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« DU CONTRAT SOCIAL » DE J.J. ROUSSEAU

Publié le 06/09/2018

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rousseau
Des divers ouvrages que j'avais sur le chantier, celui que je méditais depuis longtemps, dont je m'occupais avec le plus de goût, auquel je voulais travailler toute ma vie, et qui devait, selon moi, mettre le sceau à ma répu­tation, étaient mes Institutions politiques. Il y avait treize ou quatorze ans que j'en avais conçu la première idée, lorsque étant à Venise j'avais eu quelque occasion de remarquer les défauts de ce gouvernement si vanté. Depuis lors mes vues s'étaient beaucoup étendues par l'étude historique de la morale. J'avais vu que tout tenait radicalement à la politique, et que, de quelque façon qu'on s'y prit, aucun peuple ne serait jamais que ce que la nature de son gouvernement le ferait être ; ainsi cette grande question du meilleur gouvernement possible me paraissait se réduire à celle-ci : Quelle est la nature du gouvernement propre à former le peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, le meilleur enfin, à prendre le mot dans son plus grand sens ? J'avais cru voir que cette question tenait de bien près à cette autre-ci, si même elle en était différente : Quel est le gouvernement qui, par sa nature, se tient toujours le plus près de la loi ? De là, qu'est-ce que la loi ? et une chatne de questions de cette importance. Je voyais que tout cela me menait à de grandes vérités, utiles au bonheur du genre humain, mais surtout à celui de ma patrie ...


L'ASSAUT CONTRE L'ABSOLUTISME
Il y avait treize ou quatorze ans, étant à Venise ... : c'est dans cette ville aux cour­tisanes fameuses qu'en 1743 Jean-Jacques avait reçu de la Zulietta le conseil mépri­sant : laisse les femmes et studia la matematica 1 Le passage précité nous révèle que Rousseau avait dès lors étudié non les mathématiques, mais la science politique (non sans y apporter, comme il apparaîtrait en le lisant, quelque prétention mathé­matique). Le même passage nous révèle l'ampleur du dessein initial de l'auteur du Contrat : ses Institutions politiques auraient dû balancer, dans l'esprit des contem­porains, la gloire de L'Esprit des lois. Mais un autre passage des Confessions, pour 1759, nous apprend qu'après le succès de La Nouvelle Héloïse Rousseau examina l'état de son grand ouvrage et, trouvant qu'il demandait encore plusieurs années de travail, y renonça. D'autant plus qu'il avait encore en chantier son livre sur l'édu­cation, L'Émile. Mais il résolut de tirer des Institutions politiques abandonnées ce qui pouvait se détacher, en brûlant le reste. « Et, poussant ce travail avec zèle, sans interrompre celui de L'Émile, je mis en moins de deux ans la dernière main au Contrat social. n
Ainsi ce livre célèbre ne serait qu'un fragment détaché et achevé d'une œuvre bien plus vaste, vouée à un abandon définitif. Le sous-titre en est significatif : (( Du contrat social ou Principes du droit politique. n En 1751 avait paru, sous le même intitulé Principes, etc., un livre de Burlamaqui, Génevois comme Rousseau (« J.-J. Rousseau, citoyen de Genève n : ainsi se désigne, avec orgueil, l'auteur du Contrat). Ces Principes, sur lesquels Montesquieu, comme mal à l'aise, avait glissé si rapidement, Rousseau entendait les approfondir, pour donner à l'œuvre monu­mentale qu'il méditait un portique idéologique digne d'elle. L'application des principes, en tenant un grand compte des données concrètes, Rousseau l'eût étudiée dans les livres à paraître après le Contrat, et qui n'ont jamais paru. Ne possédant que le Contrat (ainsi que, il est vrai, quelques écrits politiques de circonstance), force nous est bien de nous en contenter. Mais n'ayons garde d'oublier, comme on l'a oublié sous la Révolution et depuis, que la rigueur idéologique de ce livre ne représente pas intégra­lement le tempérament politique de Rousseau. Sur la foi du Contrat, d'ailleurs mal lu, un mythe Rousseau, désormais indestructible, s'est substitué au Rousseau réel.
 
Contrat social : après tant d'écrivains politiques, dont Hobbes et Locke n'étaient que les plus· marquants, qui avaient proposé une explication contractuelle du passage de l'état naturel à l'état social, était-il possible encore de faire œuvre originale sur un thème si rebattu ?


rousseau

« L'ASSA UT CON TRE L'ABSOLU TISME Il y avait treize ou quatorze ans, étant à Venise ...

