Devoir de Philosophie

Gîtes

Publié le 08/04/2013

Extrait du document

Né en 1914, Julio Cortâzar vécut en France de 1951 à sa mort, en 1984. Cependant, il a situé le plus souvent ses récits en Argentine, son pays d'origine. Peut-être la dictature avec ses lois et son organisation répressives explique-t-elle la prédilection de l'auteur de Gîtes pour la nouvelle fantastique où le désordre et le fantasme l'emportent sur la loi. Gîtes, recueil contenant les principales nouvelles du recueil intitulé Bestiario en espagnol, fut traduit en français en 1968. Cortâzar réunit en 1976 toutes ses nouvelles en trois volumes: Rites, Jeux et Passages, titres indiquant l'existence d 'une autre réalité à laquelle nous introduit l'écriture.

« -------- EXTRAITS Dans Maison occupée, la maison d'un frère et d 'une sœur est prise d'assaut par des êtres inconnus Cela se passa presque de la même façon que la première fois mais les conséquences furent tout autres.J'ai souvent soif le soir et avant de nous coucher je disais à Irène que j'allais à la cuisine chercher un verre d'eau.

J'étais sur le pas de la porte de sa chambre (elle tricotait) quand j'entendis du bruit dans la cuisine, dans la cuisin e ou dans la salle de bains, l'angle du couloir estompait les bruits .

Irène, surprise de me voir m' ar­ rêter brusquement, s'approcha.

Nous res­ tâmes un instant immobiles à écouter; il n'y avait pas de doute possible, les bruits venaient, cette fois, de ce côté- ci de la porte de chêne, de la cuisine ou de la salle de bains, peut-être même du couloir qui menait à notre chambre.

Révélation de l'existence d'une autre réalité (La Fanfare) lei, le récit de Lucio devient assez malaisé à transcrire .( ...

) Jusque-là, c'é tait une série d'anomalies isolées qui l'avait préoccup é : le programme mensonger, les spectateurs inattendus , l'orchestre illusoire dont la plus grande partie était truqu ée, le faux défilé , et lui-même , engagé dans une histoire qui ne le concernait pas.

Et soudain il lui sembla comprendre tout cela en des termes qui dé­ passaient infiniment l'événement lui-même.

Il sentit confusément qu'il lui avait été donné de voir enfin la réalité.

( ...

) Il cessa d 'éprouver comme un icandale d'être en­ touré d'él é m en ts qui n'étai ent pas à leur place, car, ayant pris conscie nce d'un monde différent , il comprit que ce tte vision pouvait s'étendre à la rue, à la Calera, à son complet bleu marine, à son emploi de la soirée, à son bureau demain matin, à sa décision de faire des économies, à ses vacances d'été, à son amie, à sa vieillesse, à l'heur e de sa mort.

Dans Bestiaire, Isabelle, dont le désir de tuer René vient de se matérialiser par l'intermédiaire d'un tigre, feint l'indifférence Elle regarda soudain Rema puis s'en détourna en co up de vent pour se replonger obstinément dans la contemplation des escargots, si absorbée par ce spectacle qu 'elle ne bougea pas.

Au premier hurle­ ment de René, tout le monde se précipitait et elle regardait toujours fixement les escargots comme si elle n'eût pas davantage entendu le nouveau cri étouffé de René, les grands coups que Louis donnait dans la porte de la bibliothèque , l'arrivée de don Roberto avec les chiens, les gémissements de Ren é mêlés aux aboiements furieux et Louis qui répétait : « Mais puisqu'il était dans son bureau ! Elle a dit qu'il était dans son bureau ! » Elle restait toujours penchée sur les escargots, les escargots minces comme des doigts , co mme les doigts peut­ ê tre de Rema.

Traduit par Laure Guille­ Bataillon, Gallimard, 1990 « Il n'y avait pas de doute possible, les bruits provenaient, cette fois, de ce côté-ci de la porte de chêne, de la cuisine ou de la salle de bains.

» NOTES DE L'ÉDITEUR «Ce qui nous importe ici, c'est( ...

) la rupture avec deux ordres de valeur s étroitement liés.

D'une part, le rationalisme dans la version appauvrie qu'en a donnée l'Occident jusqu 'à Marx et Freud: c'est­ à-dire replié sur lui-même et fermé tant à la contradiction qu'aux pouvoirs de l 'analogie et de l'imaginaire.

D'autre part, l'individualisme qui n'a plus sa place dans un monde où rien n'a, pour soi-même, de sens si ce n'est dans la relation.

» Alain Sicard, « Homo ludens: l'homme en jeu », in L' Arc, Paris, 1980.

« Le narcissisme rend aléatoire toute communication, ce qui pervertit , lorsqu'elle existe, toute ébauche de vie sentimentale ou sexuelle.

De là l'ombre d'inceste ou d'androgynie qui plane sur les relations du Minotaure et d'Ariane, du frère et de la sœur de Maison occupée, de Rema et de René dans Bestiaire ou des deux personnages de Cépha l ée.

L'autre n'est accepté que comme le reflet de soi-même (La Lointain e, Récit s ur un fond d'eau, Une Fleur jaune), n'es t qu'une variante de l'e nfermement sur soi.» Jean Andreu, « Personnage , lecteur , auteur « Si pour l'auteur le conte est un moyen d'exorciser ses propres " névroses, cauchemars et hallucinations" , c'est aussi "une présence hallucinante qui s'installe dè s les premières phrases pour fasciner le lecteur, lui faire perdre contact d 'avec la pâle réalité environnante, l'immerger dans un autre réel, plus intense, plus impérieux ".

» Claude Fell, citant Algunos aspectas del c u ento de Juiio Cortazar, in L' Arc, Paris, 1980 .

-Distanciation et engagement cortazariens »,in L' Arc, Pari s, 1980.

1 A.P.P.M.

2, 3 peintures de Cré monin , Marseille , Musée Canlini / Gi raudon CORTAZAR02. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles