Les Bas-Fonds
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
Dans l'atmosphère étouffante d'un asile de nuit, des êtres rejetés par la société tsariste essaient malgré tout d'exister. Mais pour eux le bonheur restera toujours hors d'atteinte.
Malgré l'aspect ouvertement subversif de l 'oeuvre, la censure tsariste, persuadée que la pièce ne connaîtrait aucun succès, n'émit pas de réserve quant à sa représentation. Elle fut bien vite détrompée par le triomphe que rencontra l'oeuvre de Gorki.
«
« Boubnov, donne-moi
cinq kopeks.
»
EXTRAITS
Parmi les miséreux séjournant dans
l'asile de Kostylev, Kletch, un
serrurier
de quarante ans, est le seul à croire
encore
à des valeurs comme le travail
ou l'honnêteté
PEPEL.
-Tu as tort de boulonner comme ça.
KLETCH.
-Etcomment j eferaipourbouff er ?
PEPEL.
-Il y a bien des hommes qui vivent
sa ns travailler.
-· KLETCH.
-D es homm es !
C'est pas des hommes !
C'est des pouilleux, des
clochards !
moi qui suis
un ouvrier, ça
me dé
goûte de les regarder.
Je
travaille depuis
mon
enfance ...
Tu crois que je
ne me sortirai jamais
d'ici ? Si, je te dis que je
m'en tirerai.
..
même si je
dois y laisser ma peau !
Attends seulement que
ma
femme soit morte.
Il n'y a
pas six mois que
je suis
i c i, mais ça me paraît aussi
l ong que six années.
PEPEL.
-Les autres gars te valent bien.
Tu as
tort de parler comme
ça.
KLETCH.
- Ils me valent bien, eux ? Ce sont
des gens sans foi ni lo i !
PEPEL.
-La foi, la loi! A quoi ça leur servi
rait ?
Ce n'est pas une paire de godi llots , on
ne peut pas se les mettre aux pieds.
La
conscience, il n'y a qu e les puissants qui en
aient besoin.
BOUBNOY, entrant.
- Err.
..
Je suis gel é.
PEPEL.
-Boubnov ! Est -ce que tu as une
consc ience , toi ?
BOUBNOV.
-De quoi ? Une conscience ?
PEPEL.
-Oui.
BOUBNOV.
-Pourquoi faire ? Je ne suis pas
un rich ard.
PEPEL.
-C'est ce que je viens de lui dire : il
n'y a que les riches qui en aient besoin.
Et
lui nous engueu le parce qu'on
n'en a pas.
A travers l'amour qu'il porte
à Natacha, Pepel entrevoit
l'espoir de changer d'existence
PEPEL ·.
- J e suis un vo leur depuis mon
enfance, ch acun me disait toujours:
« Vassili
le voleur, Vassili , fils de voleu r ! » Eh bien,
soit:
je suis voleur! Comprends-moi : peut
ê
tre ne suis-je voleur que par rancune, parce
que personne ne m'a jamais appelé autre
ment.
Donne -moi un autre nom ...
eh
b ien , Natacha ?
NATACHA, tris tement.
-Je ne peux
pas croire
...
à une seule parole ...
Et je suis angoissée aujour
d'hui, j'ai le cœur serré,
co
mm e si je pressentais
quelque chose.
Tu as eu tort,
Vassili, de me parler de cela
maintenant !
PEPEL.
-Quand voulais-t u que
j e t'en parle ?
Ce n'est pas la
première fois
...
NATACHA .
- Pourquoi veux-tu que
je te suive ? Si encore je t'ai
mais .
..
d'amour.
..
Mais des ,,,.
fois tu me plais, d'autres lf/
fois tu me répugnes ...
Faut
croire que je ne t'aime pas
pour de bon ...
on ne voit pas les défauts de celu i qu'on
aime ...
et moi, je vois les tiens.
PEPEL.
-Tu apprendras à m'aimer, n'aie
crainte! Je t'habituerai.
..
suffit que tu dises
oui! Voilà un an que je t'observe: tu es une
fille sérieuse
...
une bonne.fi lle ...
quelqu'un
de
sûr.
..
etje t'aime profondément!
Traduction de Génia Cannac ,
L
'Arc h e , 1962
«Pour qui la vie est -e lle douce ? Tou s sont
malheureux . ..
je le vois bien! »
NOTES DE L'ÉDITEUR pérégr ination s à travers la Ru ssie),
l a critique de l
'or dre soc ia l, tout cela
p ass io nna le publi c, e t la" chanson des
clochards" devint vite po pulair e dan s Stanislavski,
éta ie nt
" le s
a
phori s
me s à
effet et les tournur es amphigouriques
En 1936, Jean Renoir adapta Les Bas-Fo nds
pour le cinéma.
Gabin jouait le rôle de Pepel
e t Jouvet celui du Baron ,
per sonn age qui
prenait d'a illeur s dan s le
fùm un e imp ortance
que Gorki ne lui avait
pas donn ée.
« La pièce, raconte V.
K atchalov (qui tenait
d an s
Les Bas-F onds le rôle du Baron ), fut
acc ueillie
par le public comme un e pi èce
révolutionnaire, a nnonç ant et appelant la
tempête imminente .
L e thème ,
entièrement
inédit , l es per so nn ages tout à fait no uveaux
( qu e Gorki
ava it étudi és durant ses
..
l e pays.
»L es Bas-Fonds, prése nt ati on , in
Gorki,
Théâtre complet , L'Arc he , 1962.
« Cette fois, la m atière étai t plu s heure use,
J e thème absolument n
ouvea u à la scè ne :
l e pitt ores que d'un asile de nuit avec ses
h ôtes, des ci-d
eva nt mêlés à des ho mm es du
p eupl e, déchus,
compliqu és, passionnants .
La troupe avait fini par s urmont er, e ntr e
temp s, les diffi cult és que
prése ntait le sty le
d e Gorki
et dont les principales, dit
1 Harlin gue-Yio llet 2.
3.
4.
5 dessi ns d'O ska r Kokosch k a.
Verlag Galerie Welz.
Salzbu rg .
1976
des prêches ...
" li s'ag issa it de rendre " un
nou veau ton , un e nou velle mani ère de
jeu ,
un no uvea u réal is m e, un
romantisme
particulier, un pat hétiq ue qui frisait à la fois
l e pathétique th
éâtral et la pré dication .
Il
faut savoi r parler la langue de Gorki, faire
r éso nner
sa phrase, la faire viv re .
li faut
savo ir réciter avec simplicit é ses mono
l og ues
prédic ant s et didactiqu es, sans que
l'éla n natur el soi t fa ussé par le path étique
théâtral.
Sinon on ris que de tomber dan s
l e
m élo dram e". » Nina Gourfink el,
Gorki par lui-même, Seuil, 1954.
G ORK I 03.
»
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