Démosthène : Philippiques
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
Orphelin, Démosthène fut, pour ainsi dire, naturellement amené à utiliser la parole et les discours comme une arme. En effet, il fut ruiné par des tuteurs malhonnêtes, et c'est pour plaider contre eux qu'il dut apprendre, à huit ans, la rhétorique. En 322, lorsque les Macédoniens remportent la victoire sur les Athéniens, il s'empoisonne pour ne pas être livré à l'ennemi. En souvenir de Démosthène, Cicéron intitulera Philippiques les discours qu'il prononcera contre Marc Antoine entre 44 et 43 av. J.-C.
«
.------------ EXTRAITS
La néce ssité du combat
Ma première recommandation, Athéniens,
c'est de ne pas désespérer de la situation,
si mauvaise qu'elle vous paraisse.
Car,
croyez-moi, dans ce qui vous a nui le plus
dans le passé se trouve précisément ce qui
doit le plus vous rassurer
pour l'avenir .
Comment cela
? C'est que le triste état de
vos affaires tient à ce que vous n'avez rien
fait de ce
qu'il fallait.
Et en effet , si vous
aviez fait tout le nécessaire et que
la situa
tion
fût ce qu'elle est, alors il n'y aurait
aucun espoir
de la voir s'améliorer.
Après
cela,
je demande aux uns de se rappeler ce
qu'on leur a raconté , aux autres de se re
mettre dans l'esprit ce qu'ils ont vu par eux
mêmes, à tous de ne
pas oublier quelle
conduite vous avez tenue à l'époque où la
puissance des Lacédémoniens était si grande
- ce n'est pas chose bien ancienne -com
bien en ce temps votre action fut belle et op
portune , combien digne de la République ,
lorsque,
pour la défense du droit, vous
n'avez pas craint de leur faire la guerre.
Première Philippique
L'affaissement des caractères
Quelle est donc la cause de ce mal ? Car ce
n'est point par hasard ni sans une juste
cause qu'autrefois tous les Grecs avaient
tellement à cœur la liberté
et qu'ils vont
aujourd'hui à la servitude .
Non, c'est
qu'alors il y avait, Athéniens, oui, il y avait
dans l'âme de tous quelque chose qui
n'y est
plus, quelque chose qui a vaincu l'or
de la
Perse et qui faisait des Grecs un peuple
libre, quelque chose qui était invincible sur
terre et sur mer ; et c'est
la disparition de
ce quelque chose qui a tout corrompu et mis
la Grèce sens dessus dessous.
Qu'était-ce
donc
? Oh ! rien de compliqué ni de bien
savant .
C'était simplement que les hommes
salariés
par les ambitieux et les corrupteurs
de
la Grèce étaient en horreur à tous, c'était qu
'il y avait grand danger à être convaincu
de vénalité , que des châtiments terribles
punissaient ce crime et
qu'il n'y avait ni
supplication valable ni pardon .
Troisième Philippique
La décision à prendre
Vous savez trop bien, à première vue, qui
parle à pri x d'argent,
qui fait les affaires de
Philippe et qui, au contraire , veut sincère
ment votre bien -oui, mais il vous
plaît
d'accuser ces derniers de tourner la chose
en plaisanterie et en injures, afin
de ne rien
faire vous-mêmes de ce qu'il faut.
Voilà la
vérité ; je vous ai dit en toute sincérité, par
simple dévouement à votre intérêt, ce qui est
le plus salutaire ; mon discours
n'est pas
un discours de flatterie pernicieuse ni de
tromperie ,
fait pour enrichir qui le pro
nonce, mais aussi pour livrer la République
aux mains de ses en
nemis.
Décidez donc
de renoncer à vos
habitudes ou n' ac
cusez personne du
mauvais état de vos
affaires que vous
mêmes.
Quatrième
Philippique
Traduction de
M.
Croiset,
Belles-Lettres,
1976
Copie rom aine de I' Athén a Parth én os de Phidia s
NOTES DE L'ÉDITEUR
«L'éloquence était la seule arme dont
Démosthène disposât, en une démocratie
telle que la démocratie athénienne, pour
assurer le triomphe de ses idées.
Mais
l'arme se révéla excellente, dès que son
génie naturel, contrarié d'abord par certains
défauts physiques,
et peut-être aussi par la
poursuite âpre et inquiète
d'un idéal si élevé
qu'il ne pouvait être atteint du premier coup,
se fût forgé par
la réflexion et
l'exercice ...
La supériorité de Démosthène
est
d'avoir possédé ou acquis au même
degré ces deux forces (la dialectique
et la
passion) le plus souvent séparées, ou, tout
au moins, inégalement réparties
...
»
A.
Puech, Les «Philippiques » de
Démosthène , Librairie Mallottée.
« Le caractère de Démosthène se durcit au
milieu de ces conflits.
Démosthène, de
nature passionnée, semble avoir ignoré l'indulgence
et
la patience ; il garda
toujours quelque chose de tendu
et de
sombre ; la gaieté
et la plaisanterie lui
paraissaient, non seulement futiles, mais
nuisibles.
On peut voir en cela l'effet de sa
jeunesse où il a dû lutter avec acharnement
pour assurer
la reconnaissance de ses droits
et même sa vie quotidienne.
» G.
Mathieu,
Démosthène, l'homme et l' œuvre, Boivin
et Cie, 1948.
l, 2 Edim &!ia I Rome.
Musée du Vatican 3 F.-R.
R oland/ Athènes, Musée national d'archéologie DÉM OST HÈNE 02.
»
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