ANTONY, d'Alexandre Dumas

ANTONY, drame romantique « moderne », en 5 actes et en prose, d'Alexandre Dumas père, joué pour la première fois le 3 mai 1831 à la Porte-Saint-Martin. La pièce, accueillie dans le délire à Paris et en province, est un modèle du genre : Antony le bâtard, bien que passionnément épris, n'a pas osé demander la main d'Adèle et a brusquement disparu. La jeune femme, mariée depuis, semble avoir oublié son ancien amant. Mais Antony revient... Il traque Adèle sans relâche, l'entraîne dans l'adultère et finit par la poignarder pour lui rendre l'honneur qu'il lui a ravi. Les mécanismes dramatiques sont ici parfaitement maîtrisés : chaque dialogue, chaque événement (lettre, accident), chaque résolution (départs, fuites, retours) accule les héros qui cèdent à leurs impulsions (fins d'actes) et les précipite vers l'ultime et fatale décision. Le style participe de ce projet par sa fonction émotive. La parole est acte et en d'heureux moments attaque et possède ( « Elle me résistait, je l'ai assassinée »). La violence des sentiments est ainsi exacerbée : auréolé par la malédiction de sa bâtardise, rejeté par la société, Antony incarna la révolte contre un monde injuste et hypocrite. Pourtant, dans sa résignation et ses alarmes, Adèle parle mieux à un public moderne, plus sensible à cette figure féminine, sacralisée dans son rôle de mère et d'épouse, souillée par l'adultère, soumise aux nécessités du paraître, contrainte par le regard des autres comme par un destin.