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Profession : menteur. François Périer

Publié le 19/03/2020

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«Dès l’enfance, j’ai eu le goût du mensonge. Du beau mensonge. Vocation, appel du destin... Depuis toujours, je raconte des histoires. Pour ma défense, et tant pis pour le paradoxe, je dois dire qu’il y avait une sorte d’innocence dans mes mensonges. Je ne mentais pas par intérêt : je mentais par plaisir. Je vivais dans un monde embelli par mon imagination. Tous les enfants se créent un univers à l’image de leurs désirs, et tous finissent par y renoncer quand iis s’aperçoivent que les autres ne peuvent y trouver place. Certains s’enferment dans la solitude: la plupart deviennent adultes. Moi, je suis devenu comédien...»

(Profession : menteur, p. 9)

«Ainsi, j’ai toujours voulu mener de front une carrière grand public, tournée vers le rire, et une autre, plus secrète, moins tapageuse, plus proche peut-être de l’essence du théâtre. Là encore, cela m’a valu d’être souvent regardé d’un drôle d’œil. Pour qui se prend-il celui-là? Qu’est-ce que c’est que cet olibrius? Pourquoi ne veut-il pas rentrer dans le rang? J’ai le goût du paradoxe mais pas celui du malentendu. Je suis las d’entendre les muscadins du théâtre périphérico-subventionné se gausser de mes succès de boulevard, tout comme il m’énerve qu’un certain public B.C.B.G. refuse de me voir autrement qu’en personnage de vaudeville. Eh bien oui, mesdames et messieurs, je suis double, ce qui est bien la moindre des choses pour un menteur professionnel. Et sur ce point, je crois bien n’avoir jamais essayé de tromper personne. »

(Profession : menteur, p. 253)

 

«J’ai fait l’erreur de prendre le rôle principal, au lieu de me contenter de la mise en scène. Le personnage était un escroc profond, un type vraiment dégueulasse. Depuis vingt ans, je jouais les braves types et le public ne voulait pas me voir autrement qu’en honnête homme. »

«Pour ma part, je me sentais mal à l’aise dans ce rôle. -Il m’est même arrivé une chose unique dans ma carrière: j’ai pris mon personnage en grippe. J’avais perdu cette distanciation, qui est, à mon sens, le secret de la comédie: au fil des représentations, cet individu me paraissait en plus en plus haïssable. »

« 224 / MENSONGE • 29 Après son admission au Conservatoire, où son maître, André Brunot, lui inculque, précisément, « l'amour du travail bien fait, la fierté de l'artisan», l'ancien élève du Cours de René Simon (en 1935) conquiert d'emblée suc­ cès et célébrité dès 1938 (dans Les Jours heureux, de C.A.

Puget, au Théâtre Michel puis au Théâtre de Paris).

Suc­ cès jamais démenti par la suite.

Ce n'est pourtant pas en jouant Les Mains sales, de Sartre, en 1948, au Théâtre Antoine, que François Périer connaîtra la gloire; celle-ci viendra quand il créera Bobosse, comédie d'André Rous­ sin, en 1950 (à Bruxelles, puis à Paris et à Lyon).

Dès le lever du rideau, il fait le poirier sur scène! Sans devoir renoncer, par la suite, au répertoire léger (comédies divertissantes, vaudevilles du théâtre de boule­ vard) grâce auquel il s'était taillé ses plus francs succès, François Périer se tourne vers des œuvres plus exigeantes de recherche ou d'avant-garde: Les Séquestrés d'Altona de Sartre, en 1966; Le Diable et le Bon Dieu, en 1968, également de Sartre, au T.N.P., puis, en 1969, la même pièce au festival d'Avignon, qui lui vaut un triomphe.

Double registre du répertoire, dédoublement du comédien (ou duplicité du menteur professionnel?): la dualité de l'acteur accompli rejoint et prolonge celle de l'enfant qu'il était, puisque ce dernier s'était inventé un compagnon de route idéal, un «double» glorieux de lui-même, un certain Désiré Mestiféri, qu'il lui faudra bien supprimer quand sa mère entreprendra de faire sa connaissance.

Mais tout comédien ne s'éprouve-t-il pas divisé dans son.

être même? Vilar se nommait lui-même familièrement Toto et Gérard Philipe se parlait parfois à la seconde personne et s'écrivait des lettres d'injures! En tout cas, François Périer s'adjuge avec fierté, et humour, cette qua­ lité de menteur professionnel : « Ainsi, j'ai toujours voulu mener de front une carrière grand public, tournée vers le rire, et une autre, plus secrète, moins tapageuse, plus proche peut-être de l'es­ sence du théâtre.

Là encore, cela m'a valu d'être sou­ vent regardé d'un drôle d'œil.

Pour qui se prend-il celui-là? Qu'est-ce que c'est que cet olibrius? Pourquoi. »

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