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Amours de Théophile (les) et Amour passionnée de Noémie (L'). (fiche de lecture)

Publié le 15/10/2018

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amour

Amours de Théophile (les) et Amour passionnée de Noémie (L').

 

Recueils poétiques de Marc de Papillon de Lasphrise (1555-1599), publiés dans le volume des Premières Œuvres, à Paris chez Jean Gesselin en 1599.

 

Poète-soldat comme Agrippa d'Aubi-gné, Papillon de Lasphrise combat dans les rangs catholiques dès 1568, à l'occasion de la troisième guerre de Religion. En 1575, entre deux batailles, il s'éprend de la jeune novice Renée Le Poulchre, qu'il chante sous le nom de Théophile (« Aimée de Dieu ») : il l'accable de serments et de poèmes, use de toutes les ressources rhétoriques pour tenter de l'arracher à la vie monastique, mais la jeune fille se résout finalement à prononcer ses vœux. En 1577, à la faveur d'une trêve, il tombe amoureux de sa cousine

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« Polyxène de Papillon, qu'il chantera sous le nom de Noémie.

Leur liaison se poursuit quelques années, en dépit du mariage de la jeune fille avec un barbon.

Si la poésie amoureuse de Papillon emprunte à la fois à Ronsard, à Despor­ tes et au pétrarquisme contourné des années 1570, ses audaces verbales et son obscénité souvent blasphématoire la rendent diffidlement classable.

Dans les Amours de Théophile, le poète raconte, non sans intention provocatrice, la manière dont il a rencontré la jeune fille à l'église:« Moy comme bon Chrestien m'en allé à la Messe 1 [.-] /.

Mais que m'en advint-il 1 pardonne moy, ô Dieu ! 1 j'ay changé ton image en ma belle Maistresse »(LVI).

L'amant ne cesse plus alors d'inciter la jeune fille à l'abandon sen­ suel («La vie sans plaisir est une mort hideuse », Xl) et dénonce la barbarie des vœux monastiques : il s'emporte à plusieurs reprises contre une pratique où il ne voit que perversion et négation de l'intégrité humaine(« Renoncer la Nature, ha ! quelle indignité 1 », Lll).

Les premiers sonnets de l'Amour passionnée de Noémie assurent la transition avec le recueil pré­ cédent et proclament la volonté d'en finir avec un amour sans issue : « j'ay adoré longtemps.

gonflé de belle ardeur, 1 THÉOPHILE aux beaux yeux, Déesse de l'honneur, 1 [ ...

] 1 je vay voir les douceurs de l'humble NOÉMIE » (Ill).

La suite du recueil multiplie les évocations érotiques : jeux folâtres sur un lit (LXX), tendres rendez-vous nocturnes (LXVII), amusements pervers et pué­ rils des amants (LXIII), douces fatigues qui suivent l'extase sexuelle (01).

Longtemps victime de la pruderie des censeurs, la fougueuse poésie éroti­ que de Papillon de Lasphrise peut aujourd'hui être appréciée à sa juste mesure.

Le bon goût n'est certes pas le fait de ce poète-soudard : les schémas pétrarquistes frémissent et s'exacerbent sous sa plume, emportés par un éros baroque où se mêlent étrangement mignardises, perversions et brutalités.

Les Amours de Théophile donnent le ton, en heurtant de front un interdit fondamental : Papillon leste d'une consistance sacrilège la rhétorique gal­ vaudée du désir insatisfait, puisque la jeune fille aimée ne peut appartenir qu'à l'Époux mystique.

La pa~sion oppose donc l'amant à Dieu, et l'Eglise devient le théâtre d'une lutte où les rivaux se disputent le cœur de la novice.

Dans cette lutte, l'arme essen­ tielle du poète n'est pas tant la révolte blasphématoire que le travestissement parodique du culte et des sacrements : les actes de la liturgie se transforment ainsi en étapes d'une cérémonie éroti­ que dont le caractère priapique est à peine voilé (XXIV), la confession devient occasion de sceller l'accord amoureux («Je ne te baillerais l' Abso­ lution saincte 1 Que je n'eusse ta foy de me baiser sans faincte », CXXI), et le chapelet de la jeune fille fait l'objet d'une fétichisation sensuelle sous cou­ vert de pratique dévote («J'en oy qui en passant vont prisant ma bonne âme : 1 [ ...

] 1 Mais ils ne çavent pas quel Sainct c'est qui m'enflame »1 CL VII).

Si la dimension sacrilège disparaît à peu près de l'Amour passionnée de Noé­ mie, le recueil n'en contient pas moins les mêmes tonalités insolentes : amant et maîtresse s'ébattent sur le lit du bar­ bon, et leur fougue sensuelle apprend l'art de se soustraire malicieusement au regard social.

Après la continence imposée par Théophile, la libertine Noémie déchaîne l'exubérance éroti­ que du poète-amant : l'emportement des sens se traduit alors par les saccades haletantes du vers, l'alternance des exclamations et interrogations affecti­ ves, l'exploitation jubilatoire du lexi­ que mignard ( « Pignotant, frisottant ta chevelure blonde, 1 Pressottant, sucço­ tant ta bouchette d'œillets», Lill) "ou du « langage enfançon » (LXIII).

Mais surtout, l'extase érotique a pour effet de réactiver le thème pétrarquiste de la mort amoureuse : il ne s'agit plus chez Papillon de Lasphrise de la mort. »

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