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Analyse et résumé : Ubu Roi d'ALFRED JARRY

Publié le 22/02/2012

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jarry
«Merdre ! » C'est par le célèbre mot nouveau de Jarry que la pièce débute. Grosses marionnettes humaines, le père et la mère Ubu s'invectivent comme des charretiers. La mère Ubu suggère à Ubu de renverser son roi, le roi de Pologne (étant entendu que, selon le mot de Jarry lui-même le soir de la première, « l'action se passe en Pologne, c 'est-à-dire nulle part»). Il fomente un complot avec l'infâme capitaine Bordure, puis massacre le roi et presque toute la famille royale. Les péripéties qui s'ensuivent, aussi énormes que grotesques, voient Ubu mener une tyrannie sanglante contre les nobles du royaume, qu'il extermine, et contre le peuple, avec une férocité absurde (« avec ce système, j'aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai») qui n'a d'égale que sa lâcheté dès qu'il est menacé. Ce qui ne rate pas : le tsar lève une armée contre lui.
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« Enfin, et ce n'est pas le moins important, parce que Jarry s'approprie Ubu en plein accord avec les frères Morin.

Eux,non seulement n'y attachent que l'importance de jeux d'adolescents, mais encore Henri Morin l'a dit sans difficulté,une semaine après la création de la pièce (dans une célèbre lettre à Henri Bauer où il « vend la mèche ») — ils ontjubilé de voir Jarry tout faire pour monter à Paris ce qui leur paraissait être le plus beau dynamitage du théâtre et dela critique officielle dont ils puissent rêver.Ils ont joui secrètement, durant de longues années, de cette forme à leurs yeux supérieure de canular (voir semonter la pièce, et apprendre ensuite qu'elle tournait en dérision tout le théâtre de son époque, sans avoir rien àfaire, et sans se donner le moindre mal).

Quelle jubilation de voir un débat s'instaurer, et tout le monde se ridiculiserd'y prendre part (que ce soit pour ou contre), sur une pièce dont ils sont fiers d'être les coupables et dont ils semoquent éperdument de la gloire, fausse et dérisoire à leurs yeux ! Les frères Morin se sont réjouis de cetteaccumulation d'impostures : elle a été leur plaisir.Pour toutes ces raisons, c'est donc bien Jarry qui mérite d'être considéré comme le créateur d'Ubu, sans qu'ils'agisse ici de préserver une réputation ou d'étouffer un scandale littéraire.

Toute cette histoire ressemble à cesdestins de bâtards dont les feuilletons sont friands.

Les « vrais » pères (ou les parrains) d'Ubu n'avaient que faire deleur enfant « naturel », et de leur propre avis n'en ont tiré que des satisfactions : celle d'une farce énorme.

C'estson père « adoptif», Jarry, qui lui a finalement donné son état civil, c'est à lui qu'il doit, somme toute, sa vie.On verra en outre ci-dessous qu'on peut méditer sans fin sur le problème de savoir qui, en cette affaire, profite desautres, et sur le caractère foncièrement vertigineux du jeu de dupes : il est, comme l'emblème d'Ubu, en forme despirale sans fond.

Résumé de la pièce Une guignolade d'un bout à l'autre«Merdre ! » C'est par le célèbre mot nouveau de Jarry que la pièce débute.

Grosses marionnettes humaines, le pèreet la mère Ubu s'invectivent comme des charretiers.La mère Ubu suggère à Ubu de renverser son roi, le roi de Pologne (étant entendu que, selon le mot de Jarry lui-même le soir de la première, « l'action se passe en Pologne, c 'est-à-dire nulle part»).

Il fomente un complot avecl'infâme capitaine Bordure, puis massacre le roi et presque toute la famille royale.Les péripéties qui s'ensuivent, aussi énormes que grotesques, voient Ubu mener une tyrannie sanglante contre lesnobles du royaume, qu'il extermine, et contre le peuple, avec une férocité absurde (« avec ce système, j'aurai vitefait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai») qui n'a d'égale que sa lâcheté dès qu'il est menacé.

Ce quine rate pas : le tsar lève une armée contre lui.Les rebondissements du conflit et de la guerre contre Bougrelas, l'héritier du trône, se succèdent : nous suivonsl'armée polonaise en marche dans l'Ukraine, un périple de la mère Ubu de la crypte des anciens rois de Pologne à unecaverne dans la neige dans la province de Livonie (où elle retrouve le père Ubu en fuite, se faisant passer pourl'apparition de saint Gabriel), le tout pour finir à bord d'un bateau sur la Baltique, où les personnages entonnent la «Chanson du Décervelage».Dans son ensemble, la pièce présente exactement toutes les caractéristiques d'un spectacle de marionnettes :vociférations, exagérations sans vraisemblance, lieux de l'action tout juste signalés (comme dans le folklore des jeuxenfantins où il suffit de dire « on dirait qu'on serait en Pologne »), gesticulations et énormités farcesques : tout yest. Tel est Ubu Roi.

Et rien de plus.

En d'autres termes, elle est, en tant que pièce — si c'en est une —, quelque chosed'assez médiocre. Un cas limite de la création, un projet de création volontairement nullePièce et théâtre ici sont comme le capital de quelque chose qui fructifie plutôt à son propos, que sur lui.

Car, il fautque ce soit dit au moins une fois, et clair une fois pour toutes, la pièce intitulée Ubu Roi est nulle, et elle l'estvolontairement.Ce n'est qu'une pantalonnade du niveau de Guignol, à vociférations de clowns de cirque, ce qui fait un spectaclequ'un enfant — cet âge est sincère, donc sans pitié —jugerait sévèrement, et dont un adulte ne peut que se lassertrès vite s'il vient le prendre pour ce qu'il est — et elle le fait exprès.

C'est sa nullité qui a fait sa virulence, commec'est ce qui a suscité, tout bonnement, et plus que l'incompréhension, la violence de son accueil.

Quant à yadhérer, on ne peut le faire qu'en feignant l'état d'enfance.Et de fait, on joue beaucoup moins Ubu Roi qu'on ne parle d' Ubu.

On réfléchit beaucoup plus sur ce qu'il implique,qu'on ne va voir la pièce où il naît.

La notoriété du personnage, et de tout ce qu'il suggère, est bien plus grande,d'une part que ce que la scène en fait voir, et de l'autre que le succès proprement dit de la pièce qui en estl'origine.Autrement dit, il est bon de le signaler, l'ampleur d'Ubu vient bien plus évidemment de la matière à réflexion sur sonexistence que de la matière à spectacle d'Ubu Roi qui n'est pas un succès de scène (ni populaire, ni même élitaire) :on lit plus Ubu, et surtout sur Ubu et Jarry, et ses positions intellectuelles, qu'on ne va au spectacle proprement ditd'Ubu Roi, ou même qu'on ne tente de le monter.Jouer la pièce et aller la voir sont deux actes dont on se garde presque également, et qu'on fait plus par bravade,ou en militant, que de façon spontanée, tout simplement parce que l'idée qu'une telle pièce-farce existe est plusdivertissante et moins ennuyeuse que la pièce elle-même.

Ubu est énorme, grotesque, destructeur, vengeur dansl'esprit de ceux qui jugent que les autres méritent d'être attaqués.

Mais il n'est pas drôle.

Et la pièce non plus.. »

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