Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust

Contre Sainte-Beuve, essai critique de Marcel Proust (publié en 1954). Les articles qui le constituent ont un double intérêt : ils permettent d'abord de saisir le cheminement et la maturation de la Recherche (dont ils contiennent des épisodes — Venise, Balbec, coucher de Combray, poésie des noms,

les « deux côtés » —, et des personnages

— Félicie est l'esquisse de Françoise, comme M. de Quercy celle de Charlus

— essentiels) ; ils ont ensuite une portée critique capitale (ils mettent en œuvre notamment les deux épisodes de « la tasse de thé » et des « pavés inégaux » : le début et la fin de la Recherche}. Anticipant curieusement les termes du grand débat universitaire nourri autour de Lanson entre la critique et l'histoire, Proust attaque la méthode d'« explication » fondée sur la relation nécessaire entre l'homme et l'œuvre, et sur l'affirmation implicite que le travail d'écrivain n'est jamais qu'une occupation parmi d'autres possibles. Soutenant au contraire que l'œuvre littéraire n'a rien ou pas grand-chose à faire avec le moi social et qu'écrire consiste d'abord à faire taire en soi toutes les paroles étrangères, Proust montre que l'« histoire naturelle littéraire » conduit, au pire, aux commérages, au mieux, à la méconnaissance absolue de la nature véritable de l'art. Ouvrage critique, le Contre Sainte-Beuve s'achève en roman, comme le roman du Temps perdu trouvera son aboutissement dans la réflexion esthétique du Temps retrouvé.