:c' est dans cette ville aux cour­ tisanes fameuses qu'en 1743 Jean-Jacques avait reçu de la Zulietta le conseil mépri­ sant : laisse les femmes et studia la matematica ! Le passage précité nous révèle que Rousseau avait dès lors étudié non les mathématiques, mais la science politique (non sans y apporter, comme il app araîtrait en le lisant, quelque prétention mathé­ matiq ue).

Le même passage nous révèle l'ampleur du dessein initial de l'auteur du Contrat : ses Institutions politiques auraient dû balancer, dans l'esprit des contem­ porains, la gloire de L'Esprit des lois.

Mais un autre passage des Confess ions, pour 17 59, nous apprend qu'après le succès de La Nouve lle Héloïse Rousseau examina l'état de son grand ouvrage et, trouvant qu'il demandait encore plusieurs années de travail, y renonça.

D'autant plus qu'il avait encore en chantier son livre sur l'édu­ cation, L'Émile.

Mais il résolut de tirer des Institutions politiques abandonnées ce qui pouvait se détacher, en brûlant le reste.

« Et, poussant ce travail avec zèle, sans interrompre celui de L'É mile, je mis en moins de deux ans la dernière main au Contrat social.

n Ainsi ce livre célèbre ne serait qu'un fragment détaché et achevé d'une œuvre bien plus vaste, vouée à un abandon définitif.

Le sous -titre en est significatif : (( Du contrat social ou Princi pes du droit politique.

n En 1751 avait paru, sous le même intitulé Principes, etc., un livre de Burlamaqui, Génevois comme Rousseau ( « J.

-J.

Rousseau, citoyen de Genève n : ainsi se désigne, avec orgueil, l'auteur du Contrat ).

Ces Principes, sur lesquels Montesquieu, comme mal à l'aise, avait glissé si rapidement, Rousseau entendait les approfondir, pour donner à l'œuvre monu­ mentale qu'il méditait un portique idéologique digne d'elle.

L'application des principes, en tenant un grand compte des données concrètes, Rousseau l'eût étudiée dans les livres à paraître après le Contrat, et qui n'ont jamais paru.

Ne possédant que le Contrat (ainsi que, il est vrai, quelques écrits politiques de circonstance ), force nous est bien de nous en contenter.

Mais n'ayons garde d'oublier, comme on l'a oublié sous la Révolution et depuis, que la rigueur idéologique de ce livre ne représente pas intégra­ lement le tempérament politique de Rousseau.

Sur la foi du Contrat, d'ailleurs mal lu, un mythe Rousseau, désormais indestructible, s'est substitué au Rousseau réel.

Contrat social : après tant d'écrivains politiques, dont Hobbes et Locke n'étaient que les plus· marquants , qui avaient proposé une explication contractuelle du passage de l'état naturel à l'é tat social, était-il possible encore de faire œuvre originale sur un thème si rebattu ? Rousseau, selon Madame de Staël, n'a rien inventé , mais ((tout enflammé )).

C'est là une erreur.

Le Rousseau du Contrat est véritablement inventeur.

Certes il s'inspire de ses prédécesseurs, de Mach iavel (surtout celui des Discorsi) à Montesquieu.

Certes il a profondément subi l'influence de son atavisme génevois et calviniste : jamais il ne perd de vue un certain idéal constitutionnel puisé dans l'histoire de Genève, et dont, à son grand chagrin, la cité de Calvin lui paraissait s'écarter de plus en plus.

Mais tous ces éléments divers se trouvent brassés dans le cerveau puissant et compliqué de l'auteur, dans son cœur fier de plébéien, constamment blessé au contact de la société aristocratique, inégalitaire, dont les bontés lui étaient aussi insupportables que les mépris.

Le résultat en est cette grande œuvre difficile à lire, Du Contrat social, si différent de L'Esprit des lois.

Rousseau y est inférieur à Montesquieu en envergure intellectuelle , en liberté d'esprit, en sagesse politique.

Il lui est supérieur par l'e nchaî­ nement du raisonnement, l'unité de la construction.

Il est son égal par la fermeté et la beauté du style : style oratoire et nombreux, moins recherché, mais plus soutenu,. »

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