On a coutume, en anthropologie, après les travaux d'Arnold Van Gennep (1873-1957) et ceux de Victor W. Turner (né en 1920), de distinguer les rites du cycle de vie individuel (qui sont essentiellement des rites d'élévation) et les rites calendaires (qui sont essentiellement des rites d'inversion). Les rites d'élévation. Ils sont nettement liés au cycle de vie individuel : le sujet est pensé selon la trajectoire qui le conduit de l'état foetal à l'état létal, scandée par des événements majeurs (naissance, circoncision, puberté, mariage, etc.). Ces circonstances solennelles, que Van Gennep a appelées les rites de passage, sont le plus souvent l'occasion d'une élévation de statut. Pourtant, l'acte liminaire du rite est un abaissement : les individus sont dépouillés de toutes les marques de prestige social et soumis à des épreuves douloureuses pouvant prendre la forme d'ordalies (dans lesquelles l'individu risque la mort, par exemple au cours de l'épreuve par le feu). Ainsi, dans la phase liminaire du rite de circoncision chez les Tsongas (décrit par Turner), les jeunes garçons sont battus, mal nourris, exposés au froid ; leurs doigts sont torturés. Il ne s'agit pas simplement de les « endurcir » (c'est une conséquence), mais de les faire revenir à un état de nudité sociale, proche de la nature, qui constitue un préalable à leur élévation ultérieure. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats circoncision ordalie Les livres rites - un rite d'initiation chez les Indiens Oyanas (aujourd'hui appelés Wayanas), page 4400, volume 8 rites - cérémonie de circoncision, en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina-Faso), en 1951, page 4401, volume 8 rites - préparation d'une cérémonie d'excision, en pays taï (Côte-d'Ivoire), page 4401, volume 8 Les rites d'inversion. Ce sont presque toujours des rites calendaires : ils sont accomplis à des moments précis du cycle annuel de production et mettent en scène, pour de vastes groupes, le passage de l'abondance à la rareté et de la rareté à l'abondance. Leur appellation est justifiée par le fait qu'en ces moments les prérogatives des différents clans sont inversées et tout l'ordre social paraît remis en cause. Les groupes sociaux dont le statut est le plus bas, et dont le sort est d'être plus ou moins stigmatisés en temps ordinaire, sont obligés de faire régner une forme d'anarchie, voire de terreur. Les dominants sont pourchassés, humiliés, de diverses manières. Dans les années soixante, Max Gluckman a décrit le rituel annuel d'inversion (incwala) des Swazis d'Afrique australe comme étroitement associé aux premières récoltes. Dans la phase liminaire, la capitale est soumise à un pillage symbolique, et des chants sacrés affirment que le peuple (se disant « ennemi du roi ») rejette son roi. Puis l'ordre social, une fois restauré, est présenté à tous au cours d'une cérémonie solennelle où les ordres de préséance sont soulignés. Chez les Agnis de Côte-d'Ivoire, un rituel d'inversion (Bé di murua), se déroulant aux interrègnes, allait encore plus loin dans la proclamation d'un désordre outrancier : des captifs retenus à la cour, une fois libérés, semaient la terreur et dilapidaient les biens, tandis que les hommes libres respectaient un grand nombre d'interdits et qu'un régent assurait discrètement la continuité sociale ; puis le « captif-roi » était mis à mort et tout rentrait dans l'ordre. Il n'y a donc pas de vraie alternative à l'ordre existant, parce que celui-ci est dépositaire du sacré : telle est la leçon des rituels d'inversion. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Agnis Swaziland Rites composites. Les deux types de rites apparaissent comme complémentaires : le premier affirme l'importance de la communauté des hommes, qui permet de transformer une vie soumise à l'aléatoire en une trajectoire réglée ; le second affirme l'importance de la structure sociale et en signifie le caractère sacré. C'est en raison de cette complémentarité que l'on peut rencontrer des rites composites, dont certains donnent l'impression d'être des rites à part entière. Ainsi, par exemple, la cérémonie canaque néo-calédonienne du pilu-pilu décrite par Maurice Leenhardt. Elle est l'occasion, pour le nouveau chef, de manifester superbement, par des discours habiles, son pouvoir cosmique, c'est-à-dire la possibilité de mettre en ordre le monde par la parole. Ce rite total, dispendieux (il n'a lieu que tous les trois ans, car il faut pouvoir accumuler les richesses nécessaires), s'accomplit par la danse ; il est tout à la fois propitiatoire (on recherche la protection des ancêtres), initiatique (il fait entrer les jeunes gens dans la vie virile), structurant (chaque groupe y occupe une place assignée). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Canaques Leenhardt Maurice Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats bijou - La fonction sociale des bijoux corps - 2.SCIENCES HUMAINES danse - Danses rituelles initiation masque - La tradition du masque hors d'Europe mort - Mort et cultures primitifs (arts) - Les arts africains Le rite de passage comme acte d'institution L'étude des rites ne révèle pas seulement leur rôle dans la cohésion sociale, conformément au modèle de l'anthropologie classique ; elle permet aussi d'apercevoir les divisions sociales qu'ils produisent et reproduisent. Légitimer les différences. Dans le cas des rites d'élévation, notamment, le modèle Van Gennep-Turner insiste sur le passage (d'où le nom de rites de passage qui leur est souvent donné) d'un état à un autre, sur l'agrégation à une communauté, mais non sur l'exclusion qui lui est pourtant liée. Ces rites méritent le nom de rites d'institution que proposait Pierre Bourdieu dans un article paru en 1982 : ils instituent un individu en le séparant de ceux qui ne sont pas dignes de