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TIERS LIVRE des faits et dits héroïques du bon Pantagruel. Récit de François Rabelais (résumé & analyse)

Publié le 08/11/2018

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TIERS LIVRE des faits et dits héroïques du bon Pantagruel. Récit de François Rabelais (vers 14831553), publié à Paris chez Christian Wechel en 1546. Immédiatement censuré par la Sorbonne, l'ouvrage, troisième récit du cycle des géants, connut pourtant plusieurs réimpressions, avant l'édition définitive de 1552, chez Michel Fezendat.

 

La fin du Pantagruel promettait une suite qui révélerait « comment Panurge fut marié, et cocqu dès le premier moys de ses nopces ; et comment Pantagruel trouva la pierre philosophale [...] >> (chap. 34). Le Tiers Livre diffère la réalisation de cette double promesse : à l'inverse des deux récits précédents, l'action et l'aventure y occupent moins de place que l'exploration des savoirs de l'époque (droit, médecine, théologie) et de ses représentations intellectuelles.

Après la victoire sur les Dipsodes (voir Ponta gruel), Pantagruel a donné à Panurge, en récompense, la châtellenie de Salmigondin ; mais celui ci ne tarde pas à dilapider, «en mille petitz banquets et festins joyeulx », les revenus de son domaine (chap. 1 2). À Pantagruel qui lui adresse d'amicales remontrances, il répond par un vibrant éloge des dettes : « Prester et emprunter», telle est la loi qui, d'après lui, régit le corps de l'homme aussi bien que l'organisation du cosmos (3 4).

 

Le lendemain de cette entrevue, Panurge fait part à Pantagruel de sa perplexité : son dessein serait de se marier, s'il ne craignait par dessus tout d'« estre fait cocqu » (9). Pantagruel lui répond qu'il est difficile de donner des conseils en cette matière : les deux amis vont donc cher cher des présages en ouvrant au hasard les œuvres d'Homère et de Virgile ; mais comme chacun interprète à sa manière les passages en question, la perplexité de Panurge reste entière ( 1 0 12). La divination par les songes produit les mêmes interprétations contradictoires ( 1 3 14), comme la consultation de la Sibylle de Panzoust, du poète Raminagrobis (21) et de l'astrologue Her Trippa (25). Pantagruel assemble un théologien, un médecin, un légiste et un philosophe, mais aucun d'eux ne dissipe les doutes et les craintes de Panurge (29 36). Le juge Bridoye et le fou Triboullet n'y réussissent pas mieux (39 46).

 

Pantagruel et Panurge décident alors d'aller consulter la Dive Bouteille, en compagnie de frère jean des Entommeures et d'Epistémon. Lors des préparatifs du voyage, les navires sont chargés d'une herbe nommée Pantagruélion, herbe indestructible, aux propriétés admirables, dont l'usage hisse l'homme au rang de la divinité (49 52).

 

Épopée bouffonne dans Pantagruel et *Gargantua, le récit rabelaisien prend, avec le Tiers Livre, la forme itérative d'une quête toujours déçue : à la courbe ascensionnelle des épreuves et de l'exaltation du héros, il substitue le cercle, figure de l'impossible issue, et du retour obsessionnel de la même interrogation. Le discours des personnages garde toute sa verve, mais il a perdu sa force résolutive. Encadrés par l'éloge des dettes et l'hymne au Panta-gruélion, les déboires de Panurge n'en font que mieux ressortir la détresse

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« d'un langage incapable de répondre à une question prosaïque.

Juge, méde­ cin, philosophe, prêtre et magicienne n'ont rien à dire à Panurge -ou plutôt, l' acc umulation de leurs discours ne trace aucune voie certaine.

La bouffon­ nerie, dès lors, se fait plus amère et intelle ctuelle que dans Pantagru el et Gar gant ua : elle tient à la disproportion entre les affres bien terrestres de Panurge et la mobilisation rhétorique et con ceptuelle qui en résulte.

D'où vient cette circularité sans issue ? Est-elle seulement le fait des pratiqu es et des savoirs, convoqués par l' obligeant Pantagruel ? De l'astrologie à la théolo gie, du droit à la médecine et à la philosophie, il ne fait pas de doute que Rabelais stigmatise la culture de son temps, et la technicité creuse de ses discours.

Mais l'essentiel est ail­ leurs.

Il semble en effet que la question de Pan urge, mal posée dès le départ, perverti sse toute la suite de la quête : candidat au mariage, Panurge n'exige­ t-il pas, avant d'entreprendre quoi que ce soit, d'en connaître exactement les conséquences ? Son fameux « Se ray -je poinct cocqu ? >> résonne comme une litanie d'un bout à l'a utre du livre, comme si le futur pouvait faire l'objet d'une réponse ferme et définitive, qui délivre des dilemmes du présent.

Per­ sonne ne pourra satisfaire Panurge, et il est étrange qu'aucun de ses interlo­ cuteurs ne lui répète le conseil initial de Pantagruel : > (chap.

10).

Panta­ gru el ne saurait mieux dire.

Par ses questions réitérées, Panurge ne tend qu'à se déc harger sournoiseme nt de son libre arbitre : exigeant un oracle, il s'en remet à quiconque l'exemptera du soin de décider.

Il ne voit pas, ce fai- sant, que l'ambiguïté propre à tout ora­ cle le condamne à une perplexité infi­ nie .

Une nette similitude se dessine, pa r-delà les siècles, entre la conduite de Panurge et la problématique sar­ trienne : l'ho mme est seul devant l' action, aucun signe tiré de la nature ou des livres ne saurait lui prescrire sa vo ie.

Entre l'exaltation conquérante de Gar gantua et les apories du Tiers Livre, la rupture n'est qu'appa rente.

La devise thélémite , que Pantagruel pourrait d'ailleurs opposer à Panurge, constitue le po int d'articula­ tion des deux récits : li bérés de l'obscu­ rantisme et de la barbarie du monde ancien, les personnages, désormais, doivent affronter les diffic ultés et les angoi sses liées à l'exercice de cette liberté nouvelle.

C'est paradoxalement Panurge, le destructeur joyeux des dog­ mes et des traditions figées, qui s'affole à l'idée que l'homme doive forger son propre destin, et que le futur ne puisse être l'objet ni d'un savoir ni d'une maî­ tr ise.

Paradoxe d'autant plus étonnant que Panurge, dans les chapitres consacrés à l'é loge des dettes, s'est fait l'apôtre d'un dynamisme universel, d'une généreuse circulation des énerg ies : > (4) .

Comment Panurge, en prônant le déséquilibre fécond du prêt et de la dette, ne voit-il pas que sa théorie implique l'idée d'un avenir ouvert, foisonnant de poss ibilités mul­ tiples ? Comment, pliant et maniant le verbe en rhéteur joyeux, peut-il quêter fr ileusement, dans les chapitres sui­ vants, une injonction univoque, qui dispen serait de parler et de s'interro­ ger ? Panurge ne serait-il plus Panurge, comme l'ont avancé jadis certains. »

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