Le Cocu magnifique
Publié le 05/04/2013
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Fernand Crommelynck ( 1885-1970) est né à Bruxelles, dans une fa mille de comédi ens. Le Cocu magnifique, son oeuvre la plus connue, est montée en 1920 au Théâtre de l'OEuvre, à Pari s, par Lu gné-Poe. Elle connaît un énorme succès et est jouée dans le monde entier. La mise en scène de Meyerhold à Moscou, en 1922, constitue une date majeure dans l' hi stoire du théâtre.
«
« Oui, oui, cette ligne,
entre toutes choisie,
s'incurve sans effort au
galbe du dos
ambré ...
»
~------- EXTRAITS
Au lever du rideau, Stella, innocente
maîtresse de maison, laisse éclater
sa joie amoureuse
STELLA, au serin.-(.
..
) Tu es né pour être en
cage, cette plante mise en pot,
et moi, bien
heureuse,
je suis née pour aimer Bruno !
(Elle rit.) Le Bon Dieu a-t-il voulu cela ?
Toi, tu as des fleurs, celui-ci chante, et moi,
bienheureuse, j'aime Bruno! Si tu étais
libre dans un jardin, toi sur un arbre, et moi
sans amour, qui nous conduirait ? (Oui ,
tchip ! tchip !
)
Bruno à Estrugo, confident et témoin
de ses égarements
BRUNO.
-J'étais endormi cette nuit, sous un
poids énorme, tellement que ma place était
creusée comme jamais dans la laine du
matelas ; un sommeil de montagne ! Elle a
profité de mon anéantissement pour se
gliss er hors du lit.
Par
où est-elle sortie de la maison ? Te l'a
t-elle dit
? Non ! Elle se défie aussi de toi,
elle
sait combien tu m'es attaché.
J'avais sous mon oreiller les clefs des portes
et des volets.
Elle les aurait dérobées, sans
doute, si
ma tête n'avait pas été si alourdie.
Un homme ne l'eût pas soulevée!
Sans clef, comment est-elle partie ? Ah! elle
a des inventions diaboliques.
Crois-tu
qu'unefemme puisse se métamor
phoser en souris et se cou ler sous une
porte ?
Bruno s'adresse à Stella au paroxysme
de la jalousie
BR UNO .
-Il n'y a pas d'autre solution; que
je périsse ou que je sois trompé.
Un mari
doit être cocu, inévitablement, et je veux
l'ê tre.
Il n'y a pas de rémission.
Le ridicule
et la souffrance et du doute.
Je serai instruit
de
mon infortune et je le serai le premier.
STELLA.
- Mon ami, aye z pitié de moi.
Souvenez-vous comme j'étais innocente
quand vous m'ave z connue.
J'i gnorais
même le nom des choses ...
Je suis telle
encore, car l'amour efface le péché.
BRUNO.
-Justem ent ! Je te veux impure et
moi déshonoré! Pas de compromis, je serai
cocu ce jour même ou je serai mort.
Les
cornes ou la corde .
Choisis pour moi.
STELLA, tremblante.
-Je n'aurai pas le
courage
qu'ilfaut ! C'est si vilain, un autre
homme ! Bruno, c'est une plaisanterie,
n'est-ce-pas ? Une épreuve, peut être ? Je
me recroqueville déjà ! ...
BRU o, impassible.
- Choisis pour moi, des
cornes
ou de
la corde.
Éditions -
Labor, 1987
« Esturgo, si tu
connaissais la
perfection de son corps,
ses seins paisibles, ses
longues jambes
soyeuses, tu douterais
de la difformité de son
âme!»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Crommelynck a composé son Cocu
magnifique en s'inspirantd 'Othello mais en
lui conférant
un mode de fonctionnement
expressionniste.
L'auteur lui-mêm e nous
éclaire sur cet aspect de son théâtre qui
consiste
à d émonter les mécanismes d'une
fiévreuse agitation intérieure , poussée à son
paroxy sme :" J'ai voulu refaire Othello de
Shakespeare.
Il me semblait qu 'Ot hello
était trop naïf.
..
Je prétendais que la jalousie
était
une sorte de maladie qui n'avait besoin
d'aucune espèce de ferment extérieur,
qu'elle se nourri ssait de soi-même et sans
engrais.
J'ai donc écrit
Le Cocu magnifique
qui est en réalité un immense monologue.
Car les personnages
ne sont que des échos
de son tourment intérieur.
..
".
»Fernand
Crommelynck, cité par Paul Émond dans
Le Théâtre selon Crommel ynck, forces de la
dramatisation et pouvoirs de l'équivoque.
« li est remarquable que la description par
Crommelynck de cette passion irrésisti ble
qui,
à partir de quelques premiers signes
peu inquiétants, investit totalement son
héros( ...
) peut être difficilement appréhendée
en termes de commentaires
psychologiques traditionnels.
Ce qui est
montré ici,
c'est une sorte de trajet
pulsionnel
à l' éta t brut...
Ce n'est pas tant
de l
'évocat ion d'un personnage donné
comme réel que se préoccupe d
'abord le
dramaturge que du processus même de
monom anie ...
Démarche où la pul sion est
questionnée en son essence même, plutôt
que
d'être saisie dans telle ou telle de
ses manifest ations observables dans
la" réalit é".
» Paul Émond, op.
cit.
1 Roger-V io llct 2.
3.
4 aquatint es de Picasso.
édi tion s Atelier Crommelynck.
P aris.
1968 / B .N.
CROMMELYNCK 02.
»
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