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AUCASSIN ET NICOLETTE (résumé & analyse)

Publié le 15/11/2018

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AUCASSIN ET NICOLETTE. Cette œuvre picarde d’un auteur demeuré anonyme date du premier quart du xiiie siècle. Œuvre unique par sa forme, puisqu’elle est constituée par une alternance régulière de 21 parties en vers et de 20 parties en prose, de morceaux chantés et de morceaux récités, comme le Guillaume de Dole de Jean Renart. L’auteur la nomme chantefable, mot qu’il a sans doute forgé, comme plus tard Rutebeuf dira que les démons traiteront les damnés de chantepleure, de gens qui « pleurent après avoir chanté ».

 

Mais il faut aussitôt préciser que les parties en vers, laisses assonancées d’heptasyllabes à vers orphelins, ne peuvent être considérées comme de simples haltes lyriques, car elles contiennent trop d’éléments d’information nécessaires à la compréhension du récit. Seules, cinq laisses (3, 5, 17, 31, 37), que l’on peut appeler similaires, redoublent les séquences en prose qui précèdent. Pour le reste, les unes sont liées aux morceaux en prose tantôt par une formule d’introduction (33), tantôt par une formule de rappel (29, 37, 39, 41), tantôt par les deux (13, 15, 21, 25); les autres, tout en faisant partie du récit, ne sont pas encadrées par ce genre de stéréotypes. Les laisses, si elles informent, se distinguent de la prose par la manière de le faire; plus lyriques, les regrets se terminent le plus souvent par un engagement definitif. En sorte que Jean Trotin a raison de conclure qu’« il serait imprudent de réduire Aucassin et Nicolette à un texte en prose troué de laisses, puisque la laisse a la double mission d’informer et de déformer ».

 

Ce climat idyllique de joie tendre et un peu mélancolique dans un monde plus ou moins irréel que les laisses imposent peu à peu à l’esprit est accentué par le retour de trois mots clés, ami, amie / biax, bele / doux, douce, employés dans des formules plus ou moins développées (bele douce amie..., douce amie o le vis cler... Nicolete ma tresdouce amie, le riens en tôt le mont que je plus amoie...), qui donnent en particulier à Nicolette la grâce aérienne et légère des héros imaginaires et féeriques qu’aucune médiocrité ne saurait atteindre : ne s’avance-t-elle pas pieds nus à travers un parterre de marguerites? Il s’agit donc d’un récit romanesque où il serait vain de traquer les prétendues invraisemblances, qui sont en fait des commodités techniques du conte populaire. C’est ainsi que des lions vivent et que des lis fleurissent dans la forêt proche de Beaucaire; Nicolette, qui s’évade sans peine par la fenêtre de sa prison, retrouve presque aussitôt Aucassin, avec qui elle communique par une providentielle fissure; les deux héros rencontrent des bergers, qui leur servent de messagers, et se rejoignent dans une forêt impénétrable... Tous ces hasards, qui sont nombreux, ne gênent jamais le lecteur; ils sont la compensa

 

tion des malheurs qui s’abattent sur les deux héros, selon l’esthétique du conte populaire dont l’auteur a repris de nombreux éléments, tels que la femme guérisseuse, la « couvade », l’étoile de Vénus attirée par la lune... L. Spitzer l’a bien vu : «Aucassin et Nicolette est, comme le voudrait Gaston Paris, un conte ou, je dirais plus particulièrement, une espèce de Marchen (mâtiné de poésie épique, il est vrai), où les torts sont redressés ». Le travail qui s’impose maintenant est donc de dresser un inventaire complet des éléments folkloriques et de faire une étude approfondie des procédés de la narration populaire.

« vons la crainte du bOcher, la hutte dans la forêt, le rôle de la femme.

Mais surtout, comme Trista n, Aucassin et Nicolette est une œuvre ouverte où l'on peut déceler la justification d'attitudes morales différentes, qu'il s'agisse du père, qui refuse une union mal assortie, ou du fils, qui suivra le choix de son cœur sans souci du rang social.

Mais faut-il parler de l'influence de telle ou telle œuvre? Beaucoup de motifs et de formules appar­ tiennent à la tradition littéraire épique et courtoise : homme hideux, princesse sarrasine, communication à travers une paroi, déguisement...

La chantefable, qui pré­ suppose une tradition déjà longue, a le charme équivoque d'une œuvre très raffinée, à une époque où l'on y croit plus ou moins.

Faut-il aller jusqu'à parler d'une jolie fleur de la décadence courtoise? Il reste que l'auteur intègre tous ces motifs dans une œuvre unique, tantôt pathétique, tantôt comique, fondée sur de subtils parallélismes, encadrements et enlace­ ments, dans un récit homogène, habilement construit en trois grands mouvements, de la séparation des amants à leur réunion, puis à la reconnaissance de leur amour et à leur mariage, le bonheur individuel finissant par trouver sa place dans la société.

Toujours actuel, Aucassin et Nicolette, d'avatar en avatar, est même devenu en 1979 une sorte de comédie américaine, la Belle Sarrasine.

lHBLIOGRAPHIE Aucassin er Nicolette, édité par Mario Roques, Paris, Cham­ pion, 1954; Aucassin er Nicolette, édi té et traduit par Jean Dufournet, Paris.

Garnier-Flammarion, 1984.

A consulter .- T.

Hunt, « la Parodie médiévale: le cas d"Aucas­ sin et Nicolette », Romania, t.

C.

1979.

p.

341-381; O.

Jodogne.

« la Parodie et le pastiche dans Aucassin et Nicoleue », Cahiers de l'Association internationale des études françaises, n• 12, 1960, p.

53-65; Ch.

Méla, «C'est d' Aucassin et de Nicoleuc », Blancltefleur er le saint homme ou la Semblance des reliques.

Paris, Seuil, 1979.

p.

47-73; Ph.

Ménard,. »

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