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Fiche de lecture : Paul et Virginie : les tentations de la fiction

Publié le 17/11/2018

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lecture

Elle se heurte alors au devoir de virginité, inscrit dans le nom de l’héroïne. Les contradictions sociales ne se laissent pas oublier si simplement. Elles existent dans l’île sous la forme de l’esclavage, et les autorités locales, civiles et religieuses, font exécuter l’ordre qui rappelle aux réfugiés leur appartenance à la civilisation. La fuite idyllique ne consomme pas la rupture avec la culture.

 

Les deux enfants, confondus durant leur prime jeunesse comme les gémeaux mythiques, sont séparés par l’interdit de l’inceste et la culpabilisation de la sexualité. Les cocotiers plantés à leur naissance s’enlacent. La nature, qui les pénètre de ses odeurs, de ses couleurs et de ses bruissements, semble inviter à l’accouplement, mais elle énonce également la loi sociale. A l'éveil pubertaire de Virginie répond en écho l’ouragan dévastateur. Le départ pour l’Europe suspend momentanément le problème. L’ouragan final, la pudeur de l’héroïne et sa disparition permettent de l’évacuer définitivement.

Paul et Virginie : les tentations de la fiction

 

Le succès de Paul et Virginie tient peut-être à une cohérence interne qui lui permet d’échapper à l’impossible système décrit précédemment. Une première version, intitulée Histoire de Mlle Virginie de La Tour, nous est connue sous forme manuscrite. Elle aide à suivre le travail de l’écrivain, qui surveille son style, hésite sur les dates, transforme les noms avant de s’arrêter au texte que nous connaissons. Le titre définitif établit entre les héros un parallélisme qui constitue le principe d’organisation du livre. Entre les mères passe la différence sociale : d’origine aristocratique, Mme de La Tour a un nom, la plébéienne Marguerite n’a qu'un prénom. Les deux enfants tentent de recréer l’égalité entre eux. La symétrie des deux fautes originelles, le mariage des deux domestiques, tout laisse attendre l’union des jeunes gens.

lecture

« Elle se heurte alors au devoir de virginité, inscrit dans le nom de 1' héroïne .

Les contradictions sociales ne se lais­ sent pas oublier si simplement .

Elles existent dans l'île sous la form e de l'es cla v age, et les autorités locales, civiles et religieuses, font exécuter l'ordre qui rappe lle aux réfugiés leur appartenance à la civilisation.

La fuite id ylliqu e ne consomme pas la rupture av ec la cu lture .

Les deux enfants, confondus durant leur prime jeu­ nesse comme les gémeaux mythiques, sont séparés par l'interdit de l'inceste et la culpabilisation de la sexualité.

Les cocotiers plantés à leur naissance s'enlacent.

La nature, qui les pénètre de ses odeurs, de ses couleurs et de ses bruissements, semble inviter à l'accouplement, mais elle énonce également la loi sociale.

A l'éveil pubertaire de Virginie répond en écho l'ouragan dévasta­ teur.

Le départ pour l'Europe suspend momentanément le problème.

L'ouragan final, la pudeur de l'héroïne et sa disparition permettent de J'évacuer définitivement.

Synopsis.

-Le narrateur rencontre dans une plaine protégée de l'île de France un vieillard qui lui raconte l'his­ toire de Paul et de Virginie, enfants de deux femmes ayant fui le désho nn eu r dans la colonie.

Une existence paisible devrait assurer le bonheur de cette microsociété.

Mais Vir­ ginie est rappelée en Europe par une riche parente qui lui promet richesse et considération.

Sous la pression du gouverneur et du prêtre, elle ré pon d à cette invitation, mais elle ne peut s'adapter à la vie européenne.

Sur le chemin du retour, au rnoment d'aborder dans l'île, elle est prise par l a te m pête .

P utôt que de se déshabiller et de se jeter à l 'ea u, elle préfère som brer .

sous les yeux de Paul.

Le vieil­ lard entreprer d la consolation du jeune homme.

mais la mort emporte Paul ainsi que les mères des deux jeunes ge ns.

Ces effets de symétrie fondent la structure du livre.

