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ADOLPHE de Benjamin Constant de Rebecque (fiche de lecture)

Publié le 15/10/2018

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ADOLPHE. Roman de Benjamin Constant de Rebecque (1767-1830), publié à Londres chez Colbum et à Paris chez Treuttel et Würtz en 1816.
 
« Écrit à Charlotte. Commencé un roman qui sera notre histoire » (Journal intime, 30 octobre 1806) : précieuse confidence qui prouve le caractère autobiographique d'Adolphe. Ce roman personnel participe, en effet, de la vie amoureuse de l'auteur, prenant appui sur un admirable récit rétrospectif habile à transposer dans le registre de la fiction son « histoire » avec
Charlotte de Hardenberg, à laquelle Constant mêle son orageuse liaison avec Mme de Staël.
 
 
 
Dans un «Avis», l'«éditeur» précise les conditions de sa rencontre dans une auberge de Cerenza avec un « inconnu », Adolphe, dont il publie le manuscrit perdu en cours de route par son propriétaire.
 
Jeune homme timide et solitaire entretenant des rapports médiocres avec son père, Adolphe quitte Gottingue et se rend dans une autre ville allemande, D*** ; il fraye avec les courtisans d’un prince, société factice, où il se fait une réputation « de légèreté, de persiflage et de méchanceté » (chap. I). L'ennui le ronge jusqu'au jour où il fart la connaissance du comte de P*** et de sa maîtresse Blénore. Par besoin d'être aimé et par vanité, Adolphe s'éprend d Blénore. de dix ans son aînée. Après nombre de supplications, le jeune homme obtient une entrevue (2). Émue par les propos d'Adolphe, Blénore consent à le recevoir plus souvent : amour fortifié par les rencontres, et qui est parachevé par l'union des deux amants (3). Mais leur relation se dégrade rapidement : Blénore ne représente plus un «but » dans la vie d'Adolphe.

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« avec Ellénore (7).

Celle-ci accorde à plusieurs jeunes gens de longs tête-à-tête pour exciter la jalousie d'Adolphe qui lui demande bientôt de ne plus recevoir ces adorateurs.

Nouveau sacrifice d'EIIénore qui charge Adolphe de « nouvelles chaînes » (8}.

En présence de M.

de T***, le jeune homme s'engage à quitter Ellénore; mais il retarde sans cesse l'« instant fatal ».

Il écrit au baron qu'il souhaite toujours rompre (9).

Quel­ ques jours plus tard, M.

de T*** envoie la lettre d'Adolphe à Ellénore : plongée dans un ab'lme de désespoir, elle tombe malade.

Ne cessant de s'affaiblir et de dépérir, elle meurt.

Adolphe.

loin de retrouver la liberté, est condamné à la soli­ tude et au remords, existence terne prophétisée par une lettre d'Eilénore, qu'il découvre après sa mort (10).

En épilogue, un correspondant anonyme adresse une « Lettre à l'éditeur» : il l'incite à publier le manuscrit et excuse la conduite d'Adolphe.

Le roman s'achève sur une «Réponse de l'éditeur», dans laquelle il accepte de publier le récit et condamne l'attitude du héros.

Fascinant édifice, Adolphe, marqué structurellement par un encadrement du récit, ordonne autour de la confes­ sion trois textes annexes qui appartien­ nent à la fiction romanesque : l'« Avis de l'éditeur» donne au récit le cachet de l'authenticité et, telle une épigra­ phe, révèle la tonalité du roman, convie d'emblée le lecteur à pénétrer dans ce sombre univers ; la « Lettre à l'éditeur » et la « Réponse » proposent des jugements diamétralement oppo­ sés sur la conduite du héros et ren­ voient donc au caractère hiéroglyphi­ que d'Adolphe, roman où la contiguïté des sentiments distincts (égoïsme et abnégation) enténèbre la notion de respm.i.sabilité, et fait du problème de l'interprétation la quintessence du récit.

Ce n'est point hasard si les lettres rythment la liaison des deux amants : captieuses, elles sont souvent un ins­ trument de simulation -pour conqué­ rir Bllénore, Adolphe jette dans sa let­ tre « une agitation qui ressemble fort à l'amour » (chap.

2) -ou de dissimu- lation : « langage embarrassé que je gémissais de voir si obscur, et que je tremblais de rendre plus clair ! » (chap.

5).

Les paroles, redoutables, accentuent cette communication néga­ tive et aggravent les conflits : condui­ sant à une destruction irrévocable («Nous avions prononcé tous deux des mots irréparables», chap.

4), elles bles­ sent et tuent.

Aussi bien le silence constitue-t-il le seul refuge : Adolphe ne répond que par monosyllabes aux questions d'Ellénore (chap.

8), et celle­ ci « ftxe sur lui ses yeux en silence » (chap.

10).

Loin de ponctuer des moments extatiques, ces suspensions de la parole figurent la pernicieuse incommunicabilité dans laquelle s'abî­ ment les deux amants.

Médiocrité des relations épistolaires, mots blessants, conversations en lambeaux, gouffres du silence et, comme dans *Bérénice, vérité indicible : tous ces orbes infer­ naux donnent au comportement ver 4 bal une dimension circulaire qui, à la manière du logos racinien, enferme les protagonistes.

Langage-piège plaçant l'amour sous le signe du tragique, et qui symbolise ce huis clos sentimental.

èette kyrielle de souffrances qui a nom amour, Constant la suggère à tra· vers la situation d'Adolphe.

La pré­ sence d'Ellénore a tôt fait de l'empri­ sonner, d'envahir l'espace et le temps du héros : elle accapare son présent, le coupe de son passé et entrave son ave­ nir.

Dans ce monde dos, la spontanéité n'a pas place : réflexions, débats inté­ rieurs, hésitations, approches calculées de l'autre annihilent l'authenticité des relations ; tout se passe comme si les élans sentimentaux se figeaient.

Est symptomatique, de ce point de vue, le rythme de l'œuvre : au romanesque fugitif - la conquête d'Ellénore, commencée au chapitre 2, s'achève au chapitre 3 -, succède une séquence type (décision de passer à l'acte, peur de faire souffrir) qui, faisant alterner les. »

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