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Hécate ET SES CHIENS. Récit de Paul Morand (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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Hécate ET SES CHIENS. Récit de Paul Morand (1888-1976), publié à Paris chez Flammarion en 1954.

 

Au sortir de l’inspection des Finances, Spitzgartner, un homme de trente ans, arrive dans un pays d’Afrique comme directeur d’une banque. Il fait la connaissance de Clotilde, qui devient sa maîtresse. Tous deux mènent une vie de chasse, de farniente et de liberté sensuelle (chap. 1-20). À partir du jour de la fête du Mouton, le narrateur commence à nourrir le soupçon que Clotilde lui cache quelque chose. Dans le but de la posséder plus complètement il décide de consacrer une semaine entière à l’amour physique. Mais Clotilde lui demeure étrangère. Un jour, elle parle dans son sommeil ; un autre jour, au cinéma, elle se pâme devant une scène jouée par de jeunes enfants (21-30). Le narrateur décide de la surveiller. La folie et la dépravation de Clotilde lui deviennent de plus en plus évidentes. Mais s’agit-il de fantasmes ou de souvenirs ? Aurait-elle assouvi ses désirs pervers avec de jeunes enfants ?... L’enquête de Spitzgartner n’aboutissant à rien, il propose à Clotilde de partager avec elle ces plaisirs qui le fascinent Devant son refus, il s’enfonce seul dans un dévoiement méthodique calqué sur celui qu'il prête à sa maîtresse. Finalement contraint d’accepter sa mutation en Chine, de peur d’être gravement compromis, il se retrouve seul. Clotilde ne l’a pas suivi (31-61 ). Là-bas il rencontre le mari de celle-ci, lui aussi marqué par la souillure ; et lorsqu'il revoit Clotilde, bien des années plus tard à New York, il comprend qu’il a eu affaire à la déesse Hécate (62-68).

 

Paul Morand, que les Nuits (19221923) et surtout l'Europe galante (1925) avaient déjà doté d'une solide réputation d'auteur de livres « à ne pas mettre entre toutes les mains », va cette fois beaucoup plus loin par le caractère extrêmement scabreux de son sujet. « La vague d'érotisme a commencé à ce moment-là. Il nous a semblé intéressant d'étudier les rapports de l'érotisme et de l'imagination », déclare l'auteur dans un entretien avec P.-A. Boutang. Les caractères antagonistes des deux personnages - lui, naïf, puritain, peu expérimenté ; elle, qu'on suppose rouée malgré son apparence trop effacée - laissent envisager le traditionnel récit d'une initiation au vice. Cependant tel n'est pas le cas. Spitzgartner, dans sa quête désespérée d'une Clotilde qui lui refuse justement l'initiation qu'il réclame, tombe dans tous les excès d'un « dégoût » dont il devient dépendant (« La chaleur du cerveau de Clotilde commença à gagner le mien »), et finit par souhaiter la mort de sa persécutrice. Que le compor-

tement de Clotilde soit justifié par des « instincts d'animalité », une « âme animale » ou, sur un mode plus freudien, par « un monde de pensers comprimés », c'est ici l'histoire d'une possession davantage que d'une initiation. Le narrateur se livre à la pédophi-lie, qu'il attribue sans preuve à Clotilde, en zélateur de la déesse Hécate.

 

À cette expérience « difficile à décrire » (et pour cause), Morand a voulu donner une forme inaccoutumée. « Les très courts chapitres sont autant de petits coups frappés sur le cercueil de l'amour », dit-il joliment dans un entretien avec Michel Déon. Ils favorisent la lecture d'un trait de cette longue nouvelle, et scandent fortement l'action en la découpant en courtes unités. Certes la vitesse reste au cœur des préoccupations stylistiques de Morand, mais la brièveté extrême des chapitres (certains font une seule ligne) ne signifie pas que les pauses de réflexion et d'interrogation soient absentes. Elles sont au contraire fort nombreuses. Dans sa Préface aux *Dames galantes de Brantôme, publiée en 1962, Morand définit sa conception de l'érotisme comme simple et concise évocation. Il s'oppose par là radicalement à l'esthétique d'un roman comme Histoire d'O, de Pauline Réage, paru la même année, où l'on ne sait que dévoiler quand il faudrait faire deviner.

