QUART LIVRE des faits et dits héroïques du bon Pantagruel (résumé & analyse)
Publié le 07/11/2018
                             
                        
Extrait du document
QUART LIVRE des faits et dits héroïques du bon Pantagruel. Récit de François Rabelais (vers 14831553), publié à Paris chez Fézandat en 1552. Trois éditions partielles avaient précédé, dont la première à la foire de Lyon, en 1547 : elles comprenaient, outre le Prologue, 11 chapitres qui s'achevaient brutalement, et dont la matière fut redistribuée dans les 25 premiers chapitres de 1552. À la virulence du Prologue initial, où Rabelais attaquait les détracteurs de ses écrits, « mesdisans et calumniateurs », fut substitué, dans l'édition définitive, un Prologue plus serein qui contient la célèbre définition du pantagruélisme : « Certaine gayeté d'esprit conficte en mespris des choses fortuites. » La Sorbonne dénonça le livre au Parlement, mais ce dernier ne s'opposa pas à la mise en vente.
Récit de voyage complexe et touffu, ce quatrième volet du cycle des géants emprunte aux événements de l'actualité autant qu'à la tradition littéraire : depuis Homère et Virgile, jusqu'à l'Orlando furioso et Amadis, qui embarquaient leurs héros pour le Cathay, la navigation appartient au roman et à l'épopée. Mais l'intérêt de Rabelais pour ce thème a été avivé, surtout, par les voyages successifs de Jacques Cartier au Canada entre 1532 et 1546 : le Bref Récit publié par le navigateur en 1545, dans un climat d'indifférence générale, n'a vraisemblablement pas échappé à l'auteur du Quart Livre.
Le voyage dans les îles imaginaires permet, comme plus tard chez Swift, une satire violente des mœurs du temps. En cette période de tension entre la France et le Saint-Siège, la papauté devient la cible essentielle : dans les chapitres consacrés à l'île des Papimanes, Rabelais se range du côté des humanistes gallicans, qui s'élèvent contre l'amoindrissement de l'autonomie politique et financière de la couronne de France. Il attaque en outre le culte des reliques, l'idolâtrie et le système des indulgences. Plus insistante que dans les trois livres précédents, la satire religieuse s'en prend à toutes les formes du ritualisme aberrant de l'époque.
Pantagruel, Panurge et leurs compagnons s'embarquent pour aller consulter l'oracle de la Dive Bouteille (chap. l). lls rencontrent un navire qui revient du pays de Lanternais. Panurge, échappant de peu aux coups d'un marchand de moutons avec qui il s'est querellé, jure de se venger : il achète un mouton qu'il jette aussitôt à la mer, et tout le troupeau s'y précipite à la suite, entraînant marchand et bergers (58). Dans l'ile de Procuration, Pantagruel et les siens constatent l'« estrange manière de vivre » des Chicquanous, qui « gaingnent leur vie à estre battuz » ( 12-16). Une tempête éclate et révèle la poltronnerie de Panurge, dont frère Jean ne manque pas de se gausser ( 18 24). Pantagruel évite l'ile de Quares-meprenant. ennemi juré des Andouilles dodues avec lesquelles il est en lutte perpétuelle (2941 ). Les voyageurs font escale dans l'ile des Papima-nes, adorateurs du pape : Homenaz, évêque du lieu, leur montre les Décrétales, livre sacré qui rassemble toutes les ordonnances papales (48 54). Reprenant leur voyage, Pantagruel et ses compagnons entendent d'étranges clameurs en pleine mer : ce sont les paroles, les cris et les bruits d'une bataille vieille d'un an ; la rigueur de l'hiver les avait gelés, la « sérénité ettempérie du bon temps » les fait fondre (55 56). Dans l'ile de Messer Gaster, les voyageurs découvrent le culte dont fait l'objet ce personnage, symbole de la toute puissance de l'estomac (57 62).
Évoluant entre farce et cauchemar, le Quart Livre semble détruire les schèmes antérieurs du récit rabelaisien. Pan-tagruel et Gargantua, parodies des romans de chevalerie, adoptaient une progression sans surprise ; le Tiers Livre lui-même, si vibrant d'interrogations et de désarrois, se rangeait dans la forme itérative de la quête. Mais que dire du Quart Livre ? Nombre de commentateurs ont souligné l'abandon, au moins apparent, du souci structural : le thème odysséen unifie moins la narration qu'il ne la réduit en fragments, à l'image des îles visitées successivement par Pantagruel et les siens. L'itinéraire des personnages semble n'obéir qu'à la logique de l'irruption - archipels fabuleux, peuplades grotesques, monstres marins et tempêtes dévastatrices.
Faut-il croire que l'inspiration rabelaisienne ne parvient pas à trouver un véritable régime narratif, et qu'elle s'essouffle dans une accumulation hétéroclite ? De fait, le Quart Livre ne renoue qu'occasionnellement avec la liberté de Gargantua ou les audaces épistémologiques du Tiers Livre : la violence satirique alourdit le récit, quand elle ne l'immobilise pas purement et simplement (épisode érasmien de l'île des Papimanes), et il faut reconnaître que les allégories se font parfois bien voyantes (Messer Gaster, ou l'estomac qui mène le monde). On ne saurait, néanmoins, parler d'un fléchissement de l'inspiration sans négliger la cohérence profonde de l'œuvre rabelaisienne. Tout le problème, depuis Gargantua, est celui de l'exercice de la responsabilité et de la liberté humaines dans un monde qui ne délivre plus de signes certains : Panurge en a fait l'amère expérience, qui n'a trouvé de réponse à la question du mariage ni dans les livres ni dans la parole des hommes. Le Quart Livre, de ce point de vue, prolonge et amplifie les désarrois panurgiens du Tiers Livre : le défilé grotesque et composite des îles dessine un
«
                                                                                                                            antérieurs 
du récit  rabelaisien.
                                                            
