La Câlineuse de Hugues Rebell
Publié le 06/04/2013
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Hugues Rebell est le pseudonyme de Georges Grassa! (1867-1905). Né à Nantes, héritier d'une fortune confortable, il finira ses jours précocement, dans la solitude et la pauvreté. Dans ses écrits, très en vogue au tournant du siècle, il affirme son culte élitaire de l'énergie, exaltant l'homme fort qui brule son destin en s'abandonnant à l'appel du sang et à un érotisme parfois meurtrier. Son roman La Câlineuse est paru en 1899.
«
r--------- EXTRAITS
Le début de l'obses sion
L'idée de Juliette s'est glissée en moi; elle
occupe ma pensée, délicieuse
et irritante
comme le baiser d'une bouche lorsque le
corps se refuse ou se dérobe.
Je vois la jeune
femme devant mes yeux ;
je pourrais croire
qu'elle est à mon côté, et
je me demande
si
je la rencontrai jamais.
Les soupçons
s'évanouissent,
et aussi le souvenir des
violences, des injures que
j'ai surprises.
Pourquoi
la fair ? Il me semble à présent
que
c'est un acte de courage tout à fait
inutile.
Et cependant je n'arrête point la
voiture,
je presse le cocher : j'ai peur de
Juliette et de moi-même.
Ivre de sensualité
Sans arrière-pensée, sans comédie, simple
comme son corps qui
n'avait plus que sa
propre beauté, elle
fat mienne et je connus
une autre femme.
Le lit l'avait rendue à elle
même.
Sans presque y songer, je goûtais à toutes
les jouissances.
J'étais si transporté de
bonheur ! Alors les sens ne semblent rien
garder
pour eux-mêmes, ils se dévouent
à une ivresse unique.
J'ignore les grâces
secrètes que
je couvris de baisers.
J'ignore
ce qui me charme davantage dans son joli
corps.formé pour les caresses.
Je ne voyais
rien, et
je ne voyais qu'elle.
Il y a une souffrance exquise dans ce désir
de toujours se joindre davantage, de vouloir
étouffer deux souffles
en unissant nos lèvres.
On prend, on donne en même temps.
Une
égalité parfaite règne entre les amants :
l'Amour seul est maître.
Tous les malheurs qui me sont arrivés plus
tard ne m'ont pas fait oublier cet après-midi
d'automne où Juliette s'offrit d'un cœur si
ingénu.
La corruption qui menace les objets
les plus chèrement aimés, où déjà viennent
se fondre
et s'abîmer tant de grâce, n'a
point souillé ces souvenirs.
Ils conservent leur
frais éclat, pareils à l'image
qu'un
peintre a laissée d'un bouquet, et qui survit
aux fleurs.
La dernière liaison
de
Paul et Juliette
-C'est vraiment.fini? demandai-je.
-
Ah ! vous ne voudriez pas que ça durât
jusqu'à
la fin du monde, n'est-ce pas ? Au
commencement, on eût pensé qu'ils étaient
partis
pour ne plus
revenir.
Quel béguin!
mes amis.
On ne se
quittait
pas ; on se
baisait dans les coins
et devant le monde.
Ç'en était scanda
leux.
Avec ça, ils
menaient l'existence
dans les grands prix.
Un hôtel, une rou
lantè, ma chère ! et
un train de maison
comme on n'en avait
pas sous l'Empire.
La fortune à Roth
schild
n'y aurait pas
suffi.
Ils vous dépen
saient l'argent com
me s'ils l'avaient
volé, que ça faisait
mal au cœur aux
pauv 'gens.
Lui eût
joué jusqu'à sa peau,
et madame se serait
plutôt privée de brif
fer pour se payer une
liquette avec de
la dentelle.
Quand elle sor
tait
pour une emplette, elle ramenait le
Louvre dans sa voiture.
Voulait-elle acheter
des croquenots, elle se
fourrait des
traîneuses avec du
point d'Alençon, du
Chantilly ! est-ce que
je sais ? Rien n'était
trop beau pour son cul.
«Vous devez penser,
mon cher, dit-elle,
que lorsqu'une femme
se donn e à un homme,
c'est une faveur
qu'elle lui fait et elle
attend qu'il apprécie
le cadeau.,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Le roman, ce n'est pas sans regret qu'on
se sert de ce mot qui jure avec un livre si
profondément humain, le livre tout entier
est marqué, imprégné de cet accent qui se
ressent de
la peine d'amour, qui en est tout
dolent, tout alangui, émouvant comme une
voix qui se serait fêlée, blessée, à force
d'avoir trop supplié.
Cet accent-là ne
Rebella dû la vivre en partie, de même
que l'abbé Prévost celle à laquelle il dut
de survivre.
» Auriant, préface de
l'on saisit au vif des frissons qui sont des
aveux.
» Hubert Juin, postface de La
Câlineuse, Christian Bourgois, 1978.
s' imite pas, ne se simule pas, on ne le
parodie pas, ou alors
il faut y reconnaître le
comble de l'art.
Cette histoire d'amour,
La Câlineuse, Christian Bourgois, 1978.
« La Câlineuse est un roman de mœurs.
C'est également, on l'a dit, un roman à clé.
( ...
)Ce qu'il y a d'incontestable, dans
La Câlineuse, c'est que La Câlineuse
est labourée, traversée, travaillée par le
vécu.( ...
) C'est, dans la production
" aristocratique " et volontairement
" froide " de Rebell, le seul ouvrage où
« L'œuvre de Rebell romancier est tout
entière imprégnée
d'une sensualité qu'il
serait inexact de dire dévoyée, étant donné
que la cruauté n'est pas moins naturelle à
l'espèce humaine que la patience ou
l'esprit de soumission.
Ce qui est
particulier à Rebell,
c'est le caractère
obsédant de son érotisme.
» Pascal Pia,
Magazine Littéraire, septembre 1978.
1 Hugues Rebell par Félix Vallotton I coll.
Viollet 2 tableau de P.
Bonnard , Musée nat.
d• Art moderne/ Lauros-Giraudon 3 tableau de P.
Bonnard, musée d'Orsay/ Giraudon REBELL02.
»
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