Devoir de Philosophie

Mystères de Paris (les). Roman de Marie-Joseph, dit Eugène Sue (résume et analyse complète)

Publié le 24/10/2018

Extrait du document

Mystères de Paris (les). Roman de Marie-Joseph, dit Eugène Sue (1804-1857), publié à Paris en feuilleton dans le Journal des débats du 19 juin 1842 au 15 octobre 1843, et en volume chez Gosselin en 1842-1843.

 

Les Mystères de Paris sont devenus un roman mythique. Au-delà de son extraordinaire popularité au xixe siècle, qui égale en intensité et dépasse en durée celle de la plupart des best-sellers contemporains, on le connaît encore aujourd'hui, si on ne l'a lu, comme le Comte de Monte-Cristo et les Trois Mousquetaires, qui l'ont suivi de peu. Rien ne semblait pourtant prédisposer Sue à un tel succès. Fils d'un médecin célèbre, en révolte contre sa très bourgeoise famille, il fait sans enthousiasme quelques études de médecine, préférant fréquenter les ateliers de peintres (il lui en restera un sens du croquis, de la charge, de la caricature, ainsi qu'un goût du canular qui se manifestent dans son oeuvre), et parcourt les mers comme chirurgien de marine, ce qui lui inspirera ses premiers romans maritimes au pessimisme byronien (Kernok le pirate, 1830; Atar-Gull, 1831 ; la Salamandre, 1832 ; la Vigie de Koat-Ven, 1833). Puis il obtiendra des succès non négligeables, mais sans commune mesure avec celui des Mystères de Paris, grâce à des romans historiques, Latréaumont (1837), Jean Cavalier (1840-1841), et à des romans mondains, Arthur (18371839), Mathilde (1840-1841). En un sens, tout cela : exotisme, violence, roman mondain, se retrouvera dans les Mystères de Paris, moyennant un passage de l'historique au sodal qu'est en train d'effectuer tout le romantisme, et le surgissement sur la scène romanesque de figures populaires qui choquèrent autant qu'elles fascinèrent le public bourgeois.

 

Errant dans les rues sombres et dangereuses de la Cité, déguisé en ouvrier, le prince Rodolphe de Gérolstein sauve une jeune prostituée. Fleur-de-Marie, dite la Goualeuse, des brutalités d’un ouvrier, le Chourineur. Sans rancune contre son vainqueur, le Chourineur entraîne Rodolphe et Fleur-de-Marie dans un tripot. Au Lapin Blanc ; là. le Chourineur et Fleur-de-Marie content leur triste histoire à Rodolphe. Tous deux, livrés dès l’enfance à l’abandon et à la misère la plus atroce, malgré de bons instincts, sont tombés dans la dégradation : le meurtre pour le Chourineur. dans un moment de violence incontrôlée ; la prostitution pour Fleur-de-Marie. Rodolphe se fait leur protecteur et entreprend de les régénérer en les arrachant à l'enfer du vice et de la misère où ils sont plongés. C'est que lui-même a une lourde faute à expier : il a autrefois aimé une aventurière sans scrupules, la comtesse écossaise Sarah Mac Gregor, malgré l'interdit de son père, et tourné son épée contre celui-ci au cours d'une violente dispute. Depuis il parcourt le monde, escorté de son ancien tuteur, afin de punir les méchants et de récompenser les bons, inconsolable du reste de la mort de la fille qu'il avait eue de Sarah, et que celle-ci avait emmenée dans son exil.

 

Pour sauver sa nouvelle protégée, Rodolphe devra affronter un dangereux couple de criminels. la Chouette, l’ancienne marâtre de Fleur-de-Marie, qui lui avait été confiée tout enfant et son associé, le hideux et féroce Maître d’école. Pour punir le Maître d'école, Rodolphe le fera aveugler, et celui-ci, tuera la Chouette, qui avait essayé de le trahir.

 

Cependant, Rodolphe, secondé par le Chourineur qu'il a converti, vole également au secours d’autres opprimés, les divers déguisements qu’il

« endosse au cours de son exploration de Paris lui permettant de découvrir les misères qui l'entou­ rent C'est ainsi qu'il sauvera une pauvre et méri­ tante famille d'ouvriers, les Morel, de la misère et de l'oppression du notaire véreux jacques Fer­ rand ; ce monstre, mêlé à toutes les turpitudes du roman, sera cruellement puni.

