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CRATYLE, ou De la justesse des noms de Platon (exposé de l’oeuvre)

Publié le 20/09/2018

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Socrate discute avec Hermogène et Cra-tyle sur la justesse des noms. En termes saussuriens, la question est de savoir si le signe linguistique est arbitraire. Cratyle défend l’idée d’une valeur objective des noms, tandis qu’Hermogène propose de n’y voir qu’une convention. Dans une première partie, Socrate combat la thèse convention-naliste à partir d’une analyse détaillée des éléments du langage; mais la seconde partie du dialogue nuance la thèse de Cratyle.

 

On a pu voir dans le Cratyle un simple divertissement de Platon, jouant à singer le mode d’argumentation sophistique.

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Cratyle, le [Platon] - fiche de lecture. 1 PRÉSENTATION Cratyle, le [Platon] , traité de Platon, écrit vers 385 av.

J.-C. C’est, semble-t-il, peu de temps après la fondation de l’Académie que Platon rédige ce traité sur la justesse des noms. Placé sous le vocable de Cratyle, philosophe héraclitéen dont Platon fut l’élève, ce dialogue relève du genre philosophique dit logique. Pour ce faire, Platon fait intervenir ex abrupto Socrate dans un débat qui oppose Cratyle et Hermogène.

Ce dernier, en sophiste amateur, lui résume les thèses en présence : son interlocuteur prétend en effet que les noms sont des imitations ou des représentations conformes aux choses par nature, quand lui-même incline à penser qu’ils le sont par convention.

Or, il semble que ce duel discursif se soit interrompu au moment où Socrate apparaît ; en effet, ajoute Hermogène, à la question de savoir si les noms de Cratyle et de Socrate correspondent aux personnes ainsi désignées, Cratyle a répondu affirmativement ; en revanche, et à son grand désarroi, il vient de déclarer : « ton nom n’est pas Hermogène, même si tout le monde t’appelle ainsi ». 2 LA QUESTION DES NOMS : NATURE OU CONVENTION ? Ce quiproquo dont le sens tient à un jeu de mots, explique la structure singulière du dialogue.

Il se compose de deux actes quantitativement assez disproportionnés ; en outre, les deuxième et troisième quarts de l’ouvrage sont essentiellement consacrés à des spéculations étymologiques plus ou moins fantaisistes ; seul un helléniste confirmé serait en mesure d’en apprécier l’ironie.

Hermogène, en effet, signifie littéralement issu de la lignée d’Hermès ; du nom de ce dieu ubiquitaire qui assure le contact, le passage ou la transition entre les hommes et les dieux, la veille et le sommeil, le lointain et le proche, etc.

À ce titre, c’est le dieu des voyageurs, commerçants et autres orateurs.

Il en va tout autrement d’Hermogène : on le sait pauvre (malgré un père et un frère très riches) et dépourvu de cette mobilité physique et mentale qu’exige l’art oratoire qui faisait la fortune matérielle des sophistes ; tel, par exemple, ce Prodicos de Kéos dont Socrate évoque, d’entrée de jeu, les leçons « à cinquante drachmes ». Ce faisant, Platon soulève la question des noms en termes discursifs, mais la pose également en dramaturge.

C’est par un subterfuge que Socrate est identifié à mots couverts avec Hermès, par opposition à Hermogène qui, effectivement, ne doit son nom qu’aux conventions.

De fait, Socrate semble adopter le parti de Cratyle.

Consentant dans le dernier quart du texte à rompre son silence, ce dernier se propose de le prendre éventuellement pour disciple ! C’est que, grâce à la longue digression étymologique et à proprement parler hermétique qui a précédé, Socrate lui aura prouvé par sa virtuosité et son érudition en matière onomastique, phonétique et grammatologique, que la question des noms méritait d’être posée ; et ce, en compagnie de Cratyle le taciturne, pour qui les choses sont à ce point affectées d’un mouvement perpétuel qu’à peine nommées les voilà déjà changées ; aussi, rapporte Aristote, préférait-il se taire ou tout au plus s’exprimer par gestes. 3 LES NOMS ET L’ESSENCE DES CHOSES Socrate peut donc reprendre la discussion, en récapitulant les conclusions auxquelles il était parvenu avec Hermogène.

