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Les Bucoliques de Chénier

Publié le 20/11/2018

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Les Bucoliques
 
« Un ciel pur, les plaisirs, la beauté »... Les Bucoliques de Chénier, imitées parfois jusqu’au pastiche des grecs Callimaque et Moschos, des latins Virgile, Properce ou Ovide, décrivent un âge d’or idyllique peuplé de bergers poètes et de divinités mythologiques. Mais ce n’est là peut-être qu'une image trompeuse; souvent les Bucoliques présentent sous l’apparence une signification seconde.
 
Le recueil réunit en principe les textes que Chénier a marqués du signe « bouk » en lettres grecques; cependant, à partir de ce noyau central, les éditeurs successifs ont procédé à diverses interpolations et à des classements plus ou moins arbitraires. P. Dimoff a rangé les différents textes sans tenir compte de leur état d’élaboration, sous treize grandes rubriques : « Invocations poétiques », « les Héros et les Fables », etc. G. Walter a séparé les poèmes achevés (vingt-sept) d’une soixantaine d'esquisses, fragments, parfois de simples canevas en prose autour d’un vers déjà rédigé. La rédaction des poèmes s’étend approximativement de 1778 (« Xanthus ») à 1787 (« la Liberté ») : à cette date, le Chénier « artiste » des débuts porte une attention croissante aux « pensers nouveaux », aux épreuves de l’homme en société. D'où sans doute la présence dans les Bucoliques de ces poèmes qui dénoncent la fragilité du paradis antique : « le Mendiant » et surtout « la Liberté » :
 
Je hais tous vos plaisirs : les fleurs et la rosée,
 
Et de vos rossignols les soupirs caressants.
 
Rien ne plaît à mon cœur, rien ne flatte mes sens. Je suis esclave.
 
«L’Aveugle», qui appartient à ce groupe, dit la misère du poète — Homère — repoussé par « les riches grossiers », qui « n’ont pas une âme ouverte à sentir les talents ». Le bonheur n’est réservé qu’à des privilégiés? Des forces naturelles aussi le menacent. La géographie des Bucoliques, îles de l'Égée, Grande-Grèce, est essentiellement insulaire, et la mer représente un danger perpétuel : la mort (« la Jeune Tarentine », « Chrysé », « Dryas »), 

« CHÉNIER: Les Bucoliques 1762-1794 André Chénier est né le 29 octobre 1762 à Constantinople (l'actuelle Istanbul) où son père occupait les fonctions deconsul.

Sa mère s'enorgueillissait d'avoir du sang grec et influença profondément le goût de son fils pour les beautésde la Grèce antique.

Ce penchant n'était pas véritablement original à une époque où l'on se passionnait à travers lesfouilles d'Herculanum et de Pompéi pour les héritages de l'antiquité gréco-romaine, et le jeune garçon en retrouvades échos lors de son arrivée à Paris en 1765, chez les artistes et savants qui fréquentaient le salon littéraire de samère: on pouvait croiser chez la «belle Grecque» l'helléniste Brunck, le poète Lebrun-Pindare ou le peintre David,célèbre figure du néoclassicisme antique. Après d'excellentes études classiques au collège de Navarre, il va mener la vie de beaucoup de jeunes gens de sonâge et de sa condition, se partageant entre l'étude et les plaisirs de la vie mondaine.

En 1785, il entreprend avecdes amis un voyage de plusieurs semaines en Suisse et en Italie.

De retour à Paris où il passe encore deux ans, ilcompose ses premiers poèmes. C'est d'Angleterre où il occupe depuis 1787 les fonctions de secrétaire privé de l'ambassadeur qu'André Chénierperçoit les premiers bruits de l'agitation révolutionnaire pour laquelle il ne tarde pas à prendre fait et cause.

Ildevient membre de la «Société des Amis de 1789» qui rassemble les dissidents modérés du Club des Jacobins etcompte parmi ses membres David, Mirabeau, Lavoisier, Monge.

