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Cahier d'un retour au pays NATAL. Poème d'Aimé Césaire (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)

Publié le 24/10/2018

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Cahier d'un retour au pays NATAL. Poème d'Aimé Césaire (né en 1913), publié en extraits à Paris dans la revue Volontés en août 1939, et en volume, avec une Préface d'André Breton, à New York chez Brentano's et à Paris chez Bordas en 1947.
Le Cahier est le premier texte publié par Césaire, qui avait détruit tous les poèmes composés durant ses années d'études à Fort-de-France, puis à Paris. À la veille de quitter la métropole en 1939, il rédige ce long « poème » qui allie prose et vers libre, où il imagine son « retour au pays natal » et l'état dans lequel il va retrouver la Martinique.
Dans sa Préface - « Un grand poète noir » -, Breton ne manque pas de faire remarquer que le Cahier est un poème, sinon « à thèse », du moins « à sujet », mais il en souligne le « pouvoir de transmutation » et « cette faculté d’alerter sans cesse de fond en comble le monde émotionnel jusqu'à le mettre sens dessus dessous qui caractérisent la poésie authentique par opposition à la fausse poésie, à la poésie simulée ». Effectivement, le Cahier, qui rappelle
l'atroce et indicible déportation des esclaves d'Afrique vers les Antilles -« J'entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquette-ments des mourants... » -, premier plaidoyer en faveur de la négritude, vocable qui est lui-même un néologisme, exprime la prise de conscience des trois cofondateurs de l'Étudiant noir : Césaire, Senghor, Damas. Mais le poème se présente aussi comme un pamphlet contre le « pays natal », la Martinique, dont la léthargie politique, intellectuelle et artistique (« cette ville plate », « cette ville inerte ») est stigmatisée violemment : « Au bout du petit matin bourgeonnant d'anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d'alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouée. »
La satire non seulement des colons mais aussi de la « négtaille » - du « nègre chaque jour plus bas, plus lâche, plus stérile, moins profond, plus répandu au-dehors, plus séparé de soi-même, plus rusé avec soi-même, moins immédiat avec soi-même » - montre, avant le Portrait du colonisé d'Albert Memmi (1957), avant les essais de Frantz Fanon, le lien de dépendance affective et intellectuelle qui attache le colonisé au colon.

« Du genre pamphlét ai re - qu'on retrouvera dans le Discours sur le colo­ nialisme de 1955 -, le Cahier a l'em­ phase d'un discou rs qui joue avec vir­ tuosité sur l es procédés de l'art oratoire, dans le registre d'un réqui si­ toire, d'une philippique.

À l'ampl eur synta xique et rythmique des phras es nominales qui procè dent de l'accumu­ lation et de la répétition incantatoire (" Au bout du petit matin 1 un grand galop de pollen 1 un grand galop d'un petit train de petites ftlles 1 un grand galop de colibris 1 un grand galop de dagues pour défoncer la poitrine de la terre»), s'ajoute la puis sance évoca­ toire d'un vocabulaire systématique­ ment négatif ou péjo ratif, souligné par l 'emploi constant de démonstratifs à valeur dépréciative : " Ces pays sans stèle, ces chemins sans mémoire, ces ve nts sans tab lette.

» Césaire retrouve la violenc e des imprécatio ns de Baude­ laire et surtout de Lautréamont, notamment par l'infl ation de qualifi· catifs et d'adverbes hyperboliques pour ca ractériser la sale té et l'indigence : " Une vieille vie menteusement sou­ riante, ses lèvres ouvertes d'angoisses désaffectées ; une vieille misère pour­ rissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence creva nt de pustules tièdes, l'affreuse inan ité de notre rai­ son d'être.

» Le registre médical, physiologique, assodé comme chez Lautré amont à un é rotisme bestia l (la rue de la Paille , où " la jeunesse du bourg se débau che » est emblématique de la ville tout entière), d on ne une image phy sique de la déchéance de la Ma r tini que.

Césaire exprime une véritable phobie, une répulsion instinctive -signifiée par ce «cri,.

que le poè te voudrait entendre proférer par son pa ys.

L'imaginaire sensible, qui fait la richesse de l'œuvre, lui donne également son efficacité rhé­ tori que : les images y constituent le principal outil de persuasio n du lee- te ur; co m me Inci ta tion à la r évol te.

L'influ ence de Rimba ud se fait alors éga lement sentir, à travers des réminis­ cences d'*Une saison en enfer : "J'a i ass assiné Dieu de ma paresse de mes paroles de mes gestes de mes chan­ sons obscènes.

» Ce " cri " que constitue le poème manifeste l'engagement total du« réci­ tan t», dont la subjectivité lyrique se révèle progressivement dans ce cahier intime.

D'abord entière ment absorbé par son objet - l'île -, le poème s'oriente graduellement vers un "nous » et l'év ocatio n de souvenirs personnel s (" au-delà de mon père, de ma mère ...

»), pour fina lem ent faire éclate r le moi tonitruant du narrateur, vers le milieu du texte : " Et voici que je suis venu ! " Le « retour » au « pays " est assurément un retour à soi par la mémoire.

Le poème, par son oralité, qul doit sans doute beaucoup aux contes tradi­ tionnels des « quimboise urs » dont le récita nt semb le l'héritier, s'apparente en outre au genre épique, qu i jou e sur la répétition -anaphores, parallélismes syntaxiques et rythmiques, invoca­ tions et apostrophes.

C'est ainsi que la première partie du texte est scandée, dès la premiè re ligne, par le leitmotiv « Au bout du petit matin ...

"• qui struc­ ture les paragraphes et relan ce l'indi · gnation.

Cette cellule thématique, à son tour, engend re des séquences avec lesquelles elle se combine (" cette ville inerte ...

,., "cette foule criarde ...

», etc.) selon le principe musical de la varia­ tion : le poème tout entier se construit ainsi sur des parad igmes fixes qui se déclinent à travers la variation des sub­ stantifs et, sur tout, des adjectifs ("cette foule criarde "• « cette étrange foule •, " cette foule désolée » ).

La récurrence des énumérations, du «et» biblique et, surtout, des infinitifs, comme le gofit prononcé pour les mots rare s, emprun­ tés à la botaniqu e, à la géologie ou à la. »

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