                                                                                
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tagru el et  *Gar gantua,  parodies  des 
romans  de chevalerie,  adoptaient une 
progression  sans surprise  ; le  *Tiers 
Livre  lui-même,  si vibrant  d'interroga
tions  et de  désa rrois,  se rangeait  dans 
la  forme  itérative  de la qu ête.
                                                            
                                                                                
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dire  du Quart  Livre? Nombre  de 
commenta teurs ont souligné  l'aban
don,  au moins  apparent,  du souci 
structural  : le  thème  odysséen  unifie 
moins  la narration  qu'il ne la réduit  en 
fr agments,  à l'image  des îles  visitées 
successi vement  par Pantagruel  et les 
siens.
                                                            
                                                                                
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ble  n'obéir  qu'à la  logique  de l'irrup
tion  -arch ipels  fabuleux,  peuplades 
grotesques, monstres marins  et temp ê
tes  dévastatri ces.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Faut-il  croire que l'inspiration  rabe
laisienne  ne parvient  pas à trouver  un 
véritable  régime narratif,  et qu'elle 
s'es sou ffle  dans  une accumulation 
hétér oclite  ? De  fait,  le Quart  Livre  ne 
renoue  qu'occasionnellement  avec la 
liberté  de Gargant ua  ou  les  audaces 
épistémolo giques du Tiers  Livre : la  vio
lence  satirique  alourdit le  récit, quand 
elle  ne l'immobilise  pas purement  et 
simplement  (épisode érasmien  de l'île 
des  Papimane s), et  il  faut  reconnaître 
que  les allégories  se font  parfois  bien 
voyantes  (Messer Gaster,  ou l'estomac 
qui  mène  le monde) .
                                                            
                                                                                
                                                                    On  ne  saurait, 
néanmoins,  parler  d'un  fléchissement 
de  l'inspiration  sans négliger  la cohé
rence  profonde  de l'œuvre  rabelai
sienne .
                                                            
                                                                                
                                                                    Tout  le problème,  depuis Gar
gantua,  est celui  de l'exercice  de la 
responsa bilité et de  la liberté  humaines 
dans  un monde  qui ne délivre  plus de 
signes  certains  : Panurge  en a fait 
l' amère  expérience,  qui  n'a trouvé de 
réponse  à la  question  du mariage  ni 
dans  les livres  ni dans  la parole  des 
hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le Quart  Livre,  de  ce point  de 
vue,  prolonge  et amplifie  les désarrois 
panurgiens  du Tiers  Livre  : le  défilé  gro
tesque  et compo site des îles  dessine  un monde 
rebelle à toute  explication  logi
que,  arraché  définitivement  à la  séc u
rité  du sens.
                                                            
                                                                        
                                                                     Sans doute  chacun  des 
archipels  imaginaires  renvoie-t-il clai
rement  à une  sphère  de l'act ivité 
sociale  : la  justice  (les Chicquanous),  la 
religion  (les Papi manes),  les arts  et les 
techniques  (Messer Gaster) .
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais  la 
désarticulation  des épisodes  et le gros
sissement  carnavalesque  du trait  trans
forment  toutes  créatures en épouvan
tails  inquiétants,  plus dignes  de l'enfer 
dantesque  que d'un  monde  organisé.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Cette  dissolution  des repères  trouve 
son  expre ssion  la plus  frappante  dans 
l' omniprésence  de l'océan  et dans  le 
thème  récurrent  de la noyade .
                                                            
                                                                                
                                                                    Dès  les 
premiers  chapitres,  moutons,  bergers 
et  marchands  disparaissent  en pleine 
mer,  comme  jadis  viandes  et salades 
s'abîmaient  dans le gosier  de Gargan
tua.
                                                            
                                                                                
                                                                     Mais  l'engloutissement  ne renvoie 
plus,  dans le Quart  Livre, à cette  jubila
tion  organique  où l'homme  excède ses 
limites .
                                                            
                                                                                
                                                                    Au  contraire,  les navigateurs 
semblent  bien petits  et désarmés 
devant  la puissance  dévoratrice  des élé
ments,  comme  en témoigne  l'épisode 
de  la tempête  : ,, Croyez  que nous sem
bloit  estre l'antique  Cahos,  onquel 
estoient  feu, air, mer,  terre,  tous les élé
mens  en  réfraictaire  confusion >> (18).
                                                            
                                                                                
                                                                    
Juste  retour  des choses,  Panurge,  le 
bourreau  des moutons,  devient la prin
cipale  victime  de  ce décha înement  : 
« C'est  faict de moy ! Je  me  conchie  de 
male  raige  de paour.
                                                            
                                                                                
                                                                     Bou bou,  bou 
bou  ! Otto  to to to  to ti ! >>  (ibid .).
                                                            
                                                                                
                                                                    
Désarticulation  du langage  et relâche
ment  du corps  vont de pair :  «  La vertus 
retentrice  du nerf  qui  restreint  le 
muscle  nommé  sphincter  (c'est le trou 
du  cul)  estoit  dissolue  par la véhé
mence  de la paour  qu'il avoit  eu>> (67).
                                                            
                                                                                
                                                                    
Cette  dérive  verbale  et  organique, 
signe  d'une  panique  incontrôlable  que 
frère  Jean  ne manque  pas de stigmati
ser  ( « Fy  ! Qu 'il est  laid,  le pleurart  de.
                                                                                                                    »
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