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Julien GRACQ: Le Rivage des Syrtes

Publié le 22/02/2012

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Cet ouvrage a obtenu le Prix Goncours en 1951. L'auteur refusera le prix. Julien Gracq de son vrai nom Louis Poirier est professeur d'un lycée parisien où il enseigne non la littérature mais l'histoire !
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« coïncider avec cet acte qui concentre les énergies du pouvoir vieillissant.

« Un Etat ne meurt pas, ce n'est qu'uneforme qui se défait.

» Décor en décomposition, Orsenna se remet en jeu et en mouvement : son honneur exige derépondre à l'invasion du territoire par les troupes du Farghestan.

C'est la guerre. Commentaire de l'oeuvre « Libérer l'esprit de l'Histoire »Le Rivage des Syrtes dénonce l'illusion de ceux qui imaginent pouvoir gloser sur un arrêt de l'Histoire, une stagnationde l'événementiel dans un vieillissement pérenne et une stagnation égrotante.

Laissons la parole à l'auteur :« Ce que j'ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage des Syrtes, plutôt qu'à raconter une histoireintemporelle.

c'est à libérer l'« esprit-de-l'Histoire », au sens où on parle d'esprit-de-vin, et à le raffinersuffisamment pour qu'il pût s'enflammer au contact de l'imagination.

Il y a dans l'Histoire un sortilège embusqué, unélément qui, quoique mêlé à une masse considérable d'excipient inerte, a la vertu de griser.

» (En lisant, Enécrivant)Au-delà des apparences, il convient d'identifier la marche de l'Histoire.

Celle-ci est conçue comme l'accomplissementde ce qui préexiste dans le cœur de l'homme.

Dans Le Déclin de l'Occident, Spengler faisait de Faust le hérosmoderne.

De même, Gracq pense que l'Histoire avance quand on transgresse l'ordre.

Aldo incarne la puissance de lajeunesse portée par une mystique du pouvoir activée par Danielo.Orsenna représente une civilisation en pleine décadence : parvenue au sommet, elle aspire à descendre, pourrions-nous dire en parodiant une formule célèbre.

Orsenna enfante Aldo dans un ultime spasme par lequel la moribonderenaît en détruisant.« Le Rivage des Syrtes, jusqu'au dernier chapitre, marchait au canon vers une bataille navale qui ne fut jamaislivrée.

» (Julien Gracq, Lettrines)Autrement dit, à mi-chemin entre le roman gothique et l'esthétique surréaliste, Le Rivage des Syrtes est un romaninitiatique.

Le personnage principal prend conscience de sa fonction dans un jeu qui le dépasse.

La narration leréduit à l'état de pantin manipulé par des forces historiques qui le traversent et le dirigent.

Alors que la Nadja deBreton identifie des signes occultes, Aldo se sent poussé par une force obscure qui désire pour lui la transgression,qui le pousse vers le centre mystique de son initiation et le provoque à agir.

Le récit développe une sorte de spiraleen mouvement dont le centre est constitué par la Révélation. L'avènement du SensOn a beaucoup comparé Le Rivage des Syrtes (1951) et Le Désert des Tartares (1940, traduction française 1949)de l'Italien Dino Buzzati.

Les critiques se sont même efforcés de déterminer l'antériorité de l'un des romans parrapport à l'autre et des traductions l'une par rapport à l'autre pour départager les auteurs tant leurs symboliquesleur paraissaient semblables.

Or, le sens des deux oeuvres est différent en dépit des rapprochements légitimes quejustifie une analogie apparente des motifs littéraires.Le héros de Buzzati passe toute sa vie dans une forteresse, à la frontière désertique du pays.

Il attendl'accomplissement de sa destinée d'une attaque des Tartares, autrement dit d'un retour du refoulé.

Au dénouement,vieilli, il ne peut participer à l'action et se meurt.

Ce roman témoigne de la hantise de l'absurde qui obsède un auteurconfronté au non-sens de l'existence et dévoré par la peur de « rater » son destin.Bien au contraire, le roman de Gracq met en récit la marche de l'Histoire : au travers de la déliquescence d'Orsennase lit en filigrane le réveil d'un mécanisme engourdi.

Prenant acte de la catastrophe historique qui mena à laSeconde Guerre mondiale, le roman met en forme l'accès au sens, il s'ouvre vers une Révélation.

Dans Le Désert desTartares, l'homme affronte un déterminisme auquel il demeure, à jamais, étranger.

Dans Le Rivage des Syrtess'impose la causalité organique de la décomposition dont Aldo catalyse les efflorescences diffuses.L'accès au sens détermine le mode de narration et jusqu'à la typographie du texte.

Remarquons l'usage constant del'italique.

En utilisant cet artifice graphique, Gracq désigne à son lecteur un double niveau de signification.

Lenarrateur souligne les expressions importantes qui constituent autant d'indices pour la Révélation finale.Réfléchissant au rôle qu'il a joué, à l'instar de toutes les âmes noires, de tous les individus qui déclenchent le drame,il remarque :« Plus étroitement tissus à la substance même de tout un peuple que s'ils en étaient l'ombre projetée, ils sontvraiment ses âmes damnées; la terreur à demi religieuse qui les fait plus grands que nature tient à la révélation dontils sont le véhicule, qu'à chaque instant un condensateur peut intervenir à travers lequel des millions de désirs éparset inavoués s'objectivent monstrueusement en volonté.

»Le lecteur doit donc comprendre que les événements s'organisent en fonction d'un sens caché.Au début du roman, Aldo fait partie de la jeunesse dorée d'Orsenna, tout le désigne à accomplir une haute fonctiondans une seigneurie obsolète.

Mais il rompt avec un premier enchantement : le vide de son existence lui apparaîtavec une évidence si violente qu'il croit ses yeux dessillés alors qu'au dénouement, son destin se scelle dès l'instantoù il s'imagine agir.Observateur d'Orsenna, il semble participer de la puissance suprême, incarnant l'oeil de Dieu.

Or, une lecturerétrospective du roman montre bien qu'il est un regard mis sous observation attentive, couvé par Danielo.

Enapparence, Aldo est évincé de la capitale, expulsé dans son exil lointain.

Mais c'est précisément à cet instant qu'ils'individualise en sortant du rang.

Mais il ne s'affirme pas pour autant comme individu puisqu'il subit un déterminismedont les lois obscures lui échappent.Il se rend compte, peu à peu, que loin de se libérer, il obéit à une force qui le guide de près.

Rédigé à la premièrepersonne, par un Aldo mûri, le récit retrace donc a posteriori son aventure pour mieux en dégager la signification : le. »

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