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LA POLITIQUE TIRÉE DE L'ÉCRITURE SAINTE DE BOSSUET

Publié le 06/09/2018

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bossuet

Bossuet fut précepteur du Dauphin de 1670 à 1679. Il se voua à sa tâche comme à un sacerdoce national. Il renouvela complètement, à l'âge de quarante-trois ans, sa propre culture en matière profane, afin de se mettre en état de composer lui-même pour son élève les ouvrages pédagogiques nécessaires. La Politique, ainsi que le Discours sur l'Histoire universelle, constituent les deux plus célèbres de ces ouvrages. La même conception auguste et réconfortante les inspire, celle du gouvernement de la Providence. Il n'y a point de hasard dans la . marche des choses humaines ; la fortune - cette divinité aveugle de Machiavel - << n'est qu'un mot, qui n'a aucun sens „. La Providence gouverne les hommes et les États, non pas d'une façon vague et générale, mais très particulièrement : véritable « dirigisme divin ». Plus que la voix de Bossuet, c'est celle de Dieu lui-même que le Dauphin va écouter en lisant la Politique, puisque celle-ci est tirée des propres paroles de l'Écriture.

 

Au vrai, la Politique comprend en tout dix livres, et les six premiers seuls ont été destinés à l'éducation du Dauphin. Ils furent terminés en 1679 - l'année même où allait se clore, le fils de Louis XIV ayant dix-sept ans, cette mémorable (et plutôt décevante) éducation de prince. Bossuet avait estimé que ces six premiers livres, qui contiennent presque tout l'essentiel, pouvaient suffire à l'instruction politique de son élève. Au cours des années suivantes, pressé par ses amis de poursuivre et de terminer l'ouvrage, l'auteur fut constamment interrompu par d'autres soucis plus impérieux. En 1700, il annonçait qu'il allait << reprendre la Politique pour y mettre la dernière main ». En 1701, il disait avoir fort augmenté son livre depuis plusieurs mois, mais sans en avoir revu la première partie << qui était faite depuis vingt-deux ans ». En 1703, il déclarait qu'il voulait pour la dernière fois revoir sa Politique, en y travaillant toutes les matinées. Mais bientôt - en 1704 - la mort l'emportait. Il avait eu le temps d'ajouter quatre livres à cet ouvrage pour lequel il éprouvait une sorte de prédilection, mais non de rédiger un « Abrégé et conclusion de ce Discours )), C'est son neveu, l'abbé Bossuet, qui publia la Politique en 1709, avec une conclusion empruntée à saint Augustin, s'adressant dans la Cité de Dieu aux empereurs chrétiens.

Nous sommes, semble-t-il, plongés dans l'Ancien Testament. Mais le titre de l'article premier : « l'homme est fait pour vivre en société », nous apporte l'écho direct d'Aristote. Dieu a créé les hommes naturellement sociables ; ils doivent s'aimer les uns les autres pour l'amour de Dieu ; ils sont tous frères ; l'intérêt même les unit : « Voyez comme les forces se multiplient par la société et le secours mutuel. »

Or l'on sait que Hobbes voyait, dans l'affirmation d'Aristote sur l'homme « fait pour vivre en société », une stupidité. L'homme était, pour l'auteur du Léviathan, naturellement intraitable et insociable. Bossuet a-t-il donc choisi, contre la thèse de Hobbes, celle d'Aristote ? Non pas. Mais, parti d'Aristote, il va, par le biais du péché originel, aboutir à Hobbes et aux hommes « naturellement loups les uns aux autres », puis, de là, à la nécessité du gouvernement. En effet, nous dit-il, la société humaine, établie par tant de << sacrés liens », a été violée et détruite par les passions. La division, qui s'était mise d'abord (Abel tué par Caïn) dans la famille du premier homme pour le punir de s'être séparé de Dieu, a gagné le genre humain. Toute foi, toute sûreté ont disparu des hommes dominés par leurs passions et par les intérêts divers qui en naissaient. Ils sont devenus intraitables, << incompatibles par leurs humeurs différentes », insociables. Dès lors ils ne pouvaient plus être unis, à moins que de se soumettre tous ensemble à un même gouvernement << qui les réglât tous ». Seule l'autorité de ce gouvernement était à même de faire renoncer chaque particulier au < droit primitif de la nature » d'occuper par force ce qui lui convenait. Ainsi a été fondé le droit de propriété. << Et en général tout droit doit venir de l'autorité publique sans qu'il soit permis de rien envahir ni de rien attenter par la force. » Chaque parti­culier, d'ailleurs, << y gagne », retrouvant dans la personne du souverain plus de force qu'il n'en avait renoncé à son profit : < Toute la force de la nation réunie ensemble pour [le] secourir. »

 

Est-il rien qui résume plus énergiquement la pensée de Hobbes, que l'antithèse établie par Bossuet, dans les phrases suivantes, entre l'anarchie et l'autorité ? \" Où loul le monde peul faire ce qu'il veut, nul ne fait ce qu'il veut; où il n'y a point de maître, toul le monde est maître; où toul le monde est maître, toul le monde est esclave. » Telle est l'anarchie. Comparons avec l'autorité : < Au commandement de Saül et de la puissance légitime, tout Israël sortit comme un seul homme. Ils étaient quarante mille hommes, et toute cette multitude était comme un seul. Voilà quelle est l'unité d'un peuple lorsque chacun, renonçant à sa volonté, la transporte et la réunit à celle du prince. »

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« La « Politique li de Bossuet n'évo quent-elles pas le géant de Hobbes, au frontispice du Léviathan, fait d'individus agglomérés , unis en lui ? Sans doute l'idée était-elle dans l'air, et le fameux mot prêté à Louis XIV:« L'État, c'est moi», devait la traduire à merveille.

Mais la forme doctrinale précise que Hobbes lui avait donnée n'était pas ignorée en France.

A défaut du Léviathan, le De Cive et le De corpore politico avaient été traduits en français dès 16 49 (par Sorbière ).

En 1660, François Bonneau, seigneur du Verdus, ami personnel de Hobbes, publiait une traduction des deux premières parties du De Cive sous le titre : Les _gléments de la politique de Monsieur Hobbes.

Ille dédiait à Louis XIV avec cette curieuse suggestion : «J 'oserais assurer, Sire, que, s'il plaît à Votre Majesté que quelques professeurs fidèles en lisent dans vos États cette traduction ou autre meilleure, on n'y verra de tout son règne ni sédition ni révolte.

» Cet épano uissement louis-quatorzien de la monarchie absolue, de droit divin, s'est traduit dans l'histoire des idées politiques par l'œuvre que Bossuet, pour l'i nstruction du Dauphin son élève, tira «des propres paroles de l'Éc riture sainte».

* Bossuet fut précepteur du Dauphin de 1670 à 16 79.

Il se voua à sa tâche comme à un sacerdoce national.

Il renouvela complètement, à l'âge de quar ante-trois ans, sa propre culture en matière profane, afin de se mettre en état de composer lui-même pour son élève les ouvrages pédagogiques nécessaires.

La Politique, ainsi que le Discours sur l'Hi stoire universelle, constituent les deux plus célèbres de ces ouvrages.

La même conception auguste et réconf ortante les inspire, celle du gouvernement de la Providence.

Il n'y a point de hasard dans la.

marche des choses humaines ; la fortune -cette divinité aveugle de Machiav el-. »

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