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Album de vers anciens de Valéry

Publié le 11/11/2018

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Album de vers anciens
 
Album de vers anciens 1890-1900 parut en 1920 en plaquette dans les Cahiers des amis du livre d'Adrienne Monnier. Il fallait une robuste confiance en soi pour publier, au lendemain d’une guerre qui avait changé la face du monde et tandis que, à la suite d’Apollinaire, Tzara, Picabia et Breton renouvelaient l’esthétique, des poèmes vieux d’un quart de siècle et plus, même largement retouchés. Dans l’édition de 1931, définitive, qui comporte cinq pièces supplémentaires, le recueil compte vingt poèmes et une prose, écrits entre 1890 et 1900; plus de la moitié avaient paru à l’époque dans la Conque, l'Ermitage, la Syrinx et le Centaure. L’Album s’ouvre sur les vingt-cinq vers de « la Fileuse », dont les tercets symboliques développent une métaphore de l’écriture. Suivent neuf sonnets où se mêlent les influences du Parnasse et du symbolisme

« Album de vers anciens de Paul Valéry L'Album de vers anciens fut publié en 1920, mais les œuvres qui le composent sont fort antérieures : elles ont étéécrites de 1890 à 1892, à Montpellier et publiées dans diverses revues, dont La Conque de Pierre Louys.

Ces 20poèmes font revivre Valéry jeune homme dans toute sa ferveur mallarméenne, aux côtés j de ses deux amis, PierreLouys et André Gide.

Comme dans toute œuvre de début, j les influences extérieures sont prépondérantes;toutefois, sous la mode passagère et l'habit d'emprunt, apparaissent des caractères originaux et permanents. Quels sont les courants poétiques vers 1890? Les grands poètes romantiques sont morts depuis longtemps.

VictorHugo, sans doute, a survécu à sa génération jusqu'en 1885, manifestant jusqu'à la fin une étonnante puissance derenouvellement, mais ses dernières œuvres, comme L'Ane, Dieu, La Fin de Satan, restent inconnues du public, et,naturellement, les jeunes poètes, tout en l'admirant, cherchent ailleurs leurs modèles. Leconte de Lisle qui lui a succédé à l'Académie Française, est le maître incontesté du Parnasse : son talent et soncaractère sont également respectés, mais les Poèmes Antiques et les Poèmes Barbares semblent conduire à uneimpasse; ses attaques contre le lyrisme romantique sont adoptées, son culte de la forme estimé, mais son exemplerepoussé.

Paul Valéry résume le sentiment de sa génération en disant : En ce temps-là, Leconte de Lisle tout vivantet vénérable qu'il était, était déjà pour un grand nombre une ombre vaine...

Les très jeunes orgueils se cherchaientdes poétiques nouvelles, que les uns désiraient plus complexes, et les autres tout autres que la sienne (Variété II,p.

179).

Le jeune Valéry, qui le voit traverser le Jardin du Luxembourg, pour aller de l'Ecole des Mines à laBibliothèque du Sénat, le salue de loin, mais ne songe pas à le suivre : l'avenir est ailleurs. Une « horreur sacrée » l'empêche d'aller retrouver Verlaine au café ou de l'arrêter sur le boulevard St-Michel : Ni lescharmes d'une gloire, qui était alors dans toute sa force, ni la curiosité que j'avais d'un tel poète, de qui les milleinventions musicales, les délicatesses et les profondeurs m'avaient été si précieuses; ni même les attraits d'unecarrière affreusement accidentée et d'une âme si puissante et si misérable, n'eurent jamais raison de mon obscurerésistance (ibid., p.

176).

Vraisemblablement, l'homme par son aspect de vagabond et ses relents d'absintheeffarouche Paul Valéry, frais arrivé de sa province; l'artiste l'a séduit quelques années auparavant en lui enseignantune poésie musicale, nuancée, rêveuse et si spontanée d'apparence ! Le souvenir de Colloque Sentimental chantedans le Bois Amical : Nous avons pensé des choses pures Côte à côte, le long des chemins, Nous nous sommes tenus par les mains Sansdire...

parmi les fleurs obscures... Le décor féerique et lunaire, la tonalité mélancolique, le dialogue silencieux entre le poète et son double évoquentles mélodies verlainiennes, leur charme vaporeux et évanescent : Et puis, nous sommes morts sur la mousse, Très loin, tout seuls parmi l'ombre douce De ce bois intime etmurmurant... Mais Paul Valéry a vite discerné l'incompatibilité que présentait pour lui une poésie tout intime, admettant toute lavariété de l'âme telle quelle, entraînant avec elle diamants et impuretés, mêlant le ton le plus délicatement musical àla pire des proses; plus que sa bohème crapuleuse, la légende de naïveté artistique de Verlaine l'a choqué commeune indigne supercherie : Quant à l'ingénuité de Verlaine et de son art, il ne fait aucun doute qu'elle n'a jamaisexisté...

On oublie très aisément que, par nécessité de son état, le poète doit être le dernier des hommes à sepayer de mots ( Variété II).

Plus la poésie deviendra pour Valéry une prise de conscience et la recherche d'unmonde plus pur que le nôtre, plus il s'éloignera des sortilèges de Verlaine.

Si Victor Hugo et Leconte de Lisle ont peuinspiré Valéry, si l'influence de Verlaine a été partielle et passagère, quels sont donc les modèles du jeune poète?Parmi les morts, apparaissent en premier lieu, rapprochés par de multiples affinités, Poe et Baudelaire. Poë a contribué à détourner Baudelaire du Romantisme et l'a guidé vers la poésie pure, celle qui n'est niépanchement du cœur, ni effet oratoire, ni tableau historique, ni exposé didactique, mais incantation et introductiondans l'univers des symboles.

Dans l'essai intitulé Le Principe poétique, il définit non seulement l'essence de la poésie,mais ses conditions psychologiques, l'une des plus importantes étant la dimension de l'ouvrage poétique, et le mètre: ce que Valéry vérifiera par lui-même, notamment à l'occasion du Cimetière Marin (voir 'tome 2, p.

19).

Sansanticiper, on peut croire que Poë, directement ou par l'intermédiaire de Baudelaire, a éclairé la notion de poésie pourValéry à ses débuts. L'admiration de Valéry pour Baudelaire est bien connue : il en a donné toutes les raisons dans une Introduction àune édition des Fleurs du Mal publiée par l'éditeur Payot (collection Vers et Prose), véritable étude sur la poésie duRomantisme au Symbolisme, que l'on peut lire dans Variété II sous le titre Situation de Baudelaire. Les mérites de Baudelaire sont immenses : artiste sensuel et précis, esprit lucide et inventif, idéaliste dépassant leréel pour errer dans le monde poétique, il a su trouver pour la poésie une substance plus solide et une forme plussavante et plus pure; il a fait plus : non seulement il a été un Gautier supérieur, mais encore le précurseur deMallarmé, de Ver l'aine et de Rimbaud.

Les Fleurs du Mal sont un recueil unique : elles ne contiennent ni poèmeshistoriques ni légendes...

on n'y voit point de tirades philosophiques.

La politique n'y paraît point.

Les descriptions ysont rares, et toujours significatives.

Mais tout y est charme, musique, sensualité puissante et abstraite...

Luxe,forme et volupté ( Variété II, p.

167).

Charme, musique, sensualité, quels mots qualifient plus exactement le poème. »

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