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Lemaire de Belges (Jean)

Publié le 23/01/2019

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Lemaire de Belges (Jean), poète et chroniqueur hennuyer de langue française (Belges, auj. Bavay, 1473-apr. 1515). Après avoir reçu à Valenciennes, en même temps que la tonsure, ses premières leçons de rhétorique de son oncle le poète Jean Molinet, il entre en 1498 comme clerc de finances au service du duc Pierre de Bourbon. C'est pour « déplorer » la mort de ce dernier qu'il compose, en 1503, sa première œuvre : le Temple d‘Honneur et de Vertu, poème allégorique où se trouvent figurées, sous la forme de six statues, les six vertus cardinales du duc, vertus dont les initiales respectives, conformément à une herméneutique « cratylique » du nom propre fort prisée des Rhétoriqueurs, composent les six lettres du nom de Pierre. Passé en 1503 au service de Louis de Luxembourg, il a derechef la malchance de perdre son protecteur, à la mémoire duquel il dédie une nouvelle déploration allégorisante, la Plainte du Désiré. De 1504 à 1512, il est accueilli par Marguerite d'Autriche, duchesse de Savoie, et se fixe à Annecy : il y compose en 1505, pour commémorer une nouvelle mort — celle de l'époux de Marguerite, le duc Philibert de Savoie —, sa Couronne margaritique : poème d'une facture très semblable à celle du Temple, qui met en scène dix nymphes dont les noms commencent par chacune des dix lettres du nom de Marguerite et désignent chacun l'une des dix qualités éminentes de la princesse. La même année, il succède à son oncle Jean Molinet comme historiographe de Philippe le Beau, frère de Marguerite, et dédie à sa souveraine, momentanément absente de son pays, les Épîtres de l'amant vert : poème galant auquel sert de prétexte un événement minime — la mort de l'animal favori de Marguerite, un perroquet — que le poète transforme et fait parler en amant succombant au chagrin de la séparation. En 1507, la mort de Philippe le Beau prive une nouvelle fois le poète de protecteur, mais lui fournit l'occasion d'une nouvelle complainte : les Regrets de sa Dame infortunée sur le trépas de son cher frère unique. La même année, des troubles survenus dans la ville de Namur lui inspirent un poème à sujet politique, les Chansons de Namur; sujet et propos politiques également que ceux de la Légende des Vénitiens (1509) où il attaque violemment la république de Venise. En 1509 paraît le premier livre de l'œuvre en prose la plus importante de Lemaire : les Illustrations de Gaule et singularités de Troie (le 2e livre paraîtra en 1512, et le 3e en 1513), récit légendaire (issu d'une croyance née en France au viie s.) des origines communes des Troyens et des Celtes, de la fondation d'un royaume celte par Francus, fils d'Hector, et des faits et gestes de ses descendants les rois de France (le récit s'arrête à ceux de Pépin, père de Charlemagne), récit dont Ronsard devait s'inspirer largement dans sa Franciade. En 1511, nouveau pamphlet politique : le Traité de la différence des schismes, dirigé cette fois contre le pape Jules II. Devenu, en 1512, historiographe de la reine Anne de Bretagne, Lemaire revient, en 1513, à la poésie avec la Concorde des deux langages : pour clore le débat sur la précellence de l'une ou l'autre langue, il y décrit en vers italiens le temple de Vénus, puis en prose et en vers français le temple de Minerve, où il espère voir s'opérer la « concorde » des deux langues. La dernière œuvre du poète, publiée en 1525, après sa mort, les Contes d'Atropos et de Cupidon, marque un retour au genre idyllique.

 

« Rhétoriqueur » tant par les genres qu'il pratique que par ses procédés d'écriture (de l'allégorie à la technique des rimes), Jean Lemaire se révèle un préhumaniste : les Illustrations s'inspirent des Italiens et des Anciens, et, notamment, puisent largement aux sources de la mythologie antique ; la Concorde, pour sa part, par l'usage qu'elle faisait de la terza rima, contribua à acclimater en France la poésie transalpine.

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