Le bleu du ciel
Publié le 04/04/2013
Extrait du document
«
« Une quantité de
danseuses à peu près
nues étaient
sur la piste.
»
EXTRAITS
Présentation de Dirty
Dans un bouge de quartier de Londres , dans
un lieu hétéroclite des plus sales, au sous
sol, Dirty était ivre.
Elle l'était au dernier
degré,
j'étais près d'elle (ma main avait
encore un pansement, suite d'une blessure
de verre cassé).
Ce jour-là,
Dirty avait une robe
du soir
somptueuse (mais
j'étais
mal rasé, les cheveux en
désordre).
Elle étirait ses
longues jambes, entrée
dans une convulsion vio
lente.
Le bouge était plein
d 'hommes dont les yeux
devenaient très sinistres.
Ces yeux d'hommes trou
blés faisaient penser à des
cigares éteints.
Dirty étrei
gnait ses cuisses nues à
deux mains.
Le réveil douloureux
d'un débauché
J'envoyai chercher une
bouteille
de mauvais cham
pagne.
J'en bus un verre
glacé : après quelques minutes,
je me suis
levé pour aller
vomir.
Après le vomissement,
je me suis recouché, j'étais légèrement sou
lagé, mais
la nausée ne tarda pas à revenir.
J'étais pris de tremblements et de claque
ments
de dents : j'étais évidemment malade,
je souffrais d'une façon très mauvaise.
Je
retombai dans une sorte de sommeil
affreux : toutes choses commencèrent à
se décro ch
er, des choses obscures, hide u
ses, informes, qu'absolument il aurait fallu
fixer; il n'y avait aucun moy en.
Réminiscence solaire
Je me rappelai avoir vu passer, vers deux
heures
de l'après-midi, sous un beau soleil,
à
Paris - j'étais sur le pont du Carrousel- ,
une camionnette de boucherie : les cous sans
tête des moutons écorchés dépassaient
des toiles et les blouses rayées bleu et blanc
des bouchers éclataient de propreté : la
camionnette allait lentement,
en plein soleil.
Quand j'étais enfant, j'aimais
le soleil: je
fermais les yeux et, à travers les paupières,
il était rouge.
Le soleil était terrible , il
faisait songer à une explosion : était-il rien
âe plus solaire que le sang rouge coulant ~ur
le pavé, comme si la lumière éclatait et
tuait
? Dans cette nuit opaque, je m'étais
rendu ivre
de lumière ; ainsi, de nouveau,
Lazare n'éta it devant moi qu'un oiseau
de
mauvais augure, un oiseau sale et négli
geable .
La scène du cimetière
Ces étoiles, ces bougies
étaient
par centaines en
flammes sur le sol : le sol
où s'alignait la foule des
tombes illuminées .
Je pris
Dorothea par
le bras.
Nous
étions fascinés par cet abîme
d'étoiles funèbres.
Dorothea
se rapprocha
de moi.
Longuement, elle m 'em
brassa dans la bouche.
( ...
)
Dorothea s'ouvrit,
je la
dénudai jusqu'au sexe.
Elle
même , elle me dénuda .
Nous
sommes tombés
sur le sol
meuble et
je m'enfonçai
dans son corps humide
comme une charrue bien
manœuvrée s'enfonce dans
la terre.
La terre, sous ce
corps, était ouverte comme
une tombe, son ventre nu
s'ouvrit à moi comme une
tombe fraîche.
Gallimard, 1971
/ I
« Nous étions frappés
de stupeur, faisant
l'amour au-dessus d'un cimetière étoilé.»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Francis Marmande, un critique
contemporain spécialiste de Bataille , a
consacré
un livre au Ble u du ciel : « Ce
n
'es t pas, dans Le Bleu du ciel, d'une
histoire qu'il s'agit d'abord, d'une histoire à
construire ou à relater avec son décor et ses
personnages, mais d'une parole à
nu qui
échappe sans retenue
au narrateur.
( ...
)Le
narrateur se trouve submergé, incapable de
faire
la part du réel, accablé et débordé de l
angages (
...
).
Ce qui en fait un récit à
bien des égards imprenable ,
c'est l'éga le
distance
ou l'égale proximité qu'il
maintient vis-à-vis
du rêve et de l'aveu
très cru d'une réalité ,
du fantasme et du
se ntiment aigu que
la vie est un théâtre ,
du réel et de l'imaginaire, de
la lucidité
enfin et de
la folie.
» Francis Marmande,
L'indifférence d es ruines, Éditions
Parenthèses, 1985.
personnage
qui se dépense
jusqu'à toucher
la mort à force de beuverie s, de nuit s
blanches et de couc herie
s.
» Georges
Bataille, prière d'insérer,
Le Bleu du ciel,
Gallimard, 1957.
Georges Bataille lui-même affirme :
« Un
1 Edimedia 2, 3, 4 dess ins de C lo tild e Pasq uier.
L e Livre de Pa ris, Bagn eu x, 1977
Marguerie Duras est frappée, elle, par cette
écritu re
« co ntre le langage » : « Il invente,
comme nt ne pas écrire tout en écrivant.
»
Marguerite Dura s, citée par Michel Surya
dans La Mort à l'œuv r e, Éditions Séguier,
1987 .
BATAILLE02.
»
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