L' Ane d'or ou les Métamorphoses
Publié le 07/04/2013
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L'Ane d'or appartient au genre de la « prose milésienne «,c'est-à-dire des contes plaisants, de ton très libre et volontiers cyniques. La tradition des « milésiennes « commence avec Aristide de Milet et se perpétue jusqu'à Pétrone. Apulée (125-180 ?) a beaucoup écrit: des essais techniques, des opuscules philosophiques d'inspiration platonicienne, des oeuvres oratoires ... L'Ane d'or, son chefd'oeuvre, est une libre adaptation du récit de Lucius de Patras et de celui de Lucien de Samosate, Lucius ou l'Ane.
«
~------- EXTRAITS
Vénus exhorte violemment son fils
à mettre fin à son idylle
«C'est du joli, dit-elle, et cela va bien avec
notre naissance, et ta bonne conduite habi-
tuelle !
Tu corn-
mences
par traiter
par-dessous la
jambe les ordres de
ta mère, que dis-je,
de ta souveraine,
tu n'infliges
pas à
I~ mon ennemie la
Ill ~~~~;::s ~~~:~~;:,
· .....
f ..
ff.f.-ff.t.tf:t . f.f.f.
..
t:ft-tn.
·t(:'\# un enfant de ton
âge, qui t'unis à elle
par des étreintes cou « ( ••• ) souffrez que l'on montre les cadavres des pables et trop précoces, et cela, sans doute,
morts afin qu'en
contemplant, et leur beauté et leur jeunesse,
votre juste indignation
s'accroisse encore ...
»
pour que je doive accepter, comme bru, la
fille que je déteste.
Mais tu crois donc, vau
rien, séducteur, répugnant personnage, que
tu es seul capable d'avoir des enfants, et que
moi,
je suis trop vieille pour concevoir ?
Sache bien que j'aurai un autre fils, bien
plus sage que toi, et même, pour te rendre
l'affront plus sensible ,
·que j'adopterai l'un
de mes petits esclaves et que
je lui donnerai
tes ailes, tes flammes, ton arc, et ces flèches,
aussi, et tout ce matériel qui m'appartient
et que
je ne t'avais pas confié pour que tu
en fisses cet usage
!
Devenu âne savant pour le plaisir d'un
seigneur, Lucius est convoité amoureu
sement par une riche dame qui s'offre à
lui : une scène comique et érotique
Alors, la dame, après avoir enlevé abso
lument tous ses vêtements
et même la
bande
d'étoffe qui enserrait sa remar
quable poitrine, debout, près de
la lumière,
s' oignit longuement d'une huile
parfumée
contenue dans un flacon d'étain ; ensuite,
elle
m'en frotta généreusement et avec plus
de soin encore qu'elle-même, allant jusqu'à en
inonder mes naseaux.
Sur ce, elle se mit
à m'embrasser tendrement, non pas à
m' ap
pliquer, de-ci, de-là, de petits baisers,
comme font, dans les bordels, les putains en
quête de sous
et les clients de passage
avares de leurs écus, non, des baisers vrais
et authentiques, des baisers complets, avec
des mots pleins de
tendresse: « Jet' aime »,
et« je te désire », et « c'est toi seul que je
veux», et« sans toi, je ne peux plus vivre »,
et tout ce que disent les femmes pour séduire
les hommes et leur prouver leurs propres
sentiments ; puis elle me prend
par la bride
et me fait, sans aucune peine, coucher
comme on
me/' avait appris, car je n'avais
pas l'impression d'avoir à faire quelque
chose de bien nouveau ni de bien difficile,
surtout lorsqu'il s'agissait, après si long
temps, de tomber dans les bras d'une femme
aussi belle et aussi pleine de désir.
L'apparition d'Isis
D'abord, une chevelure très fournie, très
longue,
et roulée en bandeaux lâches, flot
tait librement sur son cou divin et se répan
dait en boucles.
Une couronne à l'aspect
changeant et tressée de fleurs variées en
tourait le sommet de sa tête : en son milieu,
au-dessus du front, un
disque plat, en forme de
miroir, ou
plutôt une
image de
la lune, irradiait
une lumière blanche ; à
droite et à gauche, il était
soutenu
par les spires
de deux vipères dressées
et, au-dessus, encore, se
trouvait une couche
d'épis de Cérès.
Sa tu
nique, aux reflets moirés, tissée de lin ténu,
était tantôt blanche
et lumineuse , tantôt
jaune comme
la fleur de safran, tantôt rou
geoyante comme flamme.
« A mes pieds, à mes
mains, les cinq doigts se confondent et s'enfer
ment en un sabot ;
du bas de l'échine
il me
sort une longue queue,
ma face s'allonge,
ma bouche
se fend,
mes narines s'écartent
et mes lèvres devien
nent pendantes ; mes
oreilles
se dressent dans
une proportion
démesurée.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR sente comme un récit de facture très libre
qui reflète la personnalité de son auteur :
«Manq ue de cohésion, variété d'inspira
tion, mélange indéfinissable de sérieux et de
frivolité, de mysticisme et de libertinage, de
dévotion et d'irrévérence, tout Apulée est là
( ...
) avec ses brusques
contrastes et cette in
discipline d'esprit qui, tout compte fait, ne
le sert pas trop mal et dont il a
l'air de
s'amuser le premier.
Conforme aux lois du
genre, l'œuvre est, en outre, ici, à l'image
de l'homme.
»
Paul Vallette, Apulée:
Un spécialiste de la littérature latine définit
le style
d' Apulée dans L' Ane d'or:
Les avantages de la métamorphose de
Lucius en âne :
«Pour lui, c'est une expérience qui lui a
fait étudier et connaître les humains.
Pour
observer les replis secrets de la vie quoti
dienne, l'état d'âne est très avantageux!
Nul ne se gène devant lui, chacun se
découvre à tout
propos.
» Mikhaïl Bakhtine,
Esthétique et Théorie du Roman,
Gallimard, 1978.
L' Ane d'or ou les Métamorphose se pré-
Les Métamorphoses (introduction), Les
Belles-Lettres, 1972.
« Apulée offre a tout instant des modèles du
réalisme le plus sain et le plus prenant ;
sa langue descriptive est
d'une onctuosité
incroyable : artificielle et cherchée, elle est
pourtant , à l'ordinaire, singulièrement
expressive.
Comparée à celle de Pétrone,
elle révèle l'effort de tout un siècle vers la
"prose d'art ", délices des raffinés.
»
Jean Bayet ,
La Littérature latine,
Armand Colin, 1965.
1 Saint Augustin et Apulée (à droite en rouge) in La Cité des Dieux, enluminure du XV*, Bib.
Sainte Geneviève/ Giraudon 2, 3, 4, 5 grav.
d'a près A.
Racinet et Pierre Benard, Ub.
Firmin-Didot, 1872 APULÉE02.
»
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