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Dom Juan de Molière (résumé & analyse)

Publié le 25/11/2018

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Dom Juan
 
Pièce singulière que ce Dom Juan autocensuré sans doute dès la seconde représentation et retiré de l’affiche par son auteur après cinq semaines d’un indéniable succès. C’est la seule de ses grandes œuvres que Molière ne fit pas imprimer; elle ne reparut sur le théâtre dans son texte original qu’au milieu du XIXe siècle. Aujourd’hui, critiques et metteurs en scène ne cessent de la soumettre à la question afin d’arracher son secret à la plus énigmatique des créations moliéresques.
 
Synopsis. — Dom Juan, « grand seigneur méchant homme» précédé de Sganarelle son couard sermonneur de valet, vient d'arriver en une ville de Sicile sur les traces d'une nouvelle proie féminine. Mais il lui faut premièrement essuyer les imprécations de sa dernière épousée, Done Elvire, arrachée à la clôture d'un couvent (acte I). Le projet d'enlever la belle poursuivie ayant littéralement fait naufrage, le séducteur tente la conquête simultanée de deux paysannes, Mathurine et la fiancée de son sauveteur, Charlotte; il doit fuir cependant à l'annonce que douze hommes à cheval le recherchent (acte II). Dans les bois où ils ont trouvé refuge, le maître et le valet devisent : Sganarelle bafouille quelques raisonnements à prétentions providen-tialistes alors que Dom Juan affiche son impiété en essayant de faire blasphémer un pauvre. Un instant après, Dom Juan vole au secours d'un homme attaqué par trois voleurs : c'est Dom Carlos, l'un des frères d'Elvire; il s'est égaré en s'écartant de la troupe qui poursuit Dom Juan. Survient Dom Alonse, chef du groupe et autre frère d'Elvire, qui entend bien tirer vengeance immédiatement de Dom Juan; mais Dom Carlos s'y oppose au nom de la reconnaissance, accordant un délai d'une journée à l'offenseur de sa famille. Demeurés seuls, Dom Juan et Sganarelle aperçoivent entre les arbres le tombeau d'un Commandeur que Dom Juan a tué en duel six mois auparavant. Celui-ci invite la statue de sa victime à souper; stupeur : elle incline la

juan

« tête en signe d 'acquiescem ent (acte Ill).

Ce souper.

Dom Juan aura toutes les peines du monde à s'en régaler.

inter­ rompu qu'il est constamment par d'inopportunes visites : celle de M.

Dimanche son créancier.

renvoyé sous un flot de compliments; celle de Dom Louis son père.

renvoyé avec impertinence; celle de Done Elvire touchée par la grâce et qui supplie en vain son éphémère époux de songer a u salut.

Le repas va enfin commencer lorsque approche la sta tue du Commandeur; elle invi te Dom Juan à souper avec elle le lendemain (acte IV).

Derniè re métamorphose de Dom Juan.

l'hypocrisie : par une fein te conversion.

il remplit de joie son père et se déro be à la satisfaction que vient exiger Dom Carlos.

Même l'appari tion d'un spectre ne peut l'inci­ t er au repentir.

Il ne reste plus de voie qu'au châtiment : la statue du Commandeur, environnée de fracas et d'éclairs.

entraine Dom Juan dans les ablmes de la terre.

laissant au bord du gouffre Sg anare lle hurler : « Mes gagesl mes gages! »(acte V).

Dom Juan détonne dans l'ordonnance du théâtre clas­ sique, dont il brise les cadres dramatiques et idéologi­ ques.

Comédie en cinq actes certes, mais en prose; sans respect pour l'unité de temps : Je dernier acte se déroule le lendemain du quatrième; ni pour l'unité de lieu: le théâtre représente un palais dans une ville de Sicile, puis la campagne au bord de la mer, une forêt, l'appartement de Dom Juan, enfin la campagne aux portes de la ville; point non plus d'unité d'action : le hasard (ou la provi­ dence) des rencontres sur le chemin du seigneur et de son valet juxtapose les épisodes comme au long de la route picaresque.

Mais c'est surtout l'ambivalence du protagoniste qui déroute et fascine.

Alors que le Don Juan de Dorimond (1658) et de Villiers (1660) n'excitait que la répulsion en violant des paysannes, enlevant de force à un pèlerin son vêtement, frappant son propre père ou assassinant un adversaire désarmé, Je Dom Juan de Molière séduit autant qu'il scandalise.

De façon emblématique, la pièce accole la scène du pauvre, où Je cynisme se joue d'une foi héroïque, et celle du combat contre les voleurs où Dom Juan court l'épée à la main sauver Dom Carlos.

Courageux, fier, brillant, Dom Juan attire essentielle­ ment parce qu'il incarne un principe de plaisir que la réalité ne décourage jamais et auquel le moralisme adverse reconnaît que la crainte seule l'empêche de sacrifier («je m'en accommoderais assez, moi, s'il n'y avait point de mal »,avoue Sganarelle à l'acte I, scène 11).

Est-ce à dire que le « grand seigneur méchant homme » fasse preuve de cette « grandeur extraordinaire d'âme » dont Pascal (Pensées, fragment 526) crédite les êtres capables d'atteindre à l'éminence dans le mal? Dom Juan, hypocrite dès Je premier acte, ne double pas plus les héros noirs de Corneille qu'il n'annonce le surhomme nietzschéen.

Ce courtisan enrubanné ne s'exalte pas dans l'affirmation glorieusement suicidaire de sa propre transcendance, il suit seulement sa ligne de plus grande pente («j'ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m'attire>> , acte HI, scène v).

Et c'est par là qu'il donne prise au comique.

Comme M.

Dimanche qu'il interrompt sans cesse, Dom Juan est lui-même constam­ ment traversé dans ses inclinations : pourchasse-t-il une belle? c'est sa femme qu'il rencontre; va-t-il enlever 1' objet de ses feux? un coup de vent renverse sa barque; enjôle-t-il une paysanne? voilà Je fiancé de retour, et ainsi du reste.

Privé par l'hypocrisie de ce que peut comporter de sublime une quête sans conquête, Dom Juan est livré au comique d'une répétition sans conclu­ sion : le temps ferait son ridicule s'il n'indiquait assez que l'éternité fera son supplice.

BIBLIOGRAPHIE J.

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Felman, le Scandale du corps parlant: Dom Juan avec Austin ou la Séduc­ tion en deux langues, Paris, Le Seuil, 1980.. »

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