Le Livre du maître Tchouang
Publié le 27/03/2013
Extrait du document
« Jadis Tchouang-tseu rêva qu'il était un papillon voltigeant et satisfait de son sort et ignorant qu'il était tchouang lui-même. Brusquement, il s'éveilla et s'aperçut avec étonnement qu' il était tchouang. Il ne sut plus si c'était tchouang rêvant qu'il était un papillon, ou un papillon rêvant qu'il était tchouang. « Toute la philosophie de Tchouang-tseu est liée à la conscience des limites humaines, idée qui l'amène à se moquer de la prétention ordinaire des « écoles « de pensée.
«
.---- ----- - EXTRAITS - ------ ~
La volonté de pouvoir
Les chevaux ont des sabots qui peuvent
fouler le givre et la neige ; ils ont un pelage
qui les protège du vent et du froid.
Ils
broutent l'herbe, boivent l'eau, lèvent leurs
pattes et sautent.
Telle est la véritable nature
des chevaux.
Ils
n'ont que faire des car
rousels et de vastes
écuries.
Un jour, Po-Io ap
parut et déclara :
« Je sais dresser les
chevaux.
» II brûla
et tordit leur poil,
rogna
et marqua
leurs sabots ;
il les
brida et les entrava,
puis
il les attacha
dans une écurie
parquetée de lits de
branches de bois.
Deux ou trois che
vaux
sur dix mou
rurent.
II les
fit
souffrir de la faim
..
..-.IM) et de la soif; il les """'--,---0-~---_::__ _ _=i fit trottiner et galo-
«J'agis selon la n ature,
sans savoir comment n i
po urquo i.,.
per; il les aligna et les disciplina ; il tortura
leur bouche
avec le mors et cingla leur
croupe avec
la cravache.
Plus de la moitié
des chevaux en succombèrent.
Les ambitions absurdes
Le K'ouei (animal fabuleux) envie le mille
pieds ; le mille-pieds envie le serpent ; le
serpent envie le vent ; le vent envie l
'œil ;
l'œil envie l'esprit.
Le K'ouei dit au mille-pieds: «Je marche
en sautillant sur un pied.
Je ne saurais donc
vous égaler.
Comment pouvez-vous vous
servir de tant de pieds ?
»
Le mille-pieds répondit: « N'avez-vous
jamais vu quelqu'un qui crache, les grosses
gouttes de salive ressemblent
à des perles,
les petites
à un brouillard, et toutes elles
retombent pêle-mêle innombrables.
J'agis selon
la nature, sans savoir comment ni
pourquoi.
»
Le mille-pieds demanda au serpent :
«Pourquoi ne puis-je moi-même, qui marche
avec tant de pieds, vous égaler en vitesse,
vous qui n'avez aucun pied?
-Comment pourrait-on changer sa nature,
répondit le serpent .
A quoi
me serviraient
des pieds ?
»
Le serpent demanda au vent : « Je marche
avec mes vertèbres et mes flancs,
j'ai donc
une figure physique.
Impétueusement vous
vous levez de
la mer du Nord et vous vous
plongez dans
la mer du Sud et pourtant vous
n'avez pas de figure.
Comment cela ?
»
- Certes , répondit le vent, je me lève
impétueusement de la
mer du Nord et me
plonge dans la mer du Sud.
Mais on me
montre du doigt etje ne puis l'empêcher;
on me foule aux pieds
et je n'y puis rien.
Cependant,
je me sens capable de briser un
grand arbre et de faire voler un grand toit.
Ainsi de beaucoup de petites défaites,
je
retire une grande victoire.
Seul le saint sait
remporter
de grandes victoires.
»
Oublier le mot, garder l 'idée
La nasse sert à prendre le poisson ; quand
le poisson est pris, oubliez
la nasse.
Le piège
sert
à capturer le lièvre ; quand le lièvre
est pris, oubliez le
piège.
La parole sert
à exprimer une idée ;
quand l'idée est sai
sie, oubliez la
pa
role.
»
Traduction de
Liou Kia-hway,
Gallimard, 1985
« La parole sert à exprimer une idée ;
quand l'idée est saisie,
o ub liez la parole.
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
Tchouang-tseu vécut vers la fin du
IVe siècle av.
J.-C.
Selon son biographe,
!'écrivain taoïste Seu-ma Ts'ien, le mépris
du philosophe pour la fonction publique,
considérée comme une entrave à
la liberté,
et les critiques
qu'il a émises contre l'école
de Confucius et celle de Mo-tseu lui ont
valu d'être ignoré des autorités politiques
et
intellectuelles de son temps.
La force et l'originalité de son œuvre ont
pourtant fait les délices du grand érudit et
amateur de littérature orientale qu'était
Étiemble :
« Quelle traduction ...
saurait
restituer
l'éclat d'une langue qui, dans
l'original, unit dans un ton sans égal
l'intuition métaphysique
et le dialogue
familier, le propos d'apparence triviale
et
la poésie éclatante -se demande cet
écrivain dans la postface
d'un livre
intitulé
La Chine .
S'il est philosophe qui vous
dégoûte
à jamais du charabia des
pédants
-c'est Tchouang-tseu.
Tout, chez
lui,
et la pensée la plus grave, et la fantaisie
la plus extravagante s'exprime avec les
mots les plus simples, les plus banals.
1, 2, 3 aquare lles de Loh Yuen Ting.
Dessain et Tolra, 19 85
Non que son vocabulaire soit pauvre :
au contraire, mais il excelle au concret,
fût-ce quand il expose la dialectique du
ceci
et du cela.» Éditions d'art Lucien
Mazenod,
1970.
TCHOUANG-TSEU 02.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- TCHEOU TSÊU K’IUAN CHOU [Le livre complet du Maître Tcheou], (résumé et analyse)
- MO KING [Le livre canonique du Maître Mo) - résumé, analyse
- Maître ECKHART : Le Livre de la consolation divine
- Fiche de lecture: Le Livre de la consolation divine de Maître Eckhart
- Les Confessions, Livre III: On donnait ce jour-là un grand dîner, où, pour la première fois, je vis avec beaucoup d'étonnement le maître d'hôtel servir l'épée au côté et le chapeau sur la tête.