Le Médecin malgré lui de Molière
Publié le 09/04/2013
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Sganarelle est un personnage que Molière a utilisé dans plusieurs oeuvres. Le public le connaît et le reconnaît dès qu'il entre en scène, grâce à son costume et à ses mimiques. Parmi les sources utilisées par Molière, il faut citer un célèbre épisode du Tiers livre (1546) de Rabelais. Au chapitre XXXIV, en effet, il est raconté l'histoire de la femme devenue muette à qui un médecin rendit la parole. Elle se mit désormais à tant parler que son mari voulut la faire taire. Son médecin le rendit sourd.
«
EXTRAITS
Jacqueline, nourrice de Lucinde,
et Lucas, son mari, trouvent Sganarelle,
le médecin réputé, qu'ils introduisent
chez leur maître
SGANARELLE.
- Est-ce là la malade ?
GÉRONTE.
- Oui, je n'ai qu'elle de fille ; et
j'aurais tous les regrets du monde si elle
venait à mourir.
SGANARELLE.
- Qu'elle s'en garde bien! il
ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance
du médecin.
GÉRONTE.
-Allons , un siège.
SGANARELLE.
- Voilà une malade qui n'est
pas tant dégoûtante, et je tiens qu'un
homme bien sains' en accommoderait assez.
GÉRO TE.
- Vous l'avez fait rire, Monsieur.
SGANARELLE.
- Tant mieux : lorsque le
médecinfait rire
le malade, c'est le meilleur
signe du monde.
Eh
bien ! de quoi est-il
question ?
qu'avez-vous?(.
..
)
Acte Il, scène IV
Sganarelle, qui ne sait quelle réponse
donner, fait
lanterner Géronte
SGANARELLE.
- Nous autres grands méde
cins, nous connaissons d'abord les choses.
Un ignorant aurait été embarrassé, et vous
eût été dire :
« C'est ceci, c'est cela » ; mais
moi,
je touche au but du premier coup, et je
vous apprends que votre fille est muette.
GÉRONTE.
- Oui ; mais je voudrais bien que
vous me pussie z dire
d'où cela vient .
SGANARELLE.
- Il n'est rien plus aisé : cela
vient de ce qu'elle a perdu
la parole.
GÉRONTE.
- Fort bien; mais la cause, s'il
vous plaît, qui fait qu'elle a perdu la
parole
?
SGANARELLE.
- Tous nos meilleurs auteurs
vous diront que
c'est l'empêchement de
l'action de sa langue.
GÉRONTE.
- Mais encore, vos sentiments sur
cet empêchement de l'action de sa langue
?
SGANARELLE.
- Aristote, là-dessus, dit ...
de
fort belles choses.
Acte II, scène IV
Tout est bien ...
LÉANDRE.
-Monsieur, je viensfaire paraître
Léandre à vos yeux,
et remettre Lucinde en
votre pouvoir.
Nous
avons eu dessein de
prendre
la fuite nous deux, et de nous aller
marier ensemble ; mais cette entreprise a
fait place à un procédé plus honnête.
Je ne
prétends point vous voler votre fille,
et ce
n'est que de votre main que je veux la rece
voir.
Ce que
je vous dirai, monsieur, c'est
que je viens tout à l'heure de recevoir
des lettres
par où j 'ap
prends que
mon oncle
est mort, et que
je suis
héritier de tous ses
biens.
GÉRONTE.
- Monsieur,
votre vertu
m'est tout à
fait considérable, et je
vous donne ma fille
avec
la plus grande joie
du monde.
SGANARELLE, à part.
-
Le médecin l'a échappé
belle!
MARTINE.
- Puisque tu
ne seras point pendu,
rends-moi grâce d'être
médecin ; car
c'est moi
qui
t'ai procuré cet
honneur.
SGANARELLE.
- Oui !
c '
est toi qui m'a pro
curé
je ne sais combien
de coups de bâton ?
LÉANDRE à Sganarelle.
- L'effet en est trop
beau
pour en garder du ressentiment.
SGANARELLE.
-Je te pardonne ces coups de
bâton en
faveur de la dignité où tu m'as
élevé : mais prépare-toi désormais à vivre
dans un grand respect avec un homme de
ma conséquence, et songe que
la colère d'un
médecin est plus à craindre
qu'on ne peut
croire.
Acte III, scène X
«Il s'appelle
Sganarelle.
Mais il est
aisé à connaître.
C'est un homme qui a une
large barbe noire , et qui porte une fraise,
avec un habit jaune et vert.»
,,
OTES D L'EDITEUR
Le 26 août 1666, soit quelques jours après
la première représentation
du Médecin
malgré
lui, Soligny note dans La Muse
de Cour : « Rien au monde n'est si plaisant
/ Ny si propre
à vous faire rire/( ...
)./
Molière, dit-on, ne l'appelle/ Qu'une petite
Bagatelle ;
/Mais cette Bagatelle est d'un
Esprit si fin/ Que s'il faut que je vous le
dise ,/ L'estime qu'on en fait est une
maladie / Qui fait que, dans
Paris, tout court
au Médecin.
»
Soligny, cité dans
Le Médecin malgré lui, commentaires,
Hachette, 1986.
Un siècle plus tard, Voltaire, dans la
présentation qu'il fait de la pièce, écrit,
avec cette verve qui le caractérise :
«Le Misanthrope était l'ouvrage d'un sage
qui écrivait pour les hommes éclairés ;
et il fallut que le sage
se déguisât en
farceur pour plaire à la multitude.
»
Voltaire , Gallimard , 1986.
« La comédie est, pour Molière, l'occasion
de se jouer de nos comédies et de les
déjouer.
C'est une comédie
à l'intérieur de
la comédie.
Nous ne sommes jamais plus
ridicules que quand nous prenons nos rôles
au sérieux, quand le médecin malgré lui, le
malade imaginaire(
...
) se croient vraiment
médecin, malade (
...
) et se conduisent
comme s'ils l'étaient.
Le sérieux est une
comédie arrêtée, figée.
» Norbert Bensaïd,
Le Médecin malgré lui, préface, Hachette ,
1986.
1 port rait de Molière par Pierre Mignard (détai l), mu sée de la Comédie-Française I J.
L.
Charmel 2 gravure de Tavernier d'ap rès Granville/ co ll.
Viollet 3 gravure de Brissart / Lauros-Giraudon
MOLIÈRE 13.
»
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