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Daphné d'Alfred de Vigny

Publié le 27/06/2011

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Alfred de Vigny a rêvé, toute sa vie, de donner une suite à Stello. Le Journal conserve la trace des nombreux projets qu'il échafauda, jusqu'au seuil de la mort, pour une seconde, une troisième ou une quatrième consultation du Docteur-Noir. La diversité de ces projets est à l'image de son inquiétude morale et intellectuelle. Au lendemain de Stello, son désespoir l'incline à poser le problème du suicide : c'est le temps où il médite de prendre pour héros d'une « seconde consultation « Astrolabe, « fils d'Abailard et d'Héloïse «. Vers 1837, il s'oriente dans une direction différente : il écrit Daphné, qui devait constituer le premier épisode d'un ensemble intitulé Lamuel ou Emmanuel.

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« Lamuel et qui en précisent la signification morale.Daphné se présente comme une suite de Stello.

Le jeune idéaliste et son ami le Docteur-Noir prolongent sur unautre plan, dans un nouveau récit, la conversation qu'ils ont engagée dans le précédent.

« Je sens encore laprofonde blessure des derniers mots que vous avez prononcés », déclare Stello ; mais le docteur, toujours vigilant àdétruire ses illusions, le presse de nouveau et, désignant pour la seconde fois la « multitude sans nom », il demande: « Avez-vous cru que son ostracisme perpétuel n'écrivît sur ses coquilles que les noms des poètes, des grandsécrivains et des artistes immortels ? »Le prologue, qui comporte quatre chapitres, se déroule à Paris.

Stello et le Docteur-Noir se fraient un chemin àtravers la foule de la capitale.

En considérant cette foule, ils continuent ou reprennent leur dialogue ancien : tousdeux se désolent, chacun selon son caractère, du spectacle qui leur est donné.

Un double accident attire leurattention : deux hommes sont écrasés en quelques instants ; l'un marchait en tête d'une colonne, l'autre tentait deremonter le courant ; et le Docteur-Noir commente la portée symbolique de l'aventure.Quelques instants plus tard, les deux promeneurs parviennent sur les bords de la Seine et assistent à la destructionpar des forcenés des livres et des manuscrits appartenant à la bibliothèque de l'Archevêché.

Par une ironie du sort,l'un de ces livres contient le récit de l'incendie qu'alluma jadis Omar dans la bibliothèque d'Alexandrie, car l'histoireest un perpétuel recommencement.

Pour quelques pièces d'argent, le Docteur-Noir obtient qu'on remette à soncompagnon le reste des parchemins ; puis les deux « inséparables ennemis » reprennent leur marche.Les voici au Quartier Latin, que hanta jadis Abailard amoureux.

Ils arrivent au chevet d'un jeune malade, Trivulce,dont l'esprit est échauffé par la théologie et par la mystique.

(Trivulce est évidemment, dans cette rédaction, unautre nom pour Lamuel).Dans la chambre de Trivulce, Stello médite sur un Christ poussiéreux et désolé ; mais le Docteur-Noir lui découvre lastatue d'un jeune empereur sans couronne, le flanc percé d'un javelot à l'extrémité en forme de croix, la ceintureenserrant un rouleau de papyrus sur lequel se lit le nom grec AA^NH.La partie centrale du roman est constituée par le texte que lisent ensemble, sur le papyrus enroulé à la statue,Stello et le Docteur-Noir.

Ce sont quatre lettres adressées par le marchand juif Joseph Jechaiah à Benjamin Eluld'Alexandrie, pour lui faire part des événements dont il a été le témoin.Dans la première lettre, Joseph, qui a voyagé de Perse en Syrie, conte son arrivée à Antioche.

La ville est eneffervescence ; des nazaréens (c'est-à-dire des chrétiens) donnent l'assaut à des maisons que leurs propriétairesont ornées de statues païennes.

Ces troubles sont interrompus par le passage de la cohorte impériale des hoplites.Après ce défilé, des habitants de la ville exercent leur raillerie à l'adresse de l'empereur Julien, leur conquérant ; maisla cavalerie, composée de Gaulois, qui passe peu de temps après, met fin à ces scènes pénibles.