Rodolphe sau­ vera également du déshonneur et de la prison François-Germain, un employé honnête et com­ patissant, injustement accusé, et lui permettra d'épouser Rigolette, une grisette, l'amie de Fleur­ de-Marie.

Enfin, il sauvera Clémence d'Harville, la femme de son meilleur ami, d'une relation adul­ tère avec un bellâtre inconséquent, dans laquelle elle allait s'engager moitié par désespoir (son mari lui avait caché qu'il était épileptique), moitié par inconscience.

Le cours mouvementé de ces aventures va progressivement révéler que Fleur­ de-Marie n'est autre que la fille de Rodolphe et de Sarah, qu'on avait fait passer pour morte.

Rodolphe la légitime par un mariage in extremis avec Sarah mourante (elle a été assassinée par la Chouette, devenue sa complice).

Ainsi, malgré la mort héroïque du Chourineur qui s'interpose entre Rodolphe et un assassin, la fin semble devoir être heureuse en tous points : Fleur-de­ Marie, devenue la princesse Amélie, est couverte d'honneurs, et Rodolphe épouse Clémence d'Harville, qu'il aime depuis longtemps en secret et dont il est aimé (celle-ci étant devenue veuve entre-temps).

Hélas ! Le poids de son existence passée pèse sur Fleur-de-Marie, qui ne peut oublier sa honte ineffaçable.

Elle meurt donc à la fin du roman, après être entrée en religion, expiant ainsi la faute de son père.

Roman mondain (par l'intrigue entre Rodolphe, Clémence et Sarah, entre autres), les Mystères de Paris sont aussi un roman d'aventures exotiques, où les apaches de Paris remplacent ceux de l'Amérique; Sue s'était d'ailleurs som­ mairement documenté sur l'argot, dont il parsème son livre, ce qui cho­ qua certains critiques sourcilleux ; il s'était également documenté sur les prisons, les hôpitaux publics, et avait entrepris en personne, escorté d'un professeur de boxe, des enquêtes sur les milieux populaires.

Les Mystères de Paris sont donc aussi un roman popu­ liste, mettant en scène les marginaux de Paris, les bandits avec leur langage propre, l'argot, et leurs mœurs, mais aussi les artisans honnêtes brisés par la misère, eUes pittoresques concierges, les Pipelet, tout ce monde évoluant dans des lieux que seuls avant lui Mer­ cier dans son Tableau de Paris (1781) ou Rétif de La Bretonne (voir les *Nuits de Paris) avaient décrits, et qui compo­ sent l'image fascinante d'un Paris mystérieux et inconnu, dévoilé dans ses recoins les plus secrets.

Cette évoca­ tion heurta autant qu'elle fascina le public.

Depuis quelques années déjà, les enquêtes sociales (celles, entre autres, de Buret, Frégier, Villermé, Parent-Duchâtelet) attiraient l'atten­ tion sur la condition des pauvres, sur le régime des prisons, sur la prostitu­ tion, ces plaies sociales qui déran­ geaient un peu la bonne conscience de la bourgeoisie au pouvoir.

Mais les faire figurer dans un roman, c'était leur donner une publicité bien plus corn" promettante, c'était donner des« misé­ rables » une vision provocante et menaçante, au sein même du plus bourgeois et du plus gouvernemental des organes de presse.

Et puis ces misé­ reux semblaient se rapprocher dange­ reusement des autres classes, les sphè­ res se mêlaient, les limites n'étaient plus sûres.

L'intervention du sur­ homme Rodolphe pour redresser les injustices que laissait subsister la société ne faisait que mettre en relief l'impuissance ou l'insouciance de cette société elle-même.

Tout un débat idéo­ logique sur la misère sociale fut sinon lancé, du moins fortement réactivé par le roman.

Mais ce qui enchaînait une foule haletante à la succession des épisodes était d'abord la variété et le pittoresque de cette représentation des sauvages de la civilisation, les « Mohicans de Paris», comme les appellera bientôt Dumas; c'était aussi le maniement habile de la tension dramatique, et la. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles