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Marie de France : Le Lai de Lanval

Publié le 23/05/2011

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Par quels moyens littéraires et rhétoriques Marie de France réussit-elle un récit poétique ?  En choisissant le genre des lais bretons, Marie veut « mettre en (nos) mémoires « un récit digne d'être raconté pour sa beauté émouvante, digne d'être médité pour son « sens «, son esthétique se veut au service d'une morale.  Poétiser le réel  On a souvent évoqué le « rationalisme « de Marie : pour raconter un conte de fées, par petites touches ou par omission, l'auteur gomme tout ce qui est absolument merveilleux avec comme résultat paradoxal non de rendre plus réel l'irréel mais de poétiser la vie courante.

« de l'abandon de Lanval au début, à la cour, temps non précisé entre les deux procès (dans d'autres versions dumême récit : un an), temps infini du chagrin sans la fée.

Récit écrit au présent de narration mais qui présente desruptures ; Lanval quittant la fée change de ce fait la valeur essentielle de sa vie : a-t-il rêvé ou non ? il s'avance,regardant en arrière (v.

195).Motifs merveilleux : l'éloignement et l'injustice qui frappent Lanval au début (le destin choisit toujours dans lescontes le faible/le sot/le benjamin/le pauvre) ; le tremblement du cheval (animal en relation avec la mort,psychopompe, parfois diabolique, chevaux de l'Apocalypse, parfois divin) : l'animal pressent l'approche de l'Étrange ;la fée à la fontaine, motif cher aux récits celtiques mais tout esprit des eaux est un motif universel (les naïades etles ondines) ; elle se peigne ou se baigne (voir le motif résiduel et inexpliqué des deux bassins d'or et de la servietteportés par les suivantes, v.

61-64) ; motif voisin des femmes-oiseaux (présent dans Grelent, autre version anonymedu même lai) dont on se rend maître en dérobant leur vêtement de plumes abandonné au bord de l'eau ; la féeamoureuse : motif traité par l'histoire de Mélusine (voir le texte à la fin de la présente édition) et thèmes connexesde l'interdit et du pacte, toujours transgressés avec des conséquences terribles pour le mortel ; le cortège desfées, v.

414 sq.

et 515 sq.

(repris et évoqué dans Tristan et Iseut) ; les souhaits comblés (Lanval enrichi) ; lemythe d'Avalon, sorte de paradis celtique, île du Couchant, jardin aux pommes d'or ; la Reine la plus belle : motif dela souveraineté... DISSERTATION « Raconter l'aventure, enseigner la vérité» Par quels moyens littéraires et rhétoriques Marie de France réussit-elle un récit poétique ?En choisissant le genre des lais bretons, Marie veut « mettre en (nos) mémoires » un récit digne d'être raconté poursa beauté émouvante, digne d'être médité pour son « sens », son esthétique se veut au service d'une morale.Poétiser le réelOn a souvent évoqué le « rationalisme » de Marie : pour raconter un conte de fées, par petites touches ou paromission, l'auteur gomme tout ce qui est absolument merveilleux avec comme résultat paradoxal non de rendre plusréel l'irréel mais de poétiser la vie courante.— Le terme « fée » n'est jamais prononcé (seul Avalon est nommé en conclusion mais veut-il dire mort euphémisée ?) ; la Dame est d'une beauté hyperbolique, comme toutes celles de la lyrique.— Le procès, présenté de façon très exacte suivant les coutumes, tient la moitié du Lai.— L'interdit reste sans explication, du coup il prend l'allure du Secret, loi rigoureuse de la Fine Amour, répondant aucaractère adultère des relations, effet accentué par l'allure de Dame souveraine que Marie donne à la fée.— Lanval est incontestablement marqué par le sceau de l'Ailleurs ; mais son étrangeté est dénoncée par la Reinecomme homosexualité, crime inexpiable au Moyen Âge, l'étrange cède un temps la place à la banale intolérance.— Replacer l'intrigue à la cour d'Arthur, c'est donner à la nouvelle « bretonne » indéfinissable un cadre fictionnel bienconnu des publics, avec l'inconvénient de transformer la Reine en Guenièvre, personnage plus « noir » que decoutume, mais avec l'avantage de nous faire avancer « en terrain connu ».Marie rationalise les amours, le procès, le pacte.

Nous sommes dans une aventure aristocratique et psychologique.La fin elle-même s'abrite derrière un prudent « on dit »...

Néanmoins, bien des faits irréels ou des énigmes restentsans justification ; ces omissions très volontaires de l'auteur ouvrent au récit un arrière-plan de poésie mystérieuse.On ne sait pas pourquoi Lanval est « oublié » par Arthur dont on vient de souligner la courtoisie et la parfaite équité.Il est pourtant fils d'un roi.

Son acceptation passive et silencieuse accentue l'impression que Lanval lui-même estresponsable de sa situation (on fera le rapprochement avec d'autres êtres « fées » dont la différence se marqueplus ou moins au milieu des mortels par la petite taille ou l'absence de sommeil, etc., dans d'autres lais, commeTydorel).— S'il est vrai que le procès est très « réaliste », sa cause l'est moins (la félonie à l'égard du seigneur est gravemais dire que la Reine n'est pas la plus belle n'est pas un grief fréquent).— Le télescopage du temps et de l'espace est énoncé sans commentaire.— Les moeurs des fées avec leur costume si suggestivement sensuel sont bien extraordinaires (la fée accueilleLanval fort déshabillée, les suivantes ne portent qu'une tunique de taffetas léger lacée de lâche façon sur leursflancs dévoilés.)— Où qu'il aille, Lanval disparaît à la fin.À mi-chemin entre le quotidien et l'impossible, l'aventure doit susciter en nous, outre le plaisir du rêve, une réflexion.La vérité de l'art— Une « esthétique de la brièveté » : rapidité du récit, quasi absence de toute incidence, des descriptions (sauf lafée), peu de conversations.

Dialogue entre la fée et Lanval (la fée parle beaucoup plus) et entre Lanval et la reine(chacun parle autant).

Pour le procès, abondance de discours indirect ; Lanval n'ouvre la bouche que pour se direcomblé d'avoir simplement revu sa bien-aimée.

Leur départ se fait dans le plus profond silence.Importance du moindre détail : dans le portrait de la fée, évocation du corps et des hanches (v.

569) avantd'évoquer son visage, ce qui est contraire aux règles de l'époque (les descriptions sont très codifiées) : signesensuel d'une créature autre! La fée tutoie Arthur, ne daigne pas même parler à la reine.— Opposition entre deux mondes : le monde de la jeunesse, de l'amour, de l'idéal, le monde de la société avec seslourdes machines juridiques inadaptées, ses lois et jeux sociaux entachés d'hypocrisie (la reine), ses rejets etexclusives.— Balancement rêve/réalité : avant, Lanval désespéré s'étend sur le sol, on ne sait s'il dort ou pleure.

Après, c'est. »

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