Le Corbeau de Poe
Publié le 05/04/2013
Extrait du document

Le Corbeau, poème narratif de 18 strophes, fut vendu à l' Evening Mirror pour 10 dollars et parut dans le numéro du 29 janvier 1845. Il connut un succès immédiat. En France, le poème fut traduit notamment par Baudelaire et Mallarmé ; le peintre Manet en fit des illustrations. La Lénore du Corbeau serait Jane Stith Stanard, mère d'un camarade d'enfance de Poe, que !'écrivain avait aimée adolescent : lorsqu'elle mourut, il passa plusieurs nuits couché sur sa tombe. Elle préfigure Virginia Clemm, la très jeune femme de l' écrivain, qui mourut deux ans après la publication du poème.

«
Je poussai alors le volet,
et, avec un tumultueux
battement d'ailes, entra
un majestueux corbeau
digne des anciens
jours.,.
~-------EXTRAITS
Le poète tente de calmer l'inquiétude
que provoque en lui la mystérieuse
v isite
du co rbeau, en répétant
l'expression « rien de plus »
Scrutant profondément
ces ténèbres,
je me tins
longtemps plein d'éton
nement,
de crainte, de
doute, rêvant des rêves
qu'aucun mortel
n'a
jamais osé rêver; mais
le silence
ne fut pas
troublé, et l'immobi
lité ne donna aucun
signe,
et le seul mot
proféré fut un nom
chuchoté:
« Lénore ! »
-C'était moi qui le
chuchotais, et un écho
à son tour murmura ce
mot : « Lénore ! » -
Purement cela, et rien
de plus.
Rentrant dans ma
chambre, et sentant en
moi toute mon âme
incendiée,
j'entendis bientôt un coup un
peu plus
fort que le premier.
« Sûrement,
- dis-je -sûrement,
il y a quelque chose aux
jalousies de ma fenêtre; voyons donc ce que
c'est, et explorons ce mystère.
Laissons mon
cœur se calmer un instant, et explorons ce
mystère; -c'est
le vent, et rien de plus.
Je
poussai alors le volet, et, avec un
tumultueux battement d'ailes, entra un
majestueux corbeau digne des anciens
jours.
Il ne fit pas la moindre révérence, il
ne s'arrêta pas, il n'hésita pas une minute ;
mais,
avec la mine d'un lord ou d'une
lady, il se percha au-dessus de la porte de
ma chambre ; il se percha
sur un buste
de Pallas
juste au-dessus de la porte de
ma
chambre; -il se percha, s'installa, et
rien de plus.
Dans les trois dernières strophes, le
dénouement effrayant éclate.
Le poète
est terrassé
par la figure du corbeau,
qui symbolise le désespoir
et la Mort
« Prophète ! - dis-je, -être de malheur !
oiseau ou démon ! toujours prophète !
par
ce ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que
tous deux nous adorons, dis
à cette âme
chargée de douleur si, dans le Paradis
lointain, elle pourra embrasser une fille
sainte que les anges nomment Lénore.
» Le
corbeau dit : « Jamais plus ! »
« Que cette parole soit le signal de notre
séparation, oiseau ou démon ! - hurlai-je en
me redressant.
-Rentre dans la tempête,
retourne
au rivage de
la Nuit plutonienne ; ne
laisse
pas ici une seule
plume noire comme sou
venir du mensonge que
ton âme a proféré ; lais
se ma solitude inviolée ;
quitte ce buste au-dessus
de
ma porte ; arrache
ton
bec de mon cœur
et précipite ton spectre
loin de
ma porte ! » Le
corbeau dit : » Jamais
plus!»
Et le corbeau, immuable,
est toujours installé, tou
jours installé sur
le buste
pâle de Pallas, juste au
dessus de
la porte de ma
chambre ; et ses yeux ont
toute la semblance des yeux
d'un démon
qui rêve ;
et la lumière de la lampe, en
ruisselant sur
lui, projette son ombre sur le
plancher ; et mon âme, hors du cercle de
cette ombre qui gît flottante sur
le plancher;
ne pourra plus s'élever; -jamais plus !
Traduction de Charles Baudelaire,
La Guilde du Livre, Lausanne, 1949
« Prophète ! - dis-je,
être de m alh eur ! oiseau ou démon, mais
toujours prophète ! ,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Poème singulier entre tous.
Il roule sur un
mot mystérieux et profond, terrible comme
l'infini, que des milliers de bouches
crispées ont répété depuis le commencement
des âges, et que par une triviale habitude de
désespoir plus
d'un rêveur a écrit sur le coin
de sa table pour essayer sa plume : Jamais
plus
! De cette idée, l'immensité, fécondée
par la destruction, est remplie de haut en bas,
et l'Humanité, non abrutie, accepte
volontiers l'Enfer, pour échapper au
désespoir irrémédiable contenu dans cette
parole.» Charles Baudelaire, Genèse d'un
poème,
préambule au Corbeau d'Edgar
Allan Poe,
La Guilde du Livre, Lausanne,
1949.
« La puissance véritablement dramatique du
Corbeau ne réside pas dans le regret de
l'amour à jamais perdu, mais dans le désespoir
sans bornes de
l'amour toujours
cherché et jamais atteint ; le
"Jamais plus "
que répète inlassablement l'oiseau, aussi
bien que le passé et le présent, traduit
l'avenir, sans autre issue que la mort de
celui qui ne touchera jamais l'image de ses
rêves, et qui, bientôt, lui-même, ne sera
"jamais plus ".
» Blaise Allan, Le Corbeau
d'Edgar Allan Poe, introduction, ibid.
1 coll.
Viollet 2, 3, 4, 5 gravures de G.
Doré I éd.
Harper & Brothers, New York, 1884 POE04.
»
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