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DROIT NATUREL ET HISTOIRE, Léo Strauss

Publié le 23/09/2018

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La philosophie a commencé lorsque l’homme a découvert la nature; mais si, pour les anciens, la loi supérieure de la Nature fonde le droit, origine de l’ordre social, à l’inverse les modernes critiquent la possibilité de connaissance ou d’existence du droit naturel, qui n’est qu’un mythe métaphysique. Comparant ces deux positions, Léo Strauss décrit cette «crise du droit naturel moderne»: si l’homme domine la nature, et si seule l’Histoire exprime la réalité humaine, le droit n’est plus qu’un moment de ce processus. Mais cette perspective hégélienne est une «négation de la vie humaine»: l’homme n’a pas «d’avenir significatif et indéterminé». Aussi Strauss préfère-t-il le «conventionnalisme» de Platon, pour qui la nature est la norme, et «la recherche de ce qui est bon par nature », le but de la cité.

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Le besoin du droit naturel est aussi manifeste aujourd'hui qu'il l'a été durant des siècles et même des millénaires.

Rejeterle Droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le Droit est déterminé exclusivement par leslégislateurs et les tribunaux des différents pays.

Léo Strauss, Droit naturel et histoire.

Commentez cette citation. Dans cette citation, Léo Strauss affirme la permanence du droit naturel contre les tenants du positivisme juridique pour quiseul le droit positif est effectif.

Mais revenons sur la dialectique unissant ces deux concepts de la philosophie politique. Le droit, c'est ce qui est permis par une règle.

Encore faut-il distinguer la règle morale, intérieure à la conscience, et larègle sociale, imposée par la collectivité à tous les membres du groupe sous forme de loi écrite ou de coutume.Idéalement, le « droit positif », c'est-à-dire l'ensemble des règles (lois, usages, coutumes) en vigueur dans une société,devrait être la traduction pure et simple du « droit naturel » ou droit idéal, de ce que la conscience humaine ou la raisonreconnaît comme moralement fondé. Cependant, le droit positif n'est jamais le décret d'une raison pure et désincarnée.

Il est plutôt le fruit d'une longue suited'événements et de conditions historiques déterminées.

La définition du droit ne saurait précéder la construction d'uneréalité sociale.

C'est donc la société qui est première, et le droit peut être conçu comme l'ensemble des régulations quitend spontanément à s'imposer dans l'organisme collectif.

Chaque société a ses règlements : droit civil, droit commercial,droit pénal, etc.

Il semble difficile de déduire toutes ces lois et tous ces codes de la conscience morale subjective ou de laraison pure. On peut être tenté de considérer que le droit idéal ou naturel l'emporte sur le droit positif, et s'il se présente comme unesupra-norme destinée à normer la norme juridique positive : c'est la mission du législateur que de rapprocher le droitpositif du droit idéal ou naturel, en légiférant le regard fixé sur l'idée de juste.

Dans ce cas, il conviendrait de considérercomme illégitime, bien que légale, une loi positive injuste, cad non conforme à l'idée de juste, et de ne reconnaître depleine légitimité qu'aux lois positives effectivement conformes à la supra-norme de justice.

La loi positive ne seraitpleinement juste, légitime, disons presque juridique, que dans la mesure où elle serait une adaptation de la loi idéale ounaturelle.Elle devrait alors être respectée.

En revanche, dans l'hypothèse où la loi positive s'écarterait de la supra-norme, seposerait sérieusement la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux désobéir.

On appelle idéalisme juridique, la doctrinequi subordonne la validité de la loi positive à sa conformité à la loi idéale ou naturelle, la doctrine qui fonde le droit positifdans le droit idéal ou naturel. L'idéalisme s'expose à des objections.

On peut contester qu'il existe une Idée de juste, ou un droit naturel.

On peut faireobserver qu'à supposer l'existence de quelque chose de cet ordre, nous ne disposons pas des moyens de différencier àcoup sûr ce qui est juste de ce qui est injuste, ainsi qu'en témoigne la divergence des opinions à ce sujet.

Et l'on peutdouter de la capacité des hommes à s'accorder entre deux, dans la représentation du juste et de l'injuste.Si l'on va jusqu'au bout de ces objections, on ne arrive à la conclusion qu'il faut renoncer à évaluer le droit positif au nomd'une supra-norme idéale ou naturelle.

On accordera donc par principe la légitimité et la validité juridiques au droit positif,quel que soit son contenu.

On appelle positivisme juridique la doctrine qui justifie inconditionnellement le droit positif, etne fonde pas le droit positif sur autre chose que l'acte de son institution par une autorité compétente.Antigone, dans la tragédie de Sophocle, agit en idéaliste quand elle brave l'interdiction s'ensevelir son frère Polynice, aunom de ce qu'elle considère comme des devoirs plus fondamentaux, familiaux ou religieux.

Aristote estime qu'elle désobéità une loi particulière, au nom d'une loi plus puissante, naturelle, commune à tous et éternelle (« Rhétorique », I, 13).A l'opposé, un représentant éminent du positivisme, Kelsen estime qu'on peut certes critiquer une loi positive au nomd'une idée du juste, mais qu'il peut exister autant d'idées du juste que d'individus : il ne serait donc jamais permis deconsidérer comme non valable un élément d'une législation positive, sous peine de replonger dans le règne de l'arbitraireindividuel.Mais il faut distinguer le légalisme kelsenien, « tout ce qui n'est pas contraire au droit est licite » et le légalisme qui nes'attache qu'à la lettre de la loi, que l'on pourrait appeler le « juridisme », qui estime que « tout ce qui n'est pas contraireà la lettre de la loi est licite ».Le positivisme ne manque donc pas d'arguments. C'est pourquoi l'idée d'un « droit naturel » qui précéderait et transcenderait l'organisation collective a pu passer pour unechimère métaphysique.

Mais cette critique du droit naturel, pour répandue qu'elle soit parmi les juristes et les sociologues,est elle-même critiquable.

Nier le droit naturel, c'est nier cette exigence de justice qui est inscrite au coeur de la consciencehumaine.

Il n'est que trop vrai, d'autre part, que le système des lois écrites n'est jamais purement rationnel. Il arrive ainsi que les lois promulguées par les hommes soient injustes, notamment lorsque ces hommes se servent dudroit positif pour asseoir une tyrannie ou légaliser l'oppression illégitime d'une minorité religieuse ou ethnique.

Quelle doitêtre alors l'attitude du juste ? Si le respect de la justice comme valeur l'emporte à ses yeux sur le respect de la justicecomme institution, alors il doit, en toute logique, désobéir aux lois qui sont injustes.

Il affirme ainsi l'existence d'une normesupérieure de justice, à l'aune de laquelle chacun peut mesurer la justice légale, ou positive.

Dans l'Antigone de Sophocle,le roi Créon est juste en ce qu'il fait respecter les lois de la Cité qu'il gouverne ; mais la raison est du côté d'Antigone, quinous dit que tout homme a droit à une sépulture décente, quelle que soit la gravité de son forfait.. »

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