 

Ainsi, la narration à la première personne (Histoire d'O est écrit à la troisième personne) ne permet-elle pas de décider si cette « profanation de l'enfance » dont serait coupable Clotilde a réellement eu lieu. Les contradictions du narrateur sont nombreuses ; il agit « sans jamais qu'on sache, ni qu'il sache lui-même, si elle a rêvé ce qu'elle a dit, ni si elle l'a fait », dira Morand.

morand

« but de la posséder plus complètement, il décide de consacrer une semaine entière à l'amour phy­ sique.

Mais Clotilde lui demeure étrangère.

Un jour, elle parle dans son sommeil ; un autre jour, au cinéma, elle se pâme devant une scène jouée par de jeunes enfants (21 -30).

Le narrateur décide de la surveiller.

La folie et la dépravation de Ootilde lui deviennent de plus en plus éviden­ tes.

Mais s'agit-il de fantasmes ou de souvenirs? Aurait-elle assouvi ses désirs pervers avec de jeu­ nes enfants?...

L'enquête de Spitzgartner n'abou­ tissant à rien, il propose à Clotilde de partager avec elle ces plaisirs qui le fascinent Devant son refus, il s'enfonce seul dans un dévoiement méthodique calqué sur celui qu'il prête à sa maî­ tresse.

Finalement contraint d'accepter sa muta­ tion en Chine, de peur d'être gravement compromis, il se retrouve seul.

Clotilde ne l'a pas suivi (31-61 ).

Là-bas il rencontre le mari de celle­ ci, lui aussi marqué par la souillure ; et lorsqu'il revoit Clotilde, bien des années plus tard à New Yorl>, va cette fois beaucoup plus loin par le caractère extrêmement scabreux de son sujet.

« La vague d'érotisme a commencé à ce moment-là.

Il nous a semblé intéres­ sant d'étudier les rapports de l'érotisme et de l'imagination », déclare l'auteur dans un entretien avec P.-A.

Boutang.

Les caractères antagonistes des deux personnages -lui, naïf, puritain, peu expérimenté; elle, qu'on suppose rouée malgré son apparence trop effa­ cée -laissent envisager le traditionnel récit d'une initiation au vice.

Cepen­ dant tel n'est pas le cas.

Spitzgartner, dans sa quête désespérée d'une Clo­ tilde qui lui refuse justement l'initia­ tion qu'il réclame, tombe dans tous les excès d'un > dont il devient dépendant («La chaleur du cerveau de Clotilde commença à gagner le mien>>), et finit par souhaiter la mort de sa persécutrice.

Que le compor- tement de Clotilde soit justifié par des «instincts d'animalité», une «âme animale >> ou, sur un mode plus freu­ dien, par " un monde de pensers comprimés», c'est ici l'histoire d'une possession davantage que d'une initia­ tion.

Le narrateur se livre à la pédophi­ lie, qu'il attribue sans preuve à Clo­ tilde, en zélateur de la déesse Hécate.

À cette expérience « difficile à décrire>> (et pour cause), Morand a voulu donner une forme inaccoutu­ mée.

« Les très courts chapitres sont autant de petits coups frappés sur le cercueil de l'amour>>, dit-il joliment dans un entretien avec Michel Déon.

Ils favorisent la lecture d'un trait de cette longue nouvelle, et scandent for­ tement l'action en la découpant en courtes unités.

Certes la vitesse reste au cœur des préoccupations stylistiques de Morand, mais la brièveté extrême des chapitres (certains font une seule ligne) ne signifie pas que les pauses de réflexion et d'interrogation soient absentes.

Elles sont au contraire fort nombreuses.

Dans sa Préface aux *Dames galantes de Brantôme, publiée en 1962, Morand définit sa conception de l'érotisme comme simple et concise évocation.

Il s'oppose par là radicale­ ment à l'esthétique d'un roman comme Histoire d'O, de Pauline Réage, paru la même année, où l'on ne sait que dévoiler quand il faudrait faire deviner.

Ainsi, la narration à la première per­ sonne (Histoire d'O est écrit à la troi­ sième personne) ne permet-elle pas de décider si cette «profanation de l'en­ fance » dont serait coupable Clotilde a réellement eu lieu.

Les contradictions du narrateur sont nombreuses ; il agit .

«sans jamais qu'on sache, ni qu'il sache lui-même, si elle a rêvé ce qu'elle a dit, ni si elle l'a fait >>, dira Morand.

Comme il lui faut « une initiation complète, coûte que coûte >>, son juge­ ment et sa narration deviennent émi-. »

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