subir l'épreuve, temporairement ou définitivement. Des différences sont transformées en inégalités, et l'arbitraire de la séparation disparaît. Les souffrances subies par l'impétrant, loin de nourrir chez lui de la rancoeur, suscitent une adhésion d'autant plus forte que les épreuves auront été dures : elles sont le prix à payer, le droit d'entrée, qu'on peut ensuite demander aux autres d'acquitter aussi, s'ils veulent jouir des mêmes privilèges. Par exemple, le rituel de la circoncision institue le jeune garçon comme membre de la communauté des hommes, en dissipant définitivement l'ambiguïté sexuelle qui pesait sur son statut jusqu'alors. On peut retrouver ce phénomène sous différents aspects dans les sociétés les plus policées, car il ne faudrait pas imaginer que les rites sont le privilège des seules sociétés archaïques. Sous cet angle, le diplôme et la fonction (surtout lorsqu'elle est obtenue par concours) peuvent être tenus pour des rites d'institution, qui instaurent une différence irrémédiable entre le « dernier reçu » et le « premier collé ». Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Bourdieu Pierre circoncision initiation Résistances. Un autre aspect de dynamique sociale ne doit pas être négligé : dans de nombreuses sociétés, il existe des phénomènes de résistance au rite, en général liés à la perte de cohésion de la communauté. Les avantages produits par l'acte d'institution ne sont plus suffisamment évidents pour les bénéficiaires, et une fraction d'entre eux en récuse la légitimité (parfois au nom d'une autre, homologue). Ainsi en va-t-il du bizutage dans les grandes écoles : sa contestation, à la fin des années soixante, prend place dans le mouvement de démocratisation de l'école, qui rend dérisoires certaines frontières qu'il instituait. Dans certains cas, cette contestation a pu s'appuyer sur le corps professoral, qui déniait tout rôle pédagogique à la pratique du bizutage (comme aux Arts et Métiers, où la fabrication du « Gadz'arts » est essentiellement le fait de la « Tradition » perpétuée par la société des anciens élèves). Complétez votre recherche en consultant : Les livres rites - scène de bizutage (étudiants à Clermont-Ferrand), page 4403, volume 8 La ritualisation de la vie quotidienne L'ensemble de ces observations a conduit les psychosociologues à considérer de nombreuses interactions quotidiennes comme ritualisées (par exemple, les relations mèreenfant peuvent être envisagées comme un apprentissage ritualisé des rythmes et des régularités de la vie). « Notre condition est toute de cérémonie » (Pascal). Certains théoriciens décrivent non pas la stricte observance d'un rituel, mais la tendance à organiser les situations de rencontre comme des cérémonies. Ce sont surtout les travaux d'Erving Goffman qui ont attiré l'attention sur ce point. Chaque personne y est décrite comme un acteur, qui doit accomplir une performance (c'est-à-dire agir de telle sorte que les autres croient à l'image qu'on veut donner de soi-même) et « gérer sa façade » (maintenir intacte cette image), dans un espace bien déterminé (par exemple un ascenseur, un hall d'accueil ou une salle d'examen). Le rituel du garçon de café, que Jean-Paul Sartre a rendu emblématique, l'illustre bien : « Il joue avec sa condition pour la réaliser », demandant aux consommateurs d'acquiescer à sa « danse » et de le reconnaître comme garçon de café et non comme M. Untel. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Goffman Erving interactionnisme Sartre Jean-Paul La déférence. L'un des rites d'interaction les plus significatifs parmi ceux que décrit Goffman est la déférence. Elle se manifeste sous la forme de rites d'évitement : on établit et on maintient une distance sociale, pour ne pas empiéter sur l'intimité d'autrui, notamment sous la forme d'une distance spatiale (ou, si c'est impossible, on feint d'ignorer l'autre) ; on s'adresse à un supérieur avec politesse, etc. Mais, en même temps, on protège sa propre intimité en présentant une image soigneusement contrôlée. Les rites de présentation sont aussi une composante de la déférence : salutations, invitations, compliments, etc. Le rite repose toujours sur une croyance en l'efficacité symbolique des conduites réglées : elles doivent produire des transformations, et donc des différences. Cette croyance peut être strictement codifiée, comme dans les religions ou dans les sociétés archaïques, ou laissée à la libre improvisation que chacun peut mettre en oeuvre sur la base de ses apprentissages initiaux, comme dans la vie quotidienne des sociétés développées. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Goffman Erving savoir-vivre Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats costume - Le costume et les codes sociaux - Le costume comme défroque ethnométhodologie Les livres rites - salut entre deux hommes d'affaires, à Tokyo, page 4403, volume 8 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats ablution cannibalisme dévotion ethnologie excision fécondité - 1.ETHNOLOGIE jeûne mythe religion sacrifice scarification tabou tatouage Les médias rites - représentations et restitutions rituelles rites - sacraliser la condition humaine Les livres rites - la Saint-Nicolas, en Autriche, page 4400, volume 8 rites - cérémonie funéraire, au Cameroun, page 4401, volume 8 rites - les tombes des Toradjas, page 4402, volume 8 rites - rite de plantage, en Nouvelle-Guinée (dans la partie de l'île anciennement australienne), page 4402, volume 8 rites - la Saint-Nicolas, en Autriche, page 4402, volume 8 Les indications bibliographiques R. Caillois, l'Homme et le sacré, Gallimard, Paris, 1988 (1939). J. Cazeneuve, Sociologie du rite, PUF, Paris, 1971. E. Goffman, les Rites d'interaction, Éd. de Minuit, Paris, 1974. C. Lévi-Strauss, la Pensée sauvage, Plon, Paris, 1985 (1962).

