Le personnage de ROMÉO

muniquer, l'une à l'autre, la faute ou le rachat respectif. Le rapport qui les lie est un rapport de folie : l’amant paraît fou à l’homme qui se reproche d’avoir oublié dans un rêve son honneur de citoyen, et l’homme semble fou à l’amant perdu dans sa contemplation. L’ultime conclusion ne peut se trouver en Roméo, mais en dehors de lui, chez ceux qui survivent, et auxquels il a apporté un message : cette possibilité même d’oublier en soi l’homicide pour communiquer à un autre cœur toute la lumière et toute la douceur qui se sont révélées au sien propre confirme l’existence d’un bien qui submerge tout. L’histoire terminée, les survivants seront portés à s'approprier la très pure folie du héros pour s'oublier à leur tour dans un commun apaisement. C’est avec Roméo que se dessine complètement ce type de l’amoureux «heureux-fou» tel que le suppose Platon et tel qu'il demeura ensuite dans la tradition, sans prendre, jusque-là, ses véritables proportions; sa signification est celle, antique, de l’homme qui veut oublier la vie pour l’extase d'un amour qui est moins réalité que merveilleux prélude a des réalités ; la mission de révéler cet amour aux hommes en tant que valeur active et consolatrice n'est pas son rôle, car cette mission entre dans l’orbite de la sainteté.