Les interventions du narrateur à la première personne le divisent en deux parties.

La première décrit avec lenteur une vie heureuse faite pour durer, dans un décor exotique chatoyant et protecteur.

La seconde réintroduit le temps drama tique dans J'espace utopique .

Les transgressions qui avaient fait quitter l'Europe aux deux femmes ne sont pas réa%umées.

L'échec final désigne J'aporie, l'impossibilité de concilier nature et cultu re , cri tiq ue des injustices sociales et respect de l'ordre.

L'apologie de la pudeur et de :.'o béissance a permis d'utiliser Paul et Virginie comme un livre pieux, mais, à considérer com­ bien l'oppression sociale y est destructrice et mortifère, on ne peut réduire le récit à cette morale édifiante.

Le secret de Virginie n'est pas celui d' Atala .

L'édulcoration moralisante explique les réactions d'humeur comme celle d'Étiemble décrétant Paul et Virginie «un des livres les plus médiocres et les plus lus de la littérature fr anç aise ».

Le critique était plus inspiré quand il rappro­ chait Saint- Pierre et Sade, dont les dates coïncident à quelques années près.

Le bourgeois enrichi et 1' aristo­ crate appauvri marquent l'achèvement des Lumières, ils mènent à sa limite l'idée de nature et en révèlent les violences.

La mise à mort de Virgini e n'est que l'envers de celle de Ju�tine, et la béatification saint-sulpicienne de Bernardin l'envers de la condamnation sulfureuse du marquis.

BIBLIOGRAPHIE Les œ uv re s com plètes ne sont accessibles que dans J'édition en 12 volumes établie au début du xtx< siècle par J'exécuteur testamentaire de Bernardin, Aim é Martin.

et suivie par les 4 volumes de la ..: orre spo nd an ce .

On dis po se d'une édition criti­ que de Pa�/ et Virginie, par Pierre Trahard (Garnier, 1964).

revue par Edo uar d Guitton, Paris, Bordas, 1989.

Elle repro d uit le texte de 1788 a in si qu'un grand nom bre d'indications sur la version manuscnte, sur les rééditions de 1789 et 1806 et sur l'accueil critique.

On peut compléter ce dossier par l'Édition critique du manuscrit intitulé Histoire de M11' Virginie de La Tour assurée par Marie-Thérèse Vey re nc (Paris, Niz e t.

1975).

En format de poche, le texte a été pré senté par R.

Mauzi (Gar­ n ie r- Fla m ma rio n .

1966).

Le texte de 1789 a été préféré par É do u ar d Guitton pour la lu x ueu se collection des >, Fables de la personne.

Pour une histoire de la subjectivité, Paris, P.U.F., 1985.

Adaptations.- Le succès de Paul er Virginie a do nné naissance à tout un imaginaire social qui se manifeste par la vogue des deux prénom s, une mode dans la peintu re et les arts décoratifs, les imitations.

Tl a été entretenu par le nombre des rééditions.

Gr azie lla, la Vér on iq ue du Curé de campagne, Emma Bovary, re prése ntées penc hée s sur Je roman de Bernardin.

en portent t ém oig na ge.

Un cœur simple de Flaubert est tout entier traversé par le souvenir de Paul et Virginie.

Depuis la comédie dialoguée p ar Favières et mise en musique par Kreutzer en 1791 jusqu'à l ' o péra -co miq u e de Rad ig u et et Cocteau (1920), on compte une trentaine d'ad ap tat io ns à la scène.

La plu s connue est l' op éra de Barbier et Carré, su r une musi qu e de Massé (1876).

Plu sie urs d'entre elles pla quen t un dénouement heureux sur le récit pour dé sam orc er le scandale causé par le sp ec ta c le des « infortunes de la vertu ».

Le cinéma, la télévision et le roman-photo n'ont pas m anq u é, au xx< siècle, d'exploiter l'œuvre de Bern a.rd in .

Celte réception est étudiée par Hinrich Hudde.

Bernardin de Saint­ Pierre, Paul er Virginie, Studien zwn Roman und seiner Wirkung, Munic'h, 1975.. »

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