Joseph,cependant, gagne le faubourg d'Antioche et se dirige vers le bois qui conduit à un lieu de retraite nommé Daphné : ilva voir son ami, le sage païen Libanius.

En chemin, il rencontre deux disciples de Libanius, Jean Chrysostome etBasile de Césarée.Le vieux maître accueille affectueusement ses hôtes.

Il s'alarme en songeant à son bien-aimé Julien, que lescirconstances ont jeté dans l'action publique ; puis il lève sa coupe en l'honneur de Vénus-Uranie, reine desdéesses.

La conversation est interrompue par l'arrivée de suppliants qui reçoivent l'hospitalité.

Puis Libaniusdemande à Basile de raconter dans quelles conditions il vit autrefois Julien au château de Macella, en Cappadoce,alors que le jeune prince était enfermé avec Gallus par ordre de l'empereur Constance.Basile prend donc la parole.

Il s'était rendu à Macella avec un autre disciple de Libanius, Paul de Larisse.

Entraversant Nicomédie, il entra avec son compagnon dans un temple où se déroulait une cérémonie arrienne : Julien,qui officiait comme lecteur, y exalta en termes enflammés le Logos de Platon, incarné dans le Christ ; puis l'évêqueAetius s'exprima selon la pure doctrine arrienne et entraîna les fidèles à nier la divinité du Fils ; on vit alors Juliendonner les marques du plus grand désarroi ; et Paul de Larisse se vendit comme esclave afin de l'assister.

AinsiJulien concevait le Christ comme l'incarnation de toute la sagesse antique et souffrait de voir l'arrianisme limiter sagrandeur : c'est une première étape vers le retour aux cultes païens, dont Paul va être l'instrument.Au récit de Basile succèdent quelques indications de Jean, qui, dix ans après les événements rapportés par son ami,a rencontré Julien à Athènes.

A ce moment-là, son évolution religieuse s'achevait.

Il fut nommé César, puis Auguste; depuis lors, comme le précise Libanius, il se préoccupa de restaurer les cultes païens, sans toutefois persécuter leschrétiens.Mais voici qu'arrivent à Daphné Julien lui-même et son fidèle esclave Paul de Larisse.

Ils viennent demander àLibanius les lumières de sa sagesse.

Tout d'abord, Paul de Larisse justifie l'influence qu'il a cru devoir exercer surJulien par son enthousiasme pour la sagesse païenne.

Julien l'interrompt et professe sa foi dans le Logos platonicien,dont les dieux, croit-il, procèdent tous.Le moment est venu enfin pour Libanius de prendre la parole ; et c'est, à la surprise générale, pour condamnerJulien.

Selon lui, le jeune empereur a échoué dans sa tentative pour restaurer les anciens cultes :J'ai cru quelque temps que l'on pouvait dorer les idoles et blanchir les temples, mais je vois qu'ils n'en paraissent queplus vieux [...] Si le culte nouveau est troublé et contesté dès sa naissance, le culte ancien ne l'est pas moins dansla résurrection que tu lui fais, Julien.Oui, les dieux païens sont morts ; seuls, aujourd'hui, les « barbares chrétiens » ont des croyances fraîches et fortes; à eux, à leur religion, appartient l'avenir.

Non certes que leurs dogmes soient vrais ! mais à travers ces dogmesarbitraires, ils perpétuent symboliquement l'enseignement de la sagesse éternelle.

En se heurtant à eux dansl'action, on va au devant de la défaite :Si tout le monde fait ainsi, notre trésor va périr, Julien, et tu sais ce que c'est que le trésor de Daphné : c'est l'axedu monde, c'est la sève de la terre, mon ami, c'est l'élixir de vie des hommes, distillé lentement par tous les peuplespassés pour les peuples à venir ; c'est la Morale.La vérité est semblable à une momie qui porte dans sa tête des trésors protégés par un cristal transparent ; lesdogmes sont aussi un cristal, avec leurs célestes illusions.

Le christianisme est le nouveau cristal dont le monde abesoin pour préserver les vérités éternelles ; il est appelé, pour le bien de l'humanité, à jouer un rôle historique ; les. »

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