« rites - un rite d'initiation chez les Indiens Oyanas (aujourd'hui appelés Wayanas), page 4400, volume 8 rites - cérémonie de circoncision, en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina-Faso), en 1951, page 4401, volume 8 rites - préparation d'une cérémonie d'excision, en pays taï (Côte-d'Ivoire), page 4401, volume 8 Les rites d'inversion. Ce sont presque toujours des rites calendaires : ils sont accomplis à des moments précis du cycle annuel de production et mettent en scène, pour de vastes groupes, le passage de l'abondance à la rareté et de la rareté à l'abondance.

Leur appellation est justifiée par le fait qu'en ces moments les prérogatives des différents clans sont inversées et tout l'ordre social paraît remis en cause.

Les groupes sociaux dont le statut est le plus bas, et dont le sort est d'être plus ou moins stigmatisés en temps ordinaire, sont obligés de faire régner une forme d'anarchie, voire de terreur.

Les dominants sont pourchassés, humiliés, de diverses manières.

Dans les années soixante, Max Gluckman a décrit le rituel annuel d'inversion ( incwala ) des Swazis d'Afrique australe comme étroitement associé aux premières récoltes.

Dans la phase liminaire, la capitale est soumise à un pillage symbolique, et des chants sacrés affirment que le peuple (se disant « ennemi du roi ») rejette son roi.

Puis l'ordre social, une fois restauré, est présenté à tous au cours d'une cérémonie solennelle où les ordres de préséance sont soulignés. Chez les Agnis de Côte-d'Ivoire, un rituel d'inversion ( Bé di murua ), se déroulant aux interrègnes, allait encore plus loin dans la proclamation d'un désordre outrancier : des captifs retenus à la cour, une fois libérés, semaient la terreur et dilapidaient les biens, tandis que les hommes libres respectaient un grand nombre d'interdits et qu'un régent assurait discrètement la continuité sociale ; puis le « captif-roi » était mis à mort et tout rentrait dans l'ordre.

Il n'y a donc pas de vraie alternative à l'ordre existant, parce que celui-ci est dépositaire du sacré : telle est la leçon des rituels d'inversion. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Agnis Swaziland Rites composites. Les deux types de rites apparaissent comme complémentaires : le premier affirme l'importance de la communauté des hommes, qui permet de transformer une vie soumise à l'aléatoire en une trajectoire réglée ; le second affirme l'importance de la structure sociale et en signifie le caractère sacré.

C'est en raison de cette complémentarité que l'on peut rencontrer des rites composites, dont certains donnent l'impression d'être des rites à part entière.

Ainsi, par exemple, la cérémonie canaque néo-calédonienne du pilu-pilu décrite par Maurice Leenhardt.

Elle est l'occasion, pour le nouveau chef, de manifester superbement, par des discours habiles, son pouvoir cosmique, c'est-à-dire la possibilité de mettre en ordre le monde par la parole.

Ce rite total, dispendieux (il n'a lieu que tous les trois ans, car il faut pouvoir accumuler les richesses nécessaires), s'accomplit par la danse ; il est tout à la fois propitiatoire (on recherche la protection des ancêtres), initiatique (il fait entrer les jeunes gens dans la vie virile), structurant (chaque groupe y occupe une place assignée). Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Canaques Leenhardt Maurice Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats bijou - La fonction sociale des bijoux. »

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