Maupassant : Bel-Ami
Publié le 22/02/2012
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l'ascension sociale de véritables escrocs, rendent vraisemblables l'essor de Duroy.
Cela explique que lescontemporains y aient reconnu certaines personnes.
La presse joua évidemment un rôle majeur dans ces scandales, étant donné qu'elle jouissait (et il est important d'entenir compte dans l'étude du roman) depuis le 19 juillet 1881 d'une liberté totale qui la débarrassait enfin de lacensure.
Dans les années 1880, une multitude de petites feuilles se développent.
L'évolution principale concerne lacoopération entre les journaux et le monde politique.
Maupassant a travaillé dans ces quotidiens.
Il ne faut pas pourautant assimiler La Vie française de Walter au journal Le Gaulois, dirigé par Arthur Meyer.
Maupassant dénonce plus globalement l'emprise de ces publications sur l'opinion publique, et les répercussions de leurs campagnes de pressepolitique sur la Bourse, amenant à terme la ruine de modestes boursicoteurs.
Il découvre le pouvoir des médias.
Àcet égard, il serait intéressant d'établir avec les élèves des rapprochements entre ce monde et le nôtre, ce quiexplique la modernité d'un roman dont les intentions satiriques sont toujours d'actualité, alors que les événementsne disent plus rien aux lecteurs d'aujourd'hui.
On voit par exemple Mme Walter surprendre une conversation entreson mari et le ministre Laroche : c'est La Vie _française qui mène la campagne politique rendant possible l'affaire marocaine.
Ce roman dénonce une société démocratique pourrie par uncapitalisme sauvage, dans un Paris dominé par la recherche du profit à tout prix.
3.
Un roman d'apprentissage naturaliste
Bel-Ami s'inscrit dans la lignée des romans d'apprentissage du xix siècle, du Père Goriot à L'Éducation sentimentale, dont il reprend les principales données mais en dépouillant l'aventure de toute forme d'idéalisation.
Le jeune hommequ'il met en scène est bien un ambitieux soucieux de trouver sa place dans la société parisienne, mais il n'a rien d'unnaïf qui perdrait peu à peu les illusions d'un cœur tendre.
Motivé par le « désir d'arriver» (p.49), il se trouve d'embléedénué de scrupules.
Connaissant toutes les étapes de la carrière journalistique, jusqu'à l'ultime degré représenté parla perspective d'une carrière politique, il suit un parcours sans faute, mais parfaitement immoral.
Son initiation semarque par la transformation symbolique du nom propre : Georges Duroy devient Du Roy de Cantel, ce qui soulignesa métamorphose au contact de la société.
Le surnom Bel-Ami montre tout ce que cette réussite doit auxpersonnages féminins.
L'ambition de Duroy est poussée à son comble, puisqu'il fait preuve d'une absence totale descrupules, qui interdit toute espèce d'idéal, quel que soit le domaine abordé, amoureux ou professionnel.
On diraitque ce personnage a retenu la leçon cynique de Vautrin à Rastignac, dans Le Père Goriot : peu importent les moyens, seule compte la fin.
La peinture sans concession des milieux où évolue le personnage participe à la poétiquenaturaliste.
Le journalisme véreux où Maupassant choisit d'introduire son personnageprésente un milieu inculte et dénué de conscience professionnelle.
Saint-Potin, par exemple,écrit ses interviews en fonction des attentes du lecteur, et non pas par souci d'intégrité ni derespect de l'information.
Corrompu et lié au pouvoir politique, un rédacteur comme Forestiern'est que « l'homme de paille de ces hommes d'affaires » (p.123).
La liberté de la pressetourne à l'avantage des « affaires».
En rencontrant le journalisme, Duroy rencontre lacompromission, la corruption, l'hypocrisie, la malhonnêteté intellectuelle.
Toutefois,remarquablement adapté à ce milieu, il comprend vite où va son intérêt et en retire la moraleégoïste que « le monde est aux forts » (p.223).
Le portrait sévère du député Laroche-Mathieu, qui va devenir ministre des Affaires étrangères, va dans le même sens puisqueseule le guide la soif du pouvoir, quel que soit le prix à payer.
On comprend ainsi commentl'ambition politique de Duroy s'inscrit dans la logique du milieu où il se trouve plongé.
L'argent tient bien sûr une place de choix dans cette approche au vitriol de la société.
Dès le début du roman,Duroy cherche à en gagner : le bruit de l'argent résonne d'un bout à l'autre du récit.
Clotilde de Marelle offre deslouis d'or à son amant, l'héritage de Madeleine le transforme en millionnaire, Mme Walter lui permet de réaliser unjuteux coup de bourse, le mariage avec Suzanne achève de l'enrichir.
On peut dire que l'argent fait le bonheur, tientlieu d'unique valeur, avec la bénédiction du clergé qui, en la personne d'un évêque, salue en Du Roy à la fin du rommun être qui figure «parmi les heureux de la terre, parmi les plus riches et les plus respectés» (p.
344), un modèle, unguide du peuple! C'est dire si l'argent tient une place prépondérante.
Il permet aussi d'acheter des oeuvres d'art,non pour leur valeur intrinsèque, mais pour l'investissement qu'elles représentent ou pour l'apparat social qu'ellesprocurent.
Rien ne résiste à sa toute-puissance.
Il faut noter enfin que le statut du héros en fait un héros de roman d'apprentissage ambigu.
Individu regardé partous du début à la fin du roman, se regardant lui-même dans les miroirs et se contemplant longuement, le hérosnarcissique oublie l'autre au profit de soi.
Vouant un culte à sa propre personne, il transgresse, au nom du succèsindividuel, toutes • les lois qui s'y opposent pour finir son parcours «ivre d'orgueil» «Il ne voyait personne.
Il ne pensait qu'à lui » (p.
346).
Ces deux phrases capitales accentuent l'individualisme exacerbé du héros moderne etdénoncent par là la dérive d'un monde égoïste qui place le triomphe individuel comme une preuve suffisante de lavaleur personnelle, indépendamment des qualités d'une âme dont on se demande si le héros est encore pourvu.
Maismalgré cela, même cynique, le héros de Maupassant reste un héros.
On peut y voir une véritable gageure puisqu'ils'agit de rendre attachante une parfaite crapule.
Doué d'un charme irrésistible malgré sa vulgarité, fort d'uneénergie, dévoyée certes mais qui force l'admiration, le héros s'impose à nous dans toute sa splendeur : l'ironie nedétruit pas ici l'héroïsme.
Deux empêchent sa condamnation.
La première réside dans le monde où il évolue, et où.
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