Les Nuits de Paris
Publié le 12/04/2013
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Les Nuits de Paris ou Le Spectateur nocturne fut publié en trois fo is, en 1788, 1790 et 1794 ; il ne représente qu ' unè mince partie de l 'oeuvre de Restif, qui compte l'équivalent de deux cents volumes. Aux yeux de l 'auteur, ces Nuits sont « une de ces productions majeures, une de ces vastes compositions destinées à peindre les moeurs d' une nation «.
«
Toute I 'œuvre de Restif
de
La Bretonne (1734-
1806) est en fait une
sorte d'autobiographie
sans cesse renouvelée
et prolongée .
Doué
d 'une mémoire
exceptionnelle et
s'aidant des notes qu'il
prenait régulièrement
sur les événements
de sa vie
(Mes
Ins criptions, posth.
1888) , il put ainsi écrire
près de quarante mille
pages, dans lesquelles,
il est vrai, l'imagination
et l'affabulation ne sont
pas absentes.
« Le Spectateur nocturne à l'ancien Palais-Royal, suivant une jeune personne et
sa duègne ...
»
EXTRAITS
Arrivée providentielle d'un sauveur
J'allai voir les cabarets des Halles, dont
j'avais beaucoup entendu parler.Je croyais
y trouver des scènes frappantes :
je n'y vis
que de la débauche: des gens qui fumaient,
ou
qui dormaient ; des filles perdues ou
crapuleuses, avec des escrocs de billard ou
d'académie, qui se battaient ou se disaient
des injures : quelques tristes libertins, qui
étaient venus
là croyant s'y divertir, et qui
s'ennuyaient.
J'allais me retirer, très
mécontent de ce repaire du sale libertinage ,
autorisé
pour les pourvo yeurs, qui ne s'en
servent pas , lorsque j'aperçus une jeune
blonde très jolie, qu'amenait une espèce de
monstre femelle.
Elle lui offrit de l'eau-de
vie et
je m'aperçus qu'elle voulait l'enivrer.
Je bénis
l' Être suprême
de
me trouver là.
La
jeune fille ne put ava
ler l'eau-de-vie.
Je
m'approchai d'elle.
Le
monstre femelle me tint
alors les propos les
plus infâmes, en me
faisant observer, que
c'était un objet tout
neuf La jeune filles' ef
forçait d'être effrontée
et ne pouvait y réussir.
Je proposai de sortir, ce
qui
fut accepté.
La résurrection
clandestine
Il n'était que minuit ,
lorsque
je me trouvai
devant
un cimetière, que
je ne nommerai pas.
Je
vis des garçons chirur
giens errer autour de
la porte.J'appris d'un
homme du voisinage, qui rentrait chez lui,
qu'on avait enterré,
le soir même, une jeune
fille de dix-huit ans.
Les chirurgiens entrè-rent,
lorsque
je me fus retiré.
Mais je les
observais : ils emportèrent
la bière, après
en avoir enlevé une planche,
pour recon
naître le corps.
Je les vis entrer dans une
petite rue étroite et sale,
où ils
avaient un am
phithéâtre .
Ce
traitres
semble beaucoup à celui
que
j'ai déjà rapporté :
mais les détails en
sont
bien différents ! La fraî
c
heur de la terre avait
ranimé la jeune fille ;
elle soupira, dès
qu'on
eut ôté la planche.
Les
garçons chirurgiens n'en
furent que plus empres
sés à l'emporter.
Arrivés
à leur amphithéâtre se
cret, dans lequel était un
lit, ils
l'y déposèrent, et
employèrent,
pour ache
ver de la ranimer, les
fomentations les plus
douces.
Elle revint .
Ils lui
administrèrent un cor
dial, et en très
peu de
temps , elle recouvra une
entière connaissance.
Conseils aux gouvernants
On peut dire qu'il est essentiel de suivre le
bal de l' Opéra pour connaître les mœurs ,
les amusements, les intrigues de
Paris, et le
caractère des Français.
Plus l'on est élevé,
plus on a besoin de se déguiser, pour
connaître la vérité ; mais il faut alors un
incognito
pmjait ; etc' est peut-être, par
là, une des plus salutaires inventions de
l'esprit humain ! ...
Supposons au bal de
l' Opéra un souverain, un premier ministre,
un magistrat, un général,
qui veulent
connaître l'opinion publique ; ils la saisi
ront, à l'aide
d'un déguisement parfait.
«Le Spectateur nocturne assistant
à l'administration du saint viatique : le Moribond dit : " Moi, malheureux ! Ha,
monsieur, j'ai été heureux dans ce monde!" »
NOTES DE L'ÉDITEUR comme Proust passe du romanesque et du
poétique au caricatural, ce qui est, entre
parenthèses, une évolution caractéristique
de grand artiste.
» Jean Dutourd, Les Nuits
révolutionnaires
de Restif de La Bretonne,
préface, Librairie générale française, 1978.
leur
tour les dangers et les séductions.
Le
narrateur est sans cesse présent dans un coin
du tableau, il se décrit avec complaisance et
se dédouble en personnages secondaires qui
sont autant de visages de lui-même.
Les
Nuits
mettent en scène un face-à-face de
Moi et de
Paris, à la façon dont une part de
l' œuvre de Chateaubriand ou de Hugo sera
la confrontation de
1 'Écrivain et de
«Les Nuits de Paris sont dans son œuvre
ce qu'est
Le Temps retrouvé dans celle de
Proust.
On y voit un homme qui, ayant
creusé très profond toute sa vie, change
de préoccupation et applique ses facultés à
saisir la réalité immédiate dans son étendue,
sa diversité, sa discontinuité.
Il y a
d'ailleurs entre
Les Nuits et le reste de
l 'œuvre de Restif le même décalage
significatif qu'entre
Le Temps retrouvé et
Le Temps perdu.
Je veux dire que Restif
1 Roge r-Vi o llet 2, 3 , 4 , 5 D.R .
« Le paysan monté à Paris voue à la Ville
un amour-haine et
il ne lui faut pas moins
de sept volumes pour épancher une telle
admiration-répulsion;
Le Paysan perverti
était sous-titré, dans certaines éditions, Les
Dangers
de la ville.
Les Nuits en disent à
! 'Empereur.
» Michel Delon, Les Nuits de
Paris ou le Spectateur nocturne, notice,
Gallimard , 1986.
RESTIF DE LA BRETO NE 03.
»
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