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DÉPÔTS DE SAVOIR & DE TECHNIQUE de Denis Roche

Publié le 10/03/2019

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technique

DÉPÔTS DE SAVOIR & DE TECHNIQUE, œuvre de Denis Roche (1980). Après une traversée critique de la poésie, qui a abouti au Mécrit, et l'expérience d'un roman limite, Louve basse, elle témoigne de la recherche d'une autre écriture, « au-delà du principe d'écriture » comme s'intitule le dernier des dix-neuf textes « déposés » dans le livre. L'au-delà s'explique de deux manières : tout d'abord aucun de ces textes n'est à proprement parler « de » Denis Roche, en ce sens que toute la matière inscrite est prélevée sur le réel, le monde écrit que nous habitons et qui nous traverse ; en second heu parce que l'opération de montage de ces fragments est à comprendre au contact d'une autre pratique dont la littérature n'a jusqu'à présent jamais véritablement tenu compte : la photographie. Les segments de réel écrit sont en effet cadrés deux fois : dans la page tout d'abord, qu'il faudrait pouvoir comparer à une planche-contact, chaque page d'un dépôt comportant exactement le même nombre de lignes ou de prises textuelles ; dans la ligne d'autre part, chaque ligne d'une planche comportant exactement le même nombre de signes, et cela indépendamment des marques censées définir les limites linguistiques dans l'énoncé-source. D'où, selon la formule de P. Muray, « une valse de phrases acéphales ». D'où, surtout, l'impression de vitesse d'exécution, et l'identification possible de la prise d'écriture à l'instantané photographique. Du réel est capté, puis scandé dans le cadre. Le sens, le récit, sont sans cesse au bord de se constituer, mais la machine se recharge, et c'est un nouveau coup. Les dépôts sont présentés dans leur ordre chronologique, et datés, ce qui permet de lire la progressive mise au point d'un ensemble

de règles intuitivement posées au départ, et leur caractère radicalement circonstanciel. La plupart de ces textes sont en effet des « portraits », le plus long et le plus significatif d'entre eux étant un autoportrait de l'auteur et de sa femme, intitulé Notre Antéfixe, qui peut aussi bien se lire comme un récit de voyage, un journal polyphonique, une traversée polyglotte de la culture occidentale, de l'opéra au roman-photo pornographique, ou, simplement, comme une histoire d'amour. Si le livre est d'autre part constamment éclairé par des notes, préfaces, fragments théoriques éclatés, il ne faut toutefois pas s'y méprendre : il s'agit bien, en définitive, de la tension du souffle : « chant général », « effort cantatoire », une poésie réinventée au-delà de « la » poésie.

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