De même que le nom de ce dernier est le fait d’une usurpation, Socrate démontre la préséance de l’imitation fondée sur la nature plutôt que sur la culture (ou les coutumes).

Mais, imiter ou peindre ne suffit pas en soi ; encore faut-il bien l’effectuer, car « les choses belles sont difficiles ».

En réfutant au passage le relativisme de Protagoras et d’Euthydème, on divisera donc les noms bien imités de ceux qui le sont mal, comme on distingue les hommes de bien des méchants.

Comment ? Par leurs actes.

Or, parler puis nommer, c’est également agir.

Et quel est, dans l’ordre du langage, le moyen propre à cette discrimination ? C’est le mot.

C’est là un outil comparable à la navette dans le métier à tisser.

Il permet de séparer les fils de trame et de chaîne, comme on « tisse » un discours en désignant les choses par leurs noms et en les enseignant.

Mais, de même qu’il faut accorder sa parole à ses actes, encore reste-t-il à distinguer le bon enseignement des sophismes.

Dès lors, à quel artisan s’en remettre pour procéder à la « réparation » des mots, puisque leur état présent est comparable à une navette brisée ? Il faut, répond alors Socrate, avoir recours à un législateur, comme le tisserand en appelle au menuisier pour refaire son outil.

Car, tout comme ce dernier, le nomothète a les yeux tournés vers le modèle immuable, la forme ou l’essence de tel ou tel mot.

Il est donc seul apte à reproduire les noms justes mais également beaux.

En effet, les auteurs anciens des noms les ont établis « d’après l’idée que tout est dans un mouvement et un flux perpétuels » ; mais il se pourrait qu’il en soit autrement, et « que ce soit eux-mêmes qui, tombés dans une sorte de tourbillon, y soient confondus et nous tirent [...] avec eux ».

Autrement dit, sous-entend Platon, ils furent de mauvais artisans : il ne faut pas confondre Hermès et Hermogène, Socrate et Cratyle, non plus que les choses et leur essence. Au terme de cette série ascendante de divisions où, en vertu d’une finalité « artisanale », chaque terme sélectionné est divisé par lui-même, Platon esquisse le portrait idéal du législateur que distingue une compétence spécifique : c’est un onomatothète (savoir) doublé d’un onomatothurge (faire).

C’est pourquoi à l’alternative initiale culture / nature, il substitue en somme celle qui oppose la bonne reproduction (de l’Idée) à la mauvaise représentation (image) de l’essence, en tant qu’elle doit être l’objet d’un savoir-faire exemplaire : la dialectique.

Ce faisant, Platon en appelle à une véritable réforme du langage, à l’occasion de laquelle le bon reproducteur (des Idées) sera concurrencé par les mauvais ou les faux représentants (de l’opinion).

La limite du nom correct n’est donc pas le « bruit sans signification » évoqué par Cratyle qui rejette dans les ténèbres extérieures les vocables erronés car, pour le dialecticien (ou nomothète), la ressemblance intrinsèque du nom (Hermès) n’est pas la similitude extrinsèque du nom (Hermogène). L’alternative ne se situe donc jamais entre le nom et l’innommable, ni d’ailleurs entre l’essence et l’apparence, l’intelligible et le sensible ou le Savoir et le Faire, mais réside pour ainsi dire, dans l’affrontement ou l’ agonie (du grec agon, « lutte ») du nom (selon l’Idée) et des noms (selon la nature). « Faut-il partir de l’image [...] et apprendre la vérité dont elle est l’image, ou de la vérité pour la connaître en elle-même, et voir en même temps si son image a été bien exécutée ? » demande finalement Socrate.

« C’est de la vérité, selon moi, qu’il faut partir », convient Cratyle.

Autrement dit, la limite d’un nom n’est pas une chose (ou une personne) envisagée d’un point de vue extrinsèque à son essence, mais son impertinence intrinsèque au regard de celle-ci ; inversement, la limite d’une chose n’est pas un nom considéré du point de vue intrinsèque à son essence, mais son attribution (ou son exécution) extrinsèque par rapport à celle-ci.

C’est pourquoi, « il n’est guère sage de s’en remettre aux mots du soin de soi-même et de son âme », conclut Socrate, à l’issue de ce dialogue où Platon laisse entrevoir pour la première fois, « comme en rêve », sa théorie des Idées. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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