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La structure du roman Gargantua

Publié le 14/01/2020

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gargantua

En reliant de la sorte des chapitres symétriques, on finit par isoler un court épisode central formé par les chapitras xu (comment le moine fait dormir Gargantua) et xlii (comment le moine donne du courage à ses compagnons). Or, dans ces deux chapitres, Frère Jean aide ses compagnons. Il fait donc preuve d’utilité, une notion majeure. La pensée humaniste qui sera au cœur du Prologue du Tiers Livre accorde en effet une place très importante à la vie en collectivité.

Les faits de structure dissimulent donc des réseaux de sens sous-jacents, porteurs de vérités profondes.

car ils considéraient que les vies de saints et les chroniques étaient truffées de mythes, de fables à dormir debout, d’invraisemblances stupides. On vient ainsi de constater que la succession chronologique des événements n’obéit en réalité qu’au caprice d’Alcofribas. C'est qu’il importe moins au chroniqueur d’enchaîner logiquement les parties de la « vie » de Gargantua que de les juxtaposer librement. Par conséquent, en établissant avec désinvolture la structure de son roman, Rabelais se moque ouvertement de son « auteur «-narrateur et de ces genres littéraires qui prétendaient à la vérité.

UNE STRUCTURE SYMÉTRIQUE

Sous ces apparences de liberté se cache un procédé subtil de composition romanesque, reposant sur un système de relations sous-jacentes.

gargantua

« au chapitre XLV (p.

316).

Au chapitre xux, Ponocrates a" péri" d'un coup d'arquebuse (p.

338) mais il réapparaît au chapitre u (p.

350).

Au chapitre XX111, Rabelais introduit « un jeune gentilhomme de Tou­ raine nommé l'escuyer Gymnaste» (p.

198), oubliant manifestement qu'il en a déjà parlé au chapitre xx111 (p.

160), etc.

D'autres faits relèvent d'une incohérence volontaire.

Par exemple, certains chapitres développent longuement des consi­ dérations étrangères à la trame principale du récit : les " Fan­ freluches antidatées ,, (chap.

11), les propos des " bienyvres ,, (chap.

v), les couleurs de la livrée du géant (chap.

1x et x), ses jeux (chap.

xx11)...

Le fil de la narration est fréquemment inter­ rompu par des considérations savantes, morales Oe discours de Grandgousier aux pèlerins, chap.

xLv), ludiques (chap.

XI et xxn) .•.

En outre, quand la chronologie des événements propres à chaque période est indiquée, elle reste en réalité de pure forme : le premier précepteur de Gargantua meurt en 1420 (chap.

xiv, p.

144) mais, durant la guerre picrocholine, une allusion à la destruction réelle du saint suaire de Chambéry, qui « brusla troys moys apres " la défense du clos de Seuilly par Frère Jean (chap.

XXVII, p.

228), situe l'action en 1532.

Cette liberté se manifeste en particulier dans la transition entre l'épisode de l'éducation et celui de la guerre.

Après un chapitre xxiv très statique où l'action ne progresse pas, mon­ trant " comment Gargantua employait le temps quand l'air estait pluvieux » (p.

206), le chapitre xxv, début du conflit, commence par cette phrase : « En cestuy temps, qui fut la saison de vendanges au commencement de automne, les bergiers de la contrée estaient à guarder les vignes ..• " (p.

212).

Le lien entre les deux périodes de la vie du géant, simplement établi grâce au connecteur temporel " en cestuy temps •>, est purement artificiel.

Certaines irrégularités deviennent embarrassantes lorsque les idées mises en œuvre par Rabelais sont suspectes d'incohérence.

Grandgousier estime, à propos de Picrochole, que, si Dieu laisse l'homme" au gouvernail de son franc arbitre et propre sens" sans le guider continuellement par sa grâce, celui-ci " ne peult estre PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 107. »

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