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PONGE: Le parti pris des choses (Fiche de lecture)

Publié le 20/11/2010

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«À mi-chemin de la cage au cachot, la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie [ ] A tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, — sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement.«

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« Comme le dit Henri Spada dans sa très belle étude sur Ponge, il s'agit ici d'un art «apparemment clos».Effectivement, chaque texte se présente comme une œuvre autonome, fermée sur elle-même et sur son sujet,comme un «petit bijou» ciselé auquel on ne saurait rajouter ou retrancher quoi que ce soit — c'est-à-dire,justement, comme un objet.

Un objet de matière similaire à celui, bien réel, dont il traite.

L'évocation du cageot est aussi simple, modeste et neutre que son modèle.

Celle de l'eau en reproduit le mouvement, la couleur, la lumière... «[...] Elle est blanche et brillante, informe et fraîche, passive et obstinée dans son seul vice : la pesanteur ;disposant de moyens exceptionnels pour satisfaire ce vice : contournant, transperçant, érodant, filtrant [...]». («De l'Eau») On voit avec quel raffinement, quel discernement Ponge choisit, organise les mots, comment aussi et surtout, il lessavoure.

C'est un bon exemple des spécificités d'un style totalement original, qui unit dans une même démarche la plus grande rigueur à la plus intense sensualité, dans l'acception littérale de ce terme. 3.

LES CHOSES CONTRE LES HOMMES Ainsi, à sa publication, Le Parti pris des choses a pu apparaître aux contemporains comme un ouvrage totalement nouveau, une tentative révolutionnaire, comme le notera Jean-Paul Sartre, de «prendre le parti des choses contreles hommes ; prendre son parti de leur existence (contre l'idéalisme qui réduit le monde aux représentations) ; enfaire un parti pris esthétique» (Situations I). D'une part, Ponge rompt résolument avec les façons antérieures de traiter les choses et la nature.

Sa démarche nese situe pas, comme celle des romantiques, sur le plan affectif ; tout humanisme, comme il le revendique, en estégalement absent.

L'homme n'est plus au centre des choses, et l'auteur prétend «prendre parti» pour celles-ci, nonpour lui-même.

Le «Je» — sujet pensant et désirant — est exclu de cette poétique qui ne décrit pas, mais énonce et nomme.

L'auteur ne prétend pas interpréter les objets ou en restituer la réalité, mais, en leur associant les mots d'une langue aux mille ressources, créer d'autres objets de densité équivalente. «Je ne me veux pas poète [...] déclare l'auteur lui-même, j'utilise le magma poétique mais pour m'en débarrasser, je tends plutôt à la conviction qu'aux charmes, il s'agit pour moi d'aboutir à des formules claires et impersonnelles.» (Proêmes) Le poème doit être matière à- partir de l'objet, non digression sur l'objet. D'autre part, Ponge se montre également fort éloigné de la démarche surréaliste: il ne fait pas appel aux voies del'inconscient, ne laisse pas place au délire onirique, et se définit très nettement comme un pur matérialiste, unépicurien.

Et surtout, il travaille la langue en «artisan», en sculpteur, qui en utilise au mieux, de la façon la plusprécise, les matériaux inépuisables. 4.

L'ART POÉTIQUE» Ponge ne dit-il pas lui-même que son oeuvre aurait dû s'appeler (du nom de L'oeuvre majeure de Boileau, illustrationdu classicisme formel en poésie) L'Art poétique? Car, comme l'écrit encore Henri Spada, «l'écrivain est dans le langage, non dans l'huître ou le galet», cet écrivain quiavouera un jour : «Fort souvent il m'an-ive, écrivant, d'avoir l'impression [...) que je travaille parmi ou à travers le dictionnaire un peu à la façon d'une taupe, rejetant à droite ou à gauche les mots, les expressions, me frayant un chemin à travers eux,malgré eux.» Itinéraire laborieux à travers la langue, qui exclut la notion d'«inspiration» tout autant que celle d'un «savoir-faire»préconçu, ou d'un «métier» définitivement acquis.

L'écrivain est toujours un chercheur — et c'est dans ce doublerejet de la grâce et de la technique que se situe l'une des plus grandes originalités de Francis Ponge.

Bien après Le Parti pris des choses, il devait ainsi résumer les grandeurs et les limites de son infatigable quête : «Peut-être, ce qui rend si difficile mon travail est-ce que le nom du mimosa est déjà parfait.» (Torne premier). »

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