Rentré en France, il va déployer une intense activitépolitique, collaborant à plusieurs organes de presse pour lesquels il écrit des articles qui sont souvent de superbesmorceaux d'éloquence politique (par exemple «Avis au peuple français sur ses véritables ennemis»). Révolutionnaire, André Chénier veut l'être mais dans le respect des libertés individuelles et de la personne humaine.Aussi ne tarde-t-il pas à s'opposer à ceux qui trahissent l'idéal républicain dans une dérive sanglante et totalitaire.Ses positions modérées lui valent sous la Terreur la haine des plus radicaux et, après avoir été arrêté le 7 mars 1794puis incarcéré à la prison de Saint-Lazare, il est condamné à mort comme «ennemi du peuple» et guillotiné le 25juillet I 794 (7 thermidor de l'an IV), deux jours avant la chute de Robespierre. La gloire littéraire d'André Chénier est une gloire littéraire posthume.

En effet, quand il meurt à 32 ans, son oeuvrepoétique, éparse et inachevée, est encore inédite et ce n'est qu'en 1819 que paraît la première édition de sespoèmes, immédiatement salués par la génération romantique. «Peut-être qu'il y a de bons poètes français mais que la poésie française est mauvaise.» Cette formule lapidaire deMontesquieu résume parfaitement la situation de la poésie au siècle des Lumières.

Brillant philosophe, le XVIIIe siècleest médiocre poète.

Les préceptes rigides des anciens versificateurs d'une part, qui, à l'instar de Malherbe (1555-1628) et Boileau (1636-1711) avaient prétendu enfermer l'art poétique dans un carcan de règles strictes, et letriomphe de la raison d'autre part avec l'avènement des philosophes, ont entraîné le tarissement et l'affadissementde la poésie.

Dans ce désert, André Chénier s'impose comme une figure remarquable.

Par son génie d'abord, puisparce qu'il incarne mieux que tout autre la transition qui s'effectue au XVIIIe siècle entre l'âge classique et leromantisme post-révolutionnaire. 1.

UNE PEINTURE IDÉALE DE LA NATURE ET DES SENTIMENTS Premières pièces écrites par André Chénier entre 1785 et 1787, Les Bucoliques rassemblent une trentaine de poèmes, des «idylles» (ce sont de petites scènes de genre qui mettent en scène dans un cadre champêtre despersonnages simples – un mendiant, un chevrier, un berger, etc.) ou des poèmes dédiés aux dieux et aux héros dela mythologie grecque («Le retour d'Ulysse», «La mort d'Hercule»).

Écrites sur le modèle de la poésie antique—l'idylle est un genre grec inventé par Théocrite, un poète du Ir siècle av.

J.-C.—Les Bucoliques se réfèrent le plus souvent à un monde idéal et intemporel où prédominent la beauté et les sentiments purs, ce qui n'exclut ni l'ampleurni la gravité comme dans «L'Aveugle», vaste fresque de 270 vers, dans laquelle André Chénier rend hommage auplus grand des poètes de l'Antiquité : recueilli par des pasteurs un vieillard aveugle, qui n'est autre qu'Homère, semet à chanter pour les villageois réunis autour de lui ; il célèbre les dieux, évoque la guerre et la paix, les enfers etquelques légendes célèbres. D'autres poèmes sont dominés par la mélancolie.

Celle-ci se dégage d'abord de thèmes poétiques traditionnelscomme le thème de la mort qui fauche la jeunesse et sépare les amants, largement chanté, deux siècles plus tôt,par Ronsard dans ses Amours. À cet égard, l'un des plus beaux poèmes des Bucoliques, «La jeune Tarentine», est représentatif de l'art de Chénier tant par son inspiration (une scène de l'Antiquité dans laquelle une jeune fille conduite en bateau à ses noces péritpar la noyade) que par son expression qui, tout en empruntant au modèle antique son vocabulaire et sesréférences, fait apparaître une sensibilité et une émotion plus personnelles. Cependant, même quand il évoque, comme c'est le cas dans ce poème, des thèmes douloureux, André Chéniers'attache moins à être réaliste qu'à obtenir, par les images et les termes qu'il utilise, un tableau aux lignes et auxnuances parfaitement harmonieuses.

«La jeune Tarentine» est conçue comme une vision descriptive dans laquelle l'expression des sentiments est reléguée au second plan derrière un souci esthétique d'idéalisation.

Le poète semontre plus soucieux de peindre ce qu'il voit que d'exprimer ce qu'il ressent.

C'est ainsi que la mort de la jeune fille. »

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