Devoir de Philosophie

Julie ou la Nouvelle Héloïse (résumé & analyse) de Rousseau

Publié le 29/11/2018

Extrait du document

rousseau

Julie ou la Nouvelle Héloïse

 

Louis Althusser conclut son étude sur le Contrat social en suggérant que les apories de la théorie débouchent sur la fiction par un « transfert de l’impossible solution théorique dans l’autre de la théorie, la littérature ». Rousseau lui-même vérifie l’hypothèse quand il entreprend une suite romanesque de l'Émile. Emile et Sophie ou les Solitaires (posth., 1780) se présente comme l’ébauche d’un roman épistolaire qui aurait mis les jeunes gens idéalement éduqués à l’épreuve du réel. La fiction joue le rôle d’expérience imaginaire. L’œuvre majeure que Rousseau mène à son terme dans cette voie est un monumental roman où se retrouve l'ensemble de sa pensée, sinon l’ensemble de la pensée des Lumières. Julie connaît un immense succès à travers l’Europe et dans des couches diverses de la population. Les marquises communient dans les larmes avec leurs soubrettes sur les malheurs de Julie et de Saint-Preux. Si les deux Discours, le Contrat ou l'Émile sont destinés à des milieux restreints, le roman touche un public bien plus large.

 

Le lecteur virtuel tel que le supposent les deux préfaces successives est un être corrompu par la société mais qui conserve un fond inexploité de bonté. Il lui faut donc ces divertissements artificiels que sont les romans ou les spectacles consommés par les citadins, mais, grâce au style de Rousseau, l’instrument de corruption peut devenir œuvre morale. Le plan général du roman s’organise selon cette perspective. A l’histoire des amours illégitimes de Julie et de Saint-Preux succède l'histoire conjugale de Julie et de Wolmar, et à la passion orageuse des jeunes gens le calme constructif d’un couple autour duquel gravite toute une communauté.

 

Synopsis. — Un jeune plébéien, Saint-Preux, tombe amoureux de son élève, Julie, fille du baron d'Étanges. Les interdits sociaux n'empêchent pas une liaison entre eux sous l'œil complice de la cousine de Julie. Claire. Mais à l'exemple de celle-ci, qui épouse M. d’Orbe, Julie doit accepter M. ce Wolmar, imposé par son père. Saint-Preux, fou de douleur, trouve un directeur moral dans la personne de Milord Édauard Bomston, qui l'engage à s'éloigner : il part faire le tour du monde. A son retour, quelques années plus tard, il est invité par M. et Mme de Wolmar à se joindre à eux. Il découvre avec ravissement la communauté de Clarens, mais les contradictions ne tardent pas à reparaître, et l'amour mal bridé des anciens amants à renaître. Il est temps pour Julie de mourir.

 

Une telle tension entre la description complaisante des passions et la peinture moralisante de sentiments « redressés » selon l’ordre détermine la topologie romanesque. Les bords du lac Léman, marqués pour l’auteur par tant de souvenirs, acquièrent une dimension symbolique. Ils représentent un monde provincial à l’écart des modes, comme le soulignent les lettres par lesquelles Saint-Preux rend compte à Julie de son séjour parisien. Ils sont modelés par le lac, métaphore des océans que parcourt le héros avec l'amiral Anson, dans le silence central qui sépare la troisième partie de la quatrième. Cette métaphore fait de Clarens une île semblable aux terres lointaines et solitaires visitées par Saint-Preux,

 

une « île du bout du monde » selon la formule de Michel Butor. Les lieux sont aussi marqués par la proximité de la montagne, l’altitude étant une image de la distance prise par rapport au monde, selon une opposition qui a fait composer à Rousseau les Lettres écrites de la montagne en réponse aux Lettres écrites de la campagne de Tronchin. Le choix de Clarens établit un équilibre entre la brumeuse Angleterre d’où vient Milord Édouard Bomston et une Italie ensoleillée où celui-ci connaît de tumultueuses amours avec une

rousseau

« principal du roman, d'un point de vue philosophique, est peut-être celui du déterminisme, de ce que Rousseau nommait le« matérialisme du sage».

Jusqu'où les senti­ ments des êtres sont-ils conditionnés par l'habitude et le cadre extérieur? L'organisation minutieuse de Clarens peut-elle faire taire toute revendication chez les domesti­ ques et paysans et transmuer une passion en une amitié épurée? La Nouvelle Héloùe expose un rêve de clarté et de communion, mais le refoulement de la sexualité et des contradictions sociales en faü une transparence à sens unique, dominée par la figu re paternelle de Wolmar, «œil vivant».

BiBLIOGRAPHIE Le roman est analysé par W.

Mead qui insiste sur le modèle r oma nesqu e anglais (Rousseau ou le romancier enchafné, P.U.F., 1966).

par J.-L.

Lecercle qui étudie la dimension romanesque dans l'ensemble de l'œuvre rousseauiste, du premier Discours aux Confessions (Rousseau er l'art du roman, Colin, 1969) et par F.

van Laere qui s'attache au sens de la durée et du deve nir (Une lecture du temps dans la Nouvelle Héloïse, Neuchâtel, La Baconnière, 1968).

L'a cc ue il du roman a été étudié par C.

Labrosse (Ure au xvur' siècle.

La Nouvelle Héloïse et ses lec­ teurs, P.U.

Lyon et C.N.R.S., 1985).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles