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Mémoires d'un chasseur

Publié le 06/04/2013

Extrait du document

Malgré ses nobles origines et son respectable statut social, Tourgueniev critique et dénonce - avec ironie - la pratique du servage. Quelques années plus tard, lorsque la réforme aura enfin eu lieu, ce n'est pas sans fierté qu'il s'attribuera les raisons de ce changement. Cependant l'histoire nous apprend que Nicolas Ier avait déjà décidé depuis longtemps cette réforme. Dans cette affaire, le rôle de Tourgueniev n'est donc pas aussi déterminant qu'il le prétend.

« «Tout être humain occupe une position quelconque dans la société et possède des relations ; chaque homme de peine reçoit des gages, du moins quelques sous pour vivre.

Stiopouchka, lui, ne recevait rien de personne .•.

» EXTRAITS -------~ «Les jours se succédaient, et voilà ...

que ...

(le médecin se tut.) Vraiment,je ne sais com­ ment vous dire cela.

(IL prisa de nouveau, toussota, avala une gorgée de thé.) Eh bien, je vous dirai sans ambages que ma ma­ lade ...

enfin ...

(Le médecin baissa La tête et rougit.) - Non, reprit-il avec ardeur, ce n'est pas qu'elle fû.t éprise de moi ! IL faut se rendre justice, n'est-ce pas ? C'était une jeune fille instruite, intel­ ligente, cultivée, tandis que moi,j' ai oublié jusqu'à mon latin ! Quant au phy­ sique (le médecin se regarda avec un sourire),je crois que je n'ai guère là de quoi me vanter non plus.» L'impitoyable so­ leil de juillet inon­ de Le morne pay­ sage d'une clarté qui en rehausse les moindres détails : Les toits défoncés des chaumières ; le ravin pro­ fond ; Le pacage roussi, où vagabondent quelques poules étiques et haut perchées ; les vestiges de /'ancien manoir, carcasse de tremble gris aux fenêtres béantes envahie par l'ortie et l'armoise ; /'étang noir comme suie, couvert de duvet.d'oies, qui semble en ébullition, sa bordure de boue à demi des­ séchée, sa digue en ruine, près de laquelle, sur une terre foulée et grisâtre, des moutons haletants de chaleur se serrent tristement l'un contre l'autre, attendant, la tête basse et dans une morne résignation, que leur supplice prenne fin.

Comme elle était drôle cette Matrone ! Parfois, elle restait des heures entières as-sise sur une chaise à contempler Le parquet, et, pendant ce temps-Là, je ne bougeais pas non plus.je la dévorais des yeux ;je ne m'en lassais pas, c'était comme si je ne l'avais ja­ mais vue ...

Quand elle souriait, mon cœur se pâmait comme sous une caresse.

Ou bien, tout à coup, elle se mettait à rire, à plaisan­ ter, à danser ; elle me serrait contre elle si fort, si tendrement que La tête me tournait.

Du matin au soir je me demandais quel nou­ veau cadeau lui faire.

Et cela, le croiriez­ vous ? uniquement pour jouir de sa surprise, pour la voir, ma chère âme, se jeter à mon cou parée de mes présents et rougis­ sante de plaisir.

Par crainte de Lui déplaire, elle n'osait pas pleurer, mais ses yeux Lui disaient adieu et se rassasiaient pour la dernière fois ; quant à Lui, toujours étendu comme un sultan, il acceptait son adoration avec une condescendance magna­ nime.

J'avoue que son vi­ sage rubicond, où se Lisait, à travers une insouciance af­ fectée, l'égoïsme satisfait et re- pu, m'inspirait une indignation profonde.

Akoulina était déli­ cieuse à cet instant ; toute son âme se dévoilait, confiante et passionnée, se tendait vers lui dans un élan d'amour, tandis que lui ...

lui, ayant laissé choir sur /'herbe ses bleuets et sorti de sa poche un morceau de verre encerclé de bronze, ils' efforçait en vain de le fixer à son œil ; il avait beau froncer le sourcil, contracter la joue et même le nez, /'objet Lui retombait sans cesse dans La main.

Traduction de M.-R.

Hofman « Le sang ignore le soleil de Dieu et n'aime pas la lumière du jour .•.

C'est un grand péché d'exposer le sang à la lumière du jour .•.

Un très, très grand péché •.• » NOTES DE L'ÉDITEUR Chronologie «J'ai là tous les livres de Tourguéneff.

Il a bien du talent cet homme-là ! Ce qui me plaît en lui, c'est une distinction et une poésie permanente.

» G.

Flaubert, Œuvres complètes, Lettre aux Goncourt (1863).

«Oui, c'est un paysagiste, un peintre de dessous de bois très remarquable.

» Goncourt, Journal, Paris, 1894.

1818: Naissance, à Orel, en Russie, d'lvan Sergueievitch Tourgueniev, fils de propriétaires terriens ; 184 7 : Il commence à publier dans le journal le Contemporain les premiers Récits d'un chasseur; 1852 : Première édition des Mémoires d'un chasseur; 1861 : Abolition du servage par l'empereur Alexandre II; 1883 : Mort de Tourgueniev à Bougival.

1 Sipa-Icono 2, 3, 4, dessins de Jocelyne Pache, Cercle du Bibliophile « Je ne crois pas exagérer en disant que ce livre a eu sa part d'influence et sa part considérable dans la grande mesure qui a illustré le règne d'Alexandre II, l'affranchissement des serfs.

» Prosper Mérimée, dans le Moniteur du 25 mai 1868.

«La manière de M.

Tourguenef est bien différente.

Sa modération, son impartialité, le soin qu'il a de celer ses propres convictions, comme un juge qui résume les débats, donnent à ses récits une puissance que la plus éloquente déclamation n'atteindra jamais.

» Prosper Mérimée, dans le Moniteur du 25 mai 1868.

TOURGUENIEV 02. »

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