Antoine de SAINT-EXUPERY : Terre des hommes

« Photo Goldner 1 Sipa-l):ono "Je fais la guerre le plus profondément possible.

Si je suis descendu, je ne regretterai rien.

La termitière future m'épouvante .

Et je hais leur vertu de robots.

Moi j'étais fait pour être jar­ dinier", dit Saint­ Exupéry dans sa der­ nière lettre, écrite en juillet 1944 alors qu'il partait survoler Grenoble pour une mission dont il ne revient pas.

Le livre L'aventure de l'homme L a ligne, c'est la mission, c'est l'obligation ; faire demi­ tour, la honte, l'échec, l'interdiction morale.

n faut passer, il faut que le courrier arrive en temps et heure.

Et qu'importe le danger et qu'importe la mort.

Des hommes sont là pour répondre aux défis.

Connus ou inconnus, ils sont plus d'une centaine à ne jamais être arrivés à l'escale.

Tous, semblables au grand Mermoz qui ouvre toutes les routes, ou à Guillaumet qui, de son propre aveu, a accompli ce qu'aucune bête n'aurait fait, tous sont allés au bout d'eux-mêmes .

Au-delà du vol, ils ont découvert la planète, leur aventure n'était qu'un prétexte à leur réflexion.

lls ont franchi le désert, la mer et les montagnes.

lls ont affronté les éléments et leurs propres angoisses.

Tout cela pour se révéler.

Derrière chaque pilote apparaît 1 'homme et derrière l'homme la morale.

La vie devient sublime car elle est vécue pour elle-même.

Au-delà du pilote, le moraliste A con sidérer l'ensemble de l'œuvre d'Antoine de Saint­ Exupéry, apparaît la continuité du mouvement de dé­ pouillement qui le conduit de la forme du roman Courrier-Sud au conte philosophique Citadelle.

La préoccupation morale qui est celle de l'auteur envahit peu à peu ses écrits.

Terre des hommes est à ce titre démonstratif.

La réflexion morale s'affir­ me jusqu'à devenir le livre lui-même.

On comprend alors le contresens qu'il y aurait à voir des aventuriers ou des sur­ hommes dans ces aviateurs qui ont fait la ligne.

Au-delà de leur courage, au-delà de leur folie, il faut retenir leur déception, mais aussi leur exigence morale.

La ligne est le symbole d'une nécessaire réflexion sur la condition humaine.

L'action et la réflexion se mêlent, se confondent, !'"Homme" se révèle.

La morale de Saint-Exupéry est exigeante, difficile.

Cependant, elle n'est pas ingrate : les vraies valeurs sont aussi de vrais plaisirs.

Pour l'auteur du Petit Prince, on ne saurait jouir du monde si la privation ne nous en apprenait la saveur et le prix.. »