QU’EST-CE QUE LE TIERS ÉTAT ? de l’abbé Sieyès

 Cette mince brochure de 127 pages, œuvre de l’abbé Sieyès (ou Sieys, 1748-1836), publiée en janvier 1789, quelques mois avant la réunion des États Généraux, devait connaître un immense succès, exercer une influence décisive sur les débuts de la Révolution et donner à son auteur la gloire. Depuis le 5 juillet 1788, la convocation des États Généraux avait été arrêtée. Aussitôt, s’était engagé un vaste mouvement d’opinion, orchestré par une campagne de brochures et de libelles de toutes sortes. Il appartenait à l’abbé Sieyès de poser la véritable question : quelle serait la représentation du Tiers dans la nouvelle assemblée, quel rôle y jouerait-il ? Avec une netteté incisive, ne reculant pas devant les formules les plus frappantes, Sieyès y énonçait tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Il y expose tout d’abord que le Tiers État est en lui-même une nation complète, puisque des deux ordres de travaux nécessaires à l’existence et à la prospérité de la nation : l’agriculture, l’artisanat, l’industrie, le commerce, les professions libérales d’une part ; l’armée, la magistrature, le clergé, l’administration d’autre part, il accomplit la totalité des premiers et remplit les dix-neuf vingtièmes des seconds. Et il va jusqu’à affirmer : « Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus » car, au lieu d’être un tout « entravé et opprimé », elle serait un tout « libre et florissant ».