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Liberté et déterminisme ne s'opposent pas

Publié le 08/11/2011

Extrait du document

Spinoza est le philosphe déterministe le plus célèbre.

Pour lui, le monde est déterminé. Et l'homme n'est pas un empire dans un empire. Il n'est qu'une partie de la nature. Et par conséquent il est déterminé, comme toute chose.

Le libre arbitre n'existe donc pas. C'est une illusion. L'homme se croit libre car il ignore les causes qui le déterminent à agir et à désirer.

Reprenons notre exemple du début : je me crois libre de déplacer ma main à gauche ou à droite uniquement parce que je ne perçois pas le déterminisme à l'œuvre qui me poussera fatalement à accomplir l'un ou l'autre de ces mouvements. En réalité je ne suis absolument pas libre de cela. Il était déterminé, de toute éternité, que j'allais déplacer ma main, par exemple, d'abord à gauche puis à droite.

Pour illustrer son propos, Spinoza prend l'image de la pierre. L'homme est comme une pierre qui tombe, et qui se croit libre uniquement parce qu'il a conscience de son mouvement sans avoir conscience des causes qui le poussent à suivre un tel mouvement. Plus tard, Wittgenstein prendre l'image d'une feuille morte tombant à terre pour illustrer la même idée.

Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par des causes extérieures à exister et à agir d’une certaine façon déterminée. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple : une pierre par exemple reçoit, d’une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l’impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit être définie par l’impulsion d’une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre, il faut l’entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu’il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d’une certaine manière déterminée. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, pense et sache qu’elle fait un effort, autant qu’elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle a conscience de son effort seulement et qu’elle n’est en aucune façon indifférente, croira qu’elle est très libre et qu’elle ne persévère dans son mouvement que parce qu’elle le veut. Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.
Baruch Spinoza, Lettre à Schuller

Toutefois, la vision déterministe des choses n'empêche nullement de concevoir une certaine liberté. Au contraire, cela nous permet de repenser la liberté et de mieux comprendre ce que nous entendons véritablement par ce mot.

1. Liberté et déterminisme ne s'opposent pas

Premier point : il n'y a pas d'opposition entre déterminisme et liberté, et ce pour plusieurs raisons :

  • La liberté n'est pas le hasard. Comme nous l'avons dit plus haut, la liberté n'est pas l'indéterminisme. Ce qui nous intéresse n'est pas que nos décisions soient prises au hasard, mais selon une modalité propre, qui nous convienne...
  • La détermination n'est pas la contrainte. La liberté est l'absence d'entraves extérieures, mais non pas de toute détermination, et en particulier la liberté n'est pas l'absence de détermination intérieure. Au contraire, Spinoza définit l'acte libre comme celui qui est déterminé intérieurement.
  • On peut même dire que le déterminisme est la condition de la liberté : pour pouvoir agir, il faut que le bras obéisse à la main ; il faut que le monde soit régulier et prévisible ; enfin pour être libre il faut être, il faut exister, il faut être quelque chose. La liberté divine de s'auto-créer est un mythe inconcevable. On ne peut parler de liberté qu'à partir d'un être donné. La facticité (être ce que je suis, tel que je suis, ici et maintenant) est la condition de la liberté.

2. Vers une nouvelle conception de la liberté

Finalement le déterminisme nous pousse à repenser la liberté.

Il nous fait prendre conscience du fait que la liberté n'est pas l'absence de toute détermination mais l'existence d'un certain type de déterminisme. Précisons deux points essentiels.

Premièrement, la liberté ne consiste pas à supprimer le déterminisme (ce qui serait complètement impossbible) mais à prendre conscience des déterminismes afin d'orienter notre action en fonction de ces données. Ici le contre-exemple, le repoussoir, est la mouche : la pauvre sotte passe sa journée à butter contre la vitre qu'elle ne voit pas.

Les stoïciens nous invitent à ne pas être des mouches dans la vie de tous les jours. C'est-à-dire à accepter le destin, c'est-à-dire accepter la nécessité. Cela veut dire d'abord distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas et accepter ce qui ne dépend pas de nous.

Attention ! Il ne faut pas confondre déterminisme et fatalisme. Comme l'a bien souligné Alain, le déterminisme est en vérité le contraire du fatalisme. Selon le fatalisme, quoi que nous fassions nous subirons le même sort. Selon le déterminisme au contraire, chacun de nos actes compte et détermine notre avenir. Le monde est déterminé, mais par nous-mêmes !

Deuxièmement, dans la lignée de Spinoza, Bergson définit la liberté comme l'adhésion à soi-même. L'homme libre est celui qui est en accord avec lui-même et qui sait ce qu'il veut. L'acte libre est celui qui exprime notre personnalité profonde et dans lequel nous pouvons nous reconnaître. Par opposition, l'homme aliéné est celui qui est embrouillé, qui n'a pas tiré les choses au clair et ne sait pas ce qu'il veut ; l'acte accompli sous influence est celui qui ne nous ressemble pas et dans lequel nous ne pouvons pas nous reconnaître, car nous n'en sommes pas véritablement la cause.

Finalement, selon cette conception la liberté se conquiert par un travail de clarification opéré sur soi. On pourrait dire que pour être libre il faut suivre l'injonction de Nietzsche : « Deviens ce